Proposé par le député LR Eric Ciotti en avril 2015, cette nouvelle réforme (parmi tant d'autres suite aux attentats de Paris en 2015) permettrait aux policiers de pouvoir porter leur arme en dehors du service.
Le Journal Officiel, daté du 6 Janvier 2016, le stipule clairement: l'article114-4, de l'arrêté du 6 juin 2006 sur le règlement général d'emploi de la police nationale, voit un nouvel article le suivant: l'article 114-4-1, qui stipule « Lorsque l'état d'urgence est déclaré en application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, que ce soit sur tout ou partie du territoire national, tout fonctionnaire de police qui n'est pas en service peut porter son arme individuelle pendant la durée de l'état d'urgence, y compris en dehors du ressort territorial où il exerce ses fonctions. »
Cette modification du droit retire aux policiers la responsabilité pénale (au sens de l'article 122-5 du code Pénal) dans l'usage de leur arme, hors du cadre de légitime défense.
Cette réforme est dite de « simplification » de la procédure pénale pour les gardiens de la paix (gendarmes compris); ceux-ci pourront neutraliser quelqu'un qui a déjà commis des meurtres (ou tentatives), qui porte un arme, et qui laissent supposer être en état de commettre à nouveau un meurtre.
Jusqu'ici, les policiers n'ont pu utiliser leur arme que dans le cadre de la légitime défense; ces nouveaux éléments juridiques font le bonheur de la magistrature.
Qu'en est-il des premiers concernés, à savoir les policiers?
« Cette réforme pénale, qu'il y ait matière à réflexion, c'est très bien, mais pour nous, ce n'est pas suffisant; parce que nous partons du principe qu'on irait beaucoup plus loin que ça; c'est la révision des conditions de légitime défense; (…) aujourd'hui on parle d'irresponsabilité pénale dans les cas où l'usage de l'arme est rendu nécessaire pour mettre hors d'état de nuire un auteur (…) susceptible de réitérer; donc en fait il n'y a pas grand-chose qui change par rapport à l'article 122-5 des conditions de légitime défense actuelles.
On a vu par le passé Mohammed Merah, les attentats de Janvier, on voit que cela va de façon croissante dans les victimes; ce sont des armes lourdes, des armes de guerre, des Kalachnikovs,ils utilisent des balles perforantes qui traversent les gilets pare-balles; aujourd'hui on n'a pas les moyens de répliquer; les armes dont disposent les policiers ne sont pas faites pour faire face à ce genre de situation. »
Une opinion que partage M. Loïc Travers, secrétaire national adjoint du syndicat Alliance:
Et la deuxième chose que nous attendions avec beaucoup d'impatience, c'était la réécriture, ou le complément, de l'actuel article 122-5 du Code Pénal, au sujet de la légitime défense; il se trouve que l'article 20 de la nouvelle loi permet l'usage de l'arme dans des cas différents de ce que prévoit seulement la légitime défense. Mais pour nous, c'est une complication, clairement, (…) car c'est inapplicable dans le feu de l'action.
Nous proposons quelque chose de plus simple; un article qui aurait pu être le 122-6-1 du code Pénal, où on posait que lorsqu'il y un individu armé, et donc lorsqu'on est en présence d'un danger imminent, à partir du moment où on lui demande deux injonctions, deux somations de déposer les armes, de pouvoir faire feu s'il ne s'exécute pas et c'est pas du tout cet esprit-là que nous portions qui est retracé, qui est en cours de validation dans le cadre de la nouvelle loi. »
Avec cette nouvelle règle de droit, n'y a-t-il pas un risque de voir se développer des bavures, et d'action policières extra-légales si les policiers peuvent porter leur arme en dehors du service?
Loïc Travers: « Sur le port d'arme en dehors du service (…), les policiers ont la possibilité de porter leur arme d'une façon précise dans le cadre du trajet domicile-travail, d'autres déposent à l'atelier; par ailleurs les policiers s'entrainent, dans le cadre de leur formation initiale et continue; (…) ce n'est donc pas le Far-West, et cette législation nous permet de faire notre travail sur une durée malheureusement courte (car limitée aux cas de l'état d'urgence); cela permet en temps normal de rassurer le citoyen et de laisser un policier intervenir en situation critique. »
David Portes: « Aujourd'hui, les policiers sont formés, on a des écoles, il y a des gens responsables; on a des policiers qui font face à une délinquance de plus en plus importante; on a des gens qui utilisent des armes de guerre; nous, la FPIP, on martèle pour que les policiers soient bien équipés pour protéger ceux qu'ils ont à protéger; le juge statue sur quelques jours, mais une situation dangereuse n'offre pas au policier un délai de réflexion, ça se joue en l'espace de quelques secondes. »
A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles; comment les policiers vont-ils mener leur travail avec cette loi?
Loïc Travers: « D'une façon générale c'est un ensemble de mesures qui sont destinées à renforcer le pouvoir de la police judiciaire et administrative; c'est donc un complément des textes actuels; (…) le texte écrit ne nous contente pas, au contraire: cela ouvre des voies juridiques qui permettront de faire recours, mettant en insécurité juridique nos collègues, qui se retrouvent dans les situations évoquées. »
S'il est évident que créer une super-police comme aux Etats-Unis n'est pas la solution, il faut aussi donner aux gardiens de la paix les moyens matériels et juridiques d'assurer la sécurité de leurs concitoyens. Comme disait l'écrivain et cinéaste Pasolini: « le policier est le fils du peuple ».
Les législateurs ont voulu une « solution entre-deux », qui risque de ne satisfaire que peu de monde. En cette période tendue, où l'état d'urgence serait prolongé et où la menace terroriste est plus forte que jamais, le gouvernement ne suit pas la réalité du terrain.