Le film de Paul Moreira en lui-même est bien entendu enrichissant. Interviews et images à l'appui, il démontre que les membres des mouvements Svoboda, Pravy Sektor et du régiment "Azov", qui ont constitué le fer de lance de l'insurrection de Maïdan, bien loin d'être de sympathiques combattants de la liberté pro-européens luttant pour la démocratie, sont des nazis purs et durs. Des individus responsables d'un crime de guerre: le massacre de 42 manifestants pro-russes brûlés vifs à Odessa le 2 mai 2014. Analyse de Philippe Migault.
Tous ces faits, cependant, sont connus depuis longtemps. Ils ont été dénoncés très tôt par les observateurs attentifs des évènements. De nombreux documents ont été mis en ligne par les internautes, démontrant les allégations que Paul Moreira n'a fait que reprendre à son compte. Non seulement ce documentaire n'a rien d'un scoop, mais il a de nombreux trains de retard.
Dès lors pourquoi déclenche-t-il une telle levée de boucliers dans les médias français? A l'aune de ce que l'on savait déjà, l'indignation notamment de Benoît Vitkine, du Monde, qui s'est rendu à de multiples reprises en Ukraine, surprend nécessairement. D'autant qu'au-delà des internautes, bien informés depuis longtemps, certains reportages avaient clairement démontré cette présence en force des néo-nazis à Kiev et en Ukraine. Alban Mikoczy, ancien correspondant de France 2 à Moscou, qu'on ne saurait soupçonner de poutinisme ou de russophilie militante compte tenu du ton habituel de ses interventions, avait fait dès l'hiver 2014 un reportage on ne peut plus éloquent dans les couloirs de l'hôtel de ville de Kiev.
Les propos de Benoît Vitkine, visiblement soucieux de relativiser à l'extrême les faits rapportés par Paul Moreira en attestent. Lorsqu'il déclare que "le documentaire élude aussi toute analyse nuancée du nationalisme ukrainien et de ses ressorts, amalgamant nationalisme, extrême droite et néonazisme", on se prend à sursauter. Le Monde fait-il un si subtil distinguo et se montre-t-il si nuancé lorsqu'il évoque les militants d'extrême-droite française? Lorsque Benoît Vitkine affirme qu'"au sein même des groupes que Moreira étudie, les néonazis constituent une minorité", ne se demande-t-il pas pourquoi ces militants acceptent d'arborer des signes de la SS s'ils ne sont pas un tantinet fascisants? Aurait-il la même retenue vis-à-vis de manifestants français qui arboreraient une croix celtique?
"L'expérimenté documentariste s'est attaqué à un sujet réel. Il a choisi de "regarder par lui-même", nous dit-il. Mais n'a vu que ce qu'il voulait voir, remplaçant les masques par des œillères", assène Benoît Vitkine. Il eût été appréciable que Le Monde porta le même jugement lorsque "l'expérimenté documentariste" Paul Moreira et Canal+ traînaient l'armée française dans la boue en 2004, l'accusant de crimes de guerre en Côte d'Ivoire. Mais s'en prendre à l'armée française, c'est tellement l'esprit Canal…
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.