Le 17 février, une "journaliste" sur I-Télé interroge Gilles Simeoni, Président du Conseil Exécutif Corse au sujet des incidents qui ont eu lieu lors du match de foot Reims — Bastia
"Est-ce que vous condamnez ces incidents?" commence-t-elle par demander à l'élu, comme s'il pouvait faire autre chose que condamner. Visiblement peu satisfaite de la réponse de Gilles Simeoni qui dénonce les violences, elle en remet une couche, mais attention là, elle envoie du lourd:
"Vous avez pas eu l'impression, ces jours-ci, d'avoir un peu mis de l'huile sur le feu en mettant en doute la version officielle après les incidents samedi à Reims?"
Allô? Non mais allô. T'es journaliste et tu accuses un élu d'alimenter des violences simplement parce qu'il remet en cause la version officielle?
Mais toi, "journaliste" de I-Télé, si au lieu de t'empresser de lécher les bottes de la police, du procureur et du pouvoir que tu sers, tu avais fait ton travail de journaliste, tu aurais probablement appris que ce n'est pas Gilles Simeoni qui remet en cause la théorie officielle, mais la victime elle-même et des témoins direct de la scène.
Rappel des faits:
Samedi 13 février, à la fin du match entre Reims et Bastia, des heurts opposent une dizaine de supporters du club corse à des policiers. 8 personnes sont interpellées et conduites en garde-à-vue. Un étudiant, Maxime, est victime d'un tir de flashball au visage de la part d'un policier et est emmené aux urgences. On apprend plus tard par l'intermédiaire du club de supporter SCB qu'il a perdu l'usage de son oeil.
Immédiatement les réseaux sociaux relaient l'information et Gilles Simeoni, Président de l'Exécutif Corse publie un communiqué de presse dans lequel il affirme que le supporter a été blessé par un tir de flashball et il demande une enquête impartiale.
#Communiqué Après les incidents de #SDRSCB et la grave blessure d'un jeune supporter #corse #Bastia pic.twitter.com/9qWnoGS9Vd
— Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) 14 Février 2016
Le 15 février, le procureur de la république de Reims, Fabrice Belargent, relaie la version policière qui, bien évidemment, exonère totalement les policiers et prétend que le jeune s'est blessé tout seul contre un poteau:
"Il y a eu une course poursuite au terme de laquelle le policier est parvenu a rattraper l'individu, heu, l'a fait chuter pour le neutraliser et selon les déclarations du policier, c'est à cet instant que l'individu aurait chuté et serait tombé, tête la première, sur un des poteaux qui borde heu, le parcours du tram… Je vous ai apporté des photos de ces poteaux (il montre des photos des poteaux). Et c'est à cette occasion que l'individu se serait blessé au visage. Lors de la course poursuite avec le policier, après qu'il ait été déséquilibré et qu'il ait chuté."
Jusque là, tout va bien pour le policier, le procureur et surtout notre gentille "journaliste" de I-Télé.
La seule version officielle est celle du poteau qui agresse un supporter et le mutile. Ouf, l'honneur de la police est sauf. Pas besoin de faire une enquête comme un journaliste digne de ce nom. Faut pas déconner, merde, ils ont autre chose à faire.
Mais patatras, voilà qu'apparaissent plusieurs témoignages qui dénoncent exactement le contraire. Sur France Bleu un témoin direct de la scène décrit la scène:
"Ce que j'ai vu, c'est que Maxime était en train de fuir les policiers qui le poursuivaient et il s'est fait tirer dessus par un policier en civil délibérément au visage…
Maxime était poursuivi par des policiers en civil. Un avait un flashball en main. Il lui a visé délibérément à quelques mètres le visage. Quelques secondes après il s'est écroulé par terre, il a été par la suite tabassé, menotté et emmené au commissariat."
Finalement, le procureur, acculé par les témoignages et les contradictions dans la version policière est contraint d'ouvrir une information judiciaire pour "violences volontaires". Brrr. Le poteau en tremble déjà à l'idée de se retrouver en garde-à-vue.
L'impunité systématique des policiers
Et oui, seul le poteau peut craindre la justice. Le policier qui a mutilé le supporter, lui, n'a absolument rien à craindre. C'est un classique de la justice française. Depuis des années, les policiers qui s'amusent à viser le visage avec leur flashball ne sont pas inquiétés. La plupart des affaires ne vont même pas jusqu'à un procès, les procureurs classant sans suite les plaintes.
C'est ce qui est arrivé par exemple en avril 2014 pour un pompier qui a perdu son oeil suite à un tir de flashball. Le procureur de Grenoble classe sans suite pour "absence d'infraction". Si, si. Pour ceux qui n'auraient pas bien compris, le procureur ajoute même que la grave blessure du pompier « ne résulte donc pas d'une infraction, mais de sa participation à cette manifestation violente et l'emploi de la force légitime proportionnée et nécessaire pour y faire face »
Circulez, ya rien à voir. Si vous ne voulez pas perdre un oeil, vous n'avez qu'à pas manifester.
Avec l'état d'urgence, les policiers peuvent se balader, même en dehors de leurs heures de service avec leur arme. Comme s'il n'y avait pas assez de bavures comme ça pendant les heures de service. Et puis, c'est une nouveauté aussi, les policiers vont bénéficier de la présomption de légitime défense et de l'irresponsabilité pénale. En gros, si un flic vous tire dessus, c'est forcément que vous l'avez cherché alors ne venez pas vous plaindre ensuite.
Alors qu'un policier qui vient de mutiler un étudiant rédige un faux procès-verbal pour se couvrir, on a déjà vu. Qu'un procureur mente comme un arracheur de dents pour couvrir la police, on a déjà vu aussi.
Mais qu'une journaliste d'une chaîne d'information vienne reprocher à un homme politique de "mettre de l'huile sur le feu" simplement parce qu'ils ne croit pas aux mensonges officiels, ça c'est nouveau.
I-Télé et sa journaliste ont, sur cette affaire, bafoué tous les principes déontologique des journalistes, à commencer par le recoupement des sources et le respect du contradictoire.
Ce matin, en Egypte, un policier a abattu un chauffeur de taxi suite à un différend sur le prix de la course. En Egypte, il existe une loi qui punit de prison ferme tous les journalistes qui remettent en cause les versions officielles du pouvoir en matière d'attaques terroristes.
Chez I-Télé, ils se sont crus en Egypte. Ils ont cru à la version officielle de l'attaque terroriste d'un poteau contre un supporter et ils ont eu peur de la prison ferme s'ils remettaient en cause la version de la police. Mais non, journaliste de I-Télé, tu n'es pas en Egypte. Enfin pas encore. Tu as le droit de recouper tes sources, tu as le droit de donner la parole aux témoins qui étaient sur place. Tu as le droit d'enquêter et de faire du vrai travail de journaliste.
Si vraiment, ça ne te plait pas le journalisme, tu peux envoyer un CV chez Ruquier ou chez Hanouna. Peut-être que ça t'irait mieux de faire officiellement le clown et d'être payé pour ça, non?
L'indépendance des journalistes français, décidément, c'est pas pour maintenant.
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