Actuellement, la Turquie fait face à des actions militaires dans le nord de la Syrie qui font reposer une grave menace sur ses intérêts et elle pourrait se risquer à s'engager plus profondément dans la guerre en Syrie pour les protéger.
"Dans les prochains mois, l'évolution de la situation dans la région va déterminer les gagnants et les perdants. Les forces du président syrien Bachar el-Assad avancent sur plusieurs fronts sous le couvert de l'armée de l'air russe. La campagne de cinq ans pour renverser M. Assad, menée par le président turc Recep Tayyip Erdogan, en soutenant l'opposition armée, semblerait se conclure par une défaite", rapporte le journal britannique The Independent.
La guerre en Syrie en est à une étape cruciale. Depuis l'année dernière, les Unités de protection du peuple (YPG), la milice kurde syrienne, se battent très efficacement et ont repris plus de la moitié de la frontière turco-syrienne. L'axe principal d'approvisionnement du groupe terroriste Daech a été capturé par les YPG en juin dernier. Les Kurdes ont également progressé dans toutes les directions, en contrôlant le nord syrien allant de la Turquie et compris entre le Tigre et l'Euphrate.
Les YPG n'ont plus que 90km à parcourir, à l'ouest de Jarablus sur l'Euphrate, pour qu'elles puissent fermer les axes d'approvisionnement de Daech et de l'opposition dite "modérée". La Turquie avait déclaré que c'était la "ligne rouge" à ne pas franchir pour les Kurdes.
Omar Sheikhmous, un vétéran kurde qui habite en Europe, a appelé les Kurdes syriens à "se rendre compte que les Russes et le gouvernement syrien ne vont pas aller à la guerre contre l'armée turque pour les Kurdes". Il a également prévenu le parti politique kurde, le Parti de l'union démocratique (PYD), à ne pas exagérer sa propre force, car les réactions du président Erdogan sont imprévisibles.
La Turquie pourrait accepter cette situation comme un fait accompli et admettre que ce serait difficile d'envoyer son armée dans le nord de la Syrie en faisant face à des objections fortes de la part des États-Unis et de la Russie. Mais, si Ankara l'interprétait comme une humiliation, la Turquie pourrait se décider à une opération militaire, explique The Independent.
Gérard Chaliand, un analyste français spécialisé sur les guerres asymétriques et la politique au Proche-Orient, a déclaré à Erbil (Kurdistan irakien) la semaine dernière: "sans Erdogan en tant que leader, je dirais que les Turcs n'interviendront pas (dans le nord de la Syrie, ndlr), mais, depuis qu'il est président, je pense qu'ils vont le faire".
Recep Erdogan a la réputation de leader qui "soulève les enjeux". Une intervention militaire directe en Syrie est risquée, mais selon Gérard Chaliand, le président turc y est tout à fait capable, et même la Russie ne pourra pas l'arrêter. Toutefois, certains leaders kurdes estiment que si M. Erdogan voulait intervenir en Syrie, il aurait dû le faire avant d'abattre le bombardier russe Su-24, note le journal britannique.
En ce moment, ce sont M. Assad et ses alliés qui sont les grands gagnants, car l'aide des forces aérospatiales russes, l'intervention iranienne et le Hezbollah libanais ont fait pencher la balance du côté du président syrien. Par contre, la troïka des Etats sunnites régionales — l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie — a échoué à renverser Bachar el-Assad en soutenant l'opposition armée syrienne.
La Turquie est la dernière puissance régionale qui pourrait bouleverser la situation en Syrie en déclenchant une intervention militaire directe. A l'heure actuelle, le conflit est devenu tellement internationalisé que seuls les Etats-Unis et la Russie sont capables de lui mettre un terme.