L'histoire des échecs "stratégiques" des USA, du B-1 au B-3

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Ces avions ont toujours été conçus avec un unique objectif, pour une seule mission: devenir des instruments de représailles.

L'aviation stratégique était un outil redoutable pendant la Guerre froide. A cette époque, 20 à 25 minutes seulement séparaient le moment du lancement de missiles intercontinentaux ou de missiles par des sous-marins et la destruction de l'objectif. Pendant cet intervalle, tout ce qui avait décollé avait donc une chance de porter une attaque de représailles. C'est pourquoi, pendant les exercices, les avions décollaient l'un après l'autre pour ne pas tomber sous une frappe nucléaire désarmante à l'heure H.

La fin de la Guerre froide

En 1987, l'URSS et les USA signaient le Traité sur la réduction de leurs forces stratégiques (START). A cette époque, les parcs de bombardiers stratégiques étaient impressionnants: les États-Unis disposaient de 574 avions dont 189 armés de missiles de croisière. Pour sa part, l'Union soviétique possédait 162 bombardiers stratégiques dont 99 dotés de missiles de croisière.

Mais cette classe d'armements, après une série de progrès dans le domaine balistique, a commencé à devenir obsolète et les importantes restrictions quantitatives dans le cadre du traité START-1 rendaient ces groupes d'aviation inutiles pour les deux superpuissances.

C'est pourquoi les États-Unis, en 1990, avaient déjà significativement réduit leur parc à 360 bombardiers lourds B-52 et B-1 et 62 bombardiers moyens FB-111 (422 appareils au total).

A cette époque, l'URSS commençait seulement à déployer ses nouveaux Tu-160 et modernisait en profondeur les Tu-95 jusqu'à la version MS, ce qui explique pourquoi, à l'époque de son effondrement, l'URSS disposait de forces de dissuasion aérienne bien plus puissantes que lors de la signature du traité START-1: 19 Tu-160 (le maximum d'appareils de cette classe déployés), 88 Tu-95MS, 46 Tu-95K-22 et 16 Tu-95K.

Après la chute de l'Union soviétique, la Russie avait récupéré seulement 3 Tu-160, 22 Tu-95MS, 46 Tu-95K-22 et 15 Tu-95K. Les autres avions stratégiques se sont retrouvés en Ukraine et au Kazakhstan. Le plus facile fut de s'entendre sur la remise à la Russie des avions du Kazakhstan mais malgré tout, en 1996 déjà, le parc de bombardiers russes s'était réduit jusqu'à 79 appareils: 6 Tu-160, 63 Tu-95MS et 10 Tu-95K-22 (en service).

Au moment de l'effondrement de l'URSS, la plupart des Tu-160 étaient basés à Prilouki et ont été conservés par l'Ukraine (19 avions). Vladimir Poutine est devenu le successeur officiel de Boris Eltsine le 9 août 1999, et le 16 août est devenu premier ministre russe et de facto le premier dirigeant de l’État après le départ du président. Le 8 septembre déjà était signé l'accord de Yalta où l'Ukraine remettait 8 Tu-160 et 3 Tu-95MS avec des équipements terrestres en échange d'une remise d'une partie de la dette gazière (275 millions de dollars). Ce thème a tellement plu à l'élite ukrainienne qu'on a immédiatement évoqué une nouvelle transaction pour remettre à la Russie encore 10 avions (Tu-160?) mais les Américains sont intervenus et le premier ministre ukrainien Viktor Iouchtchenko, qui venait d'être nommé, a finalement suspendu les négociations (en août 2000 encore, ce dernier affirmait que cette transaction était possible), et 10 Cygnes blancs ont été recyclés. Un avion seulement a trouvé refuge dans le musée de l'armée de l'air soviétique à Poltava.

En ce qui concerne les avions Tu-95 conservés par l'Ukraine (21 Tu-95MS-16, 1 Tu-95M, 1 Tu-95K, ainsi que 5 avions à l'usine de réparation à Belaïa Tserkov soit au total 28 appareils), trois ont été remis à la Russie, 23 ont été détruits entre 1999 et 2002 et deux ont été remis à des musées (Poltava, Ouzine).

Des avions Tu-142 (la version anti-sous-marine du Tu-95) se trouvaient également en Ukraine et devaient être recyclés. Deux ont été remis à des musées et trois ont été transformés en avions de surveillance écologique. A en juger par le démantèlement qui a commencé à Kiev en 2015, deux des trois avions en 2013 ont été recyclés et leurs moteurs ont été probablement remis à la Russie. On a également essayé d'envoyer en Russie les quatre moteurs restants (des trois "avions de reconnaissance écologique"), mais Kiev a interdit cette opération.

Après l'effondrement de l'URSS, il restait encore 40 avions au Kazakhstan: 27 Tu-95MS-6, 13 Tu-95MS-16. Puis ils ont été remis à la Russie. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'il a été possible de conserver jusqu'à présent un parc conséquent d'appareils de cette gamme.

Ltat du parc aérien aujourd'hui

Etats-Unis

L'état actuel de la force de dissuasion nucléaire des États-Unis est, à première vue, relativement stable avec 20 B-2B (16 déployés en deux escadrilles de 8 appareils), 63 B-1B (48 déployés en quatre escadrilles de 12 avions, les autres en réserve), 72 B-52 (45 déployés en cinq escadrilles de 9 appareils, et 27 B-52 en réserve).

Au total, on dénombre donc 60 avions stratégiques opérationnels déployés (44 B-52 et 16 B-2) — même s'ils ne peuvent pas tous être considérés comme "stratégiques" comme nous allons le voir.

Le concept de bombardier stratégique a profondément changé à la fin des années 1990. Des dizaines d'avions dotés d'armes nucléaires embarquées ont alors été relégués au passé, les vols opérationnels de patrouille sont devenus plus rares et il a été décidé d'imposer aux avions stratégiques des tâches tactiques qu'ils devaient régler loin de leur base. Cette évolution a donné une nouvelle dimension aux bombardiers stratégiques.

Le B-52H. C'est pour l'instant le seul bombardier stratégique américain capable d'embarquer des missiles de croisière nucléaires (jusqu'à 20 pièces). L'avion est né dans les années 1950, est en service depuis plus de 60 ans et devrait encore être opérationnel pendant au moins 20 ans.

Cet avion devait depuis longtemps prendre sa retraite mais il est resté en service à cause d'erreurs du commandement américain, qui s'est trompé à deux reprises dans le choix du concept de nouveau bombardier stratégique (B-1 et B-2). Il est peu probable que son record de longévité soit battu un jour.

Le B-1B. A la fin de la Guerre froide, il pouvait s'infiltrer dans les failles de la défense antiaérienne soviétique. En pénétrant sur le territoire de l'ennemi à basse altitude et en restant invisible de son système antiaérien, il devait porter des frappes nucléaires contre des sites de l'ennemi avec des bombes gravitaires (ou "non guidées"). L'intercepteur soviétique MiG-31 a été précisément conçu contre ces "chasseurs" afin de contrôler les frontières nord et sud de l'URSS. Mais avec la mise en service de nouveaux radars et systèmes sol-air, le concept du B1-B est devenu obsolète — avant même son déploiement massif dans les unités. Ce fut la première erreur conceptuelle des États-Unis dans le domaine des avions furtifs. Après la chute de l'URSS, sa fonction première n'était plus du tout sollicitée et l'avion a été modifié en porteur d'armes conventionnelles. Ces bombardiers ont activement participé à toutes les guerres des USA au Moyen-Orient au début du XXIe siècle. Ils sont encore considérés comme stratégiques (ils l'étaient selon le traité START-3), mais ne le sont plus de facto.

Le B-2B. Autre "vilain canard" de l'industrie militaire américaine. Non seulement cet avion est né à un moment inopportun (à l'époque de la détente nucléaire entre les USA et la Russie), mais il est aussi devenu l'incarnation même du mauvais concept de bombardier stratégique.

Selon l'idée du commandement de l'armée de l'air américaine, il devait être invisible des radars ennemis et, par conséquent, invulnérable. Entré en service en 1994, le bombardier de série était adapté à l'usage des bombes nucléaires, mais aussi d'armes conventionnelles dont les toutes nouvelles bombes guidées GBU-31.

En 1999, tout le concept américain de furtivité a été mis à mal par la guerre en Yougoslavie où le chasseur américain F-117 a été détecté et abattu par le système antiaérien soviétique S-125 Petchora.

Pendant cette même campagne, on a tenté d'utiliser l'avion B-2A (50 vols). Les résultats ont déçu les spécialistes. Pour utiliser l'armement classique où la précision de tir doit être de quelques mètres, il fallait brièvement allumer plusieurs fois le radar de bord en approchant de la cible, ce qui rendait immédiatement l'avion détectable.

Mais cela n'a pas sauvé l'ambassade de Chine à Belgrade, qui a bien été bombardée par des B-2 pendant le conflit.

Dans le même temps, pour mener une attaque réussie, l'avion était couvert et appuyé par un avion de guerre électronique EA-6B, plusieurs chasseurs F-15C, un avion de détection de commandement aéroporté E-3 et un avion de de reconnaissance E-8. En y ajoutant quelques ravitailleurs, le coût du vol de l'avion le plus cher du monde devenait vraiment exorbitant, sur fond duquel l'usage de bombes guidées était équivalent à la marge d'erreur comptable.

D'autant que cette tactique allait à l'encontre du principe même de l'utilisation d'avions furtifs, ce qui rendait son exploitation complètement insensée.

Un B-2 coûte 1 milliard de dollars et, compte tenu des travaux de développement, plus de 2 milliards.

La guerre en Yougoslavie a prononcé la sentence pour ces avions "furtifs". Le F-117 a été retiré du service avant terme et le B-2 a été construit en 21 exemplaires au lieu des 132 prévus. Cette décision a été prise avant même le fiasco de Belgrade. La direction du Pentagone connaissait probablement d'avance les problèmes de l'avion.

En fait, c'est cette erreur qui a marqué la "pause aéronautique" dans l'aviation lourde des États-Unis, dont les conséquences se font sentir jusqu'à aujourd'hui. Le commandement stratégique de l'armée de l'air américaine est resté sans avion de série, bon marché et efficace. C'est pourquoi elle a dû pousser au bout le vieux B-52 et maintenir en service le B-1B.

Pendant ce temps, l'avion vieillit. Les nouveaux systèmes antiaériens russes S-400 et S-500 seront capables d'identifier et d'abattre un B-2 à longue distance, alors qu'il n'a toujours pas été doté de missiles de croisière longue portée (seulement de bombes gravitaires). Pour que le bombardier puisse remplir sa mission principale, il a été décidé de l'armer d'un nouveau missile de croisière LRSO (portée de 3 500 km), qui entrera en service après 2025. D'ailleurs, son élaboration est associée au développement d'un nouvel avion stratégique dans le cadre du programme LRS-B qui héritera probablement de tous les problèmes du B-2 (on en reparlera).

Russie

A l'heure actuelle, la force nucléaire de dissuasion russe dispose de 16 bombardiers Tu-160 déployés (deux escadrilles de huit avions) et de 54 Tu-95MS(M) (six escadrilles de neuf appareils).

Ce chiffre de 54 Tu-95MS(M) est celui fourni par les autorités officielles. Dans la littérature et sur internet, on peut aussi lire qu'il ne s'agit que de 36 avions. Il est possible que les deux soient corrects: les deux escadrilles de la base aérienne Oukraïnka (Extrême-Orient) pourraient ne pas être déployées et se trouver en réserve, bien que le matériel soit présent à la base.

Selon les plans du commandement des forces aérospatiales russes, tous les avions devront être modernisés et acquérir la capacité d'utiliser des munitions aussi bien nucléaires que conventionnelles. Dans le cadre de cette modernisation, tous les avions bénéficieront de nouveaux systèmes de visée et de navigation qui leur permettront de travailler sur un champ de bataille contrôlé commun en recevant les ordres de désignation d'objectif en temps réel (ce programme est actuellement travaillé en Syrie). Un certain nombre de Tu-95 sont stockés dans un entrepôt (plus de 60 appareils d'ancienne version).

Le second échelon stratégique

On peut rattacher au second échelon de l'aviation lourde des avions disposant d'une masse opérationnelle stratégique (plus de 12 tonnes) mais ne pouvant pas se vanter d'une portée intercontinentale.

En 1990, l'armée de l'air américaine disposait de 62 bombardiers tactiques F-111F.

D'un rayon d'action d'environ 2000-2100 km, ils étaient pourtant condamnés car la méthode de calcul des munitions nucléaires pour des avions au-delà de la norme de 180 unités dans le cadre du traité START-1 les rendaient très peu commodes pour Washington. Comme aucune autre mission n'avait été prévue pour eux, ils ont tous été retirés du service en 1998 et stockés.

Par contre, ces dernières années en Russie, les avions du "second échelon stratégique" ont été affectés à des tâches tout à fait stratégiques.

Le Tu-22M3. Un avion au fort potentiel. Ses caractéristiques uniques lui permettent d'éliminer des porte-avions et le bouclier antimissile (ABM) américain en Europe (contre la Russie) dont la mise en place n'est pas encore terminée. La dotation des avions de cette classe par un système de positionnement universel SVP-24 Gefest lui permet d'attaquer avec beaucoup de précision même avec des bombes ordinaires. Pendant la campagne syrienne, les Tu-22M3M ont effectué un vol de 4.500 km, confirmant leur rayon d'action de 2 400 km. L'importante capacité d'embarquement de bombes (12 tonnes en capacité normale et 24 tonnes en capacité maximale) rend cet appareil universel et permet même d'embarquer des missiles de croisière lourds.

Il a déjà été décidé de moderniser d'ici 2020 30 avions de cette classe jusqu'à la version Tu-22M3M. Sa principale arme d'attaque sera le missile de croisière lourd Kh-32, de 6 tonnes et d'une portée de tir de 1.000 km. Cela permettra d'éliminer des navires et des sites terrestres ennemis tout en restant hors de portée de la défense antiaérienne.

6 escadrilles de Tu-22M3M de 9 ou de 12 appareils (aucune information précise n'est disponible sur internet) sont actuellement déployés. Selon le parc de l'aviation stratégique (ils sont considérés comme tels) l'escadrille doit inclure 9 avions. Mais il est possible qu'ils soient douze (encore récemment ils étaient inscrits dans l'aviation tactique, où une escadrille se compose de 12 appareils).

En 2011, tous les avions opérationnels de l'aviation de la marine et de l'armée de l'air ont été réunis au sein de l'aviation stratégique sur deux sites de stationnement permanent – la base aérienne de Chaïkovka (région de Kalouga) et la base aérienne de Belaïa (région d'Irkoutsk) — soit trois escadrilles sur chaque base pour un total de 54 à 72 avions.

Les problèmes actuels

Les Etats-Unis

Le B-52H. Près de 70 appareils sont encore opérationnels aujourd'hui mais l'armée de l'air américaine les retire du service d'un par an à cause de leur âge — ils ont déjà servi plusieurs termes et ne peuvent pas voler éternellement (tous les avions datent du début des années 1960).

Début 2015, après un incendie, l'un des avions B-52H opérationnels a même dû être remplacé par un avion retiré du service (et non de réserve), ce qui est une première dans l'histoire de l'aviation américaine. C'est pourquoi le chiffre officiel de 72 avions opérationnels soulève des doutes quant à leur véritable effectivité.

Le B-1B. Ces avions ont le même problème de vieillissement et presque un appareil par an est retiré du service — cette fréquence risque d'augmenter à terme. L'avion doit rester en service au moins jusqu'en 2038, quand il sera remplacé par un nouveau bombardier stratégique. Combien resteront en service d'ici là?

100 unités ont été initialement construites, deux ont été perdues et il reste actuellement 63 appareils.

Même à la fréquence actuelle de retrait du service des avions et sans tenir compte des éventuelles pertes d'ici 2025, près de 50 avions resteront encore opérationnels — ce qui sera suffisant pour constituer quatre escadrilles. D'ici 2035 une quarantaine de ces avions sera devenue très obsolète.

Le B-2. Il n'a finalement pas réussi à devenir un véritable avion. Pour un bombardier tactique de longue portée: il est trop coûteux et inefficace. Et en tant que "stratège" il n'a aucune utilité tant qu'il ne sera pas armé par un nouveau missile de croisière, ce qui demandera au moins 10 ans. D'ici là, il sera uniquement utilisé dans des guerres locales qui risquent de ruiner les contribuables américains.

Russie

L'aviation stratégique russe connaît bien moins de problèmes courants — d'abord car la majeure partie du parc encore utilisé a été fabriquée dans les années 1970-1990.

La fabrication de l'avion le plus "ancien", le Tu-95MS, a commencé en 1979 (date des premiers vols d'essai) et la production en série s'est déroulée entre 1984 et 1994 (88 exemplaires).

Aujourd'hui ce type d'avion se distingue donc naturellement du B-52 américain, fabriqué 20 à 25 ans plus tôt. L'avion a également eu de la chance parce que son moteur NK-12 est devenu la base des dispositifs de compression des stations de pompage de gaz, ce qui a permis de sauvegarder la base de maintenance et de production bien qu'on ne fabrique plus aujourd'hui de nouveaux moteurs pour cet avion. L'importance réserve de solidité héritée de l'URSS assurera à l'appareil un service sans problème pendant encore 15 à 20 ans.

Le Tu-160, pour sa part, a été fabriqué entre 1984 et 1993 (deux avions ont été terminés dans les années 2000). Dans l'ensemble, après la reprise de la production du moteur NK-32 et le changement intégral de l'électronique, l'avion ne connaît aucun problème.

Le Tu-22M3. La majeure partie de ces appareils en service dans l'armée de l'air russe a été produite entre 1984 et 1992. Pour l'instant, un peu moins de la moitié des appareils disponibles sont en état opérationnel, principalement à cause du moteur. La mise en place de la construction du moteur NK-25 par l'entreprise Kouznetsov réglera immédiatement le problème du maintien de l'opérationnalité des avions Tu-22M3 et permettra de former encore trois escadrilles avec les appareils restants. Étant donné que l'interchangeabilité des pièces des moteurs NK-32 et NK-25 est supérieure à 60%, le problème devrait être réglé en quelques années. Selon certaines informations, le Tu-22M3 pourrait être équipé du moteur NK-32 — cela n'a pas encore été confirmé même si les gabarits et les caractéristiques des moteurs sont similaires.

© Flickr / Dmitry TerekhovTu-22M3
Tu-22M3 - Sputnik Afrique
Tu-22M3

Dans l'ensemble, le parc de l'aviation lourde russe a 25-30 ans et, après modernisation, pourra remplir ses missions pendant encore 15-20 ans, notamment sur fond des difficultés américaines.

Les contours de l'avenir

Etats-Unis

Le Pentagone est conscient des problèmes de l'aviation lourde américaine mais la conception d'un nouveau bombardier stratégique est reportée chaque année par manque d'argent.

Plus précisément, les fonds ont été dépensés pour les projets ratés de B-2, F-22 et F-35 car sans l'aviation tactique les États-Unis ne pourront pas rester une superpuissance. Pendant la seconde moitié des années 2010, plusieurs mauvaises décisions ont ainsi entraîné la formation d'un nœud de problèmes.

Le travail sur un nouvel avion stratégique commencera en 2016-2017 quand, selon l'idée du Pentagone, s'achèvera le financement du programme du F-35. D'autant qu'il est dangereux de continuer à repousser cette question: il est impossible de prolonger éternellement la ressource des appareils à disposition et si aucun nouvel appareil n'était lancé d'ici 2030, l'aviation lourde américaine, considérée comme la plus puissante pendant plus d'un demi-siècle, n'appartiendrait plus qu'au passé.

On sait encore peu de choses sur ce nouvel appareil mais certaines informations fournies par la presse indiquent que le futur B-3 a des chances de connaître le même sort que son prédécesseur. En fait, le Pentagone a décidé de se tromper lui-même et de répéter l'histoire du remplacement du F-22 performant mais coûteux par son analogue moins coûteux (F-35). On connaît le résultat. Le B-3 ou le programme d'élaboration du futur bombardier LRS-B a suivi le même chemin. Il est annoncé que l'avion sera conçu sur la base du B-2 selon le même procédé d'"aile volante" et selon le même concept d'avion furtif. Pour ce faire, on réduira avant tout sa taille (et donc son coût) et ses capacités opérationnelles. Selon les estimations, l'avion coûtera 550 à 600 millions de dollars pièce (déjà drôle) avec un rayon d'action de 3 000 km sans ravitaillement (9.000 km d'autonomie à vide) et une charge utile de bombes jusqu'à 12 tonnes.

A titre de comparaison le B-2 a un rayon d'action de 5.300 km et une charge de combat maximale de 27 tonnes. Le Tu-22M3M russe a un rayon d'action de 2.400 km et une charge de combat de 24 tonnes mais il est supersonique. Certes, le B-3 peut être ravitaillé en l'air mais on s'imagine difficilement comment il pourrait l'être par un ravitailleur furtif… Et sans ravitaillement il est loin d'être un bombardier intercontinental.

On étudie également la piste d'un drone, ce qui permettrait d'améliorer les capacités de chargement et d'autonomie mais, d'un autre côté, impliquerait une certaine part de vulnérabilité — rappelons-nous des drones américains qui ont été posés en Iran par des spécialistes russes.

Au final, ces tergiversations ressemblent à une tentative d'économiser de l'argent, de respecter le budget restreint tout en conservant une partie pour soi (le système de corruption budgétaire aux USA fonctionne bien mieux qu'en Russie) tout en sachant qu'on ne peut plus remettre ces impératifs à plus tard. Cela ressemble déjà à une nouvelle grande aventure. Notamment quand on sait que le programme F-35, même s'il aboutissait, dévorerait le budget du Pentagone encore plus vite — ce qui impacterait également le financement du développement du B-3. Un nouveau cercle vicieux…

Russie

La Russie suit la même voie, avec pour seule différence qu'elle a pris pour base le Tu-160 et un moteur inspiré du NK-32. Elle avait deux possibilités pour faire évoluer son aviation lourde. Premièrement: reprendre la production du Tu-160, un avion élaboré au début des années 1980 pour répondre aux exigences de la Guerre froide. Deuxièmement: concevoir un nouvel avion mieux adapté aux exigences du moment — ces exigences sont aujourd'hui complètement différentes, par conséquent une simple copie du Tu-160 serait simple mais ne mènerait nulle part. Néanmoins, des acquis sont bien présents et il faut les exploiter. Très probablement, les nouveaux appareils remplaceront les Tu-95MS qui auront 40 ans d'ici là. L'abandon de nouveaux concepts utopiques d'avion permettra d'économiser du temps et de l'argent.

Comme le disent déjà les généraux et les ingénieurs, le Tu-160 servira de "laboratoire volant pour tester les équipements d'un nouveau bombardier stratégique".

La nouvelle série avoisinera les 50 avions (54 appareils composeront six escadrilles), ce qui témoigne des projets de large réarmement de l'aviation stratégique avec le passage en réserve active des Tu-160 après 2040.

Le Tu-22M3M. Actuellement, l'une des escadrilles de la 6951e base aérienne de garde (premier rang) de Chaïkovka a été déployée en Crimée. Si l'information sur le déploiement à sa base d'un détachement est exacte, alors la projection d'encore deux ou trois escadrilles de ces avions est possible, d'autant que la partie technique du problème (moteur et équipements) est pratiquement réglée.

 

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