Le bluff de la Corée du Nord

© AP Photo / Wong Maye-ECorée du Nord, missiles
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La Corée du Nord serait sur le point de procéder à un test de missile de longue portée. Coup de bluff ou coup de poker? À l'heure où l'Europe s'ouvre à l'Iran, peut-on envisager la fin de sanctions, et une issue à l'iranienne sur le régime nord-coréen?

Un test de missile longue portée de la Corée du Nord serait en train de se préparer, selon des sources du renseignement japonais, rapportées par l'agence de presse japonaise Kyodo. La Corée du nord n'en est pas à son premier coup d'éclat. Entre essais nucléaires, échauffourées avec la marine sud-coréenne, et les grands discours belliqueux du guide suprême du pays, plus personne n'est vraiment surpris par une telle annonce.
Après un test d'une bombe H (qui reste à confirmer), un lancement de missile d'un sous-marin, la Corée du Nord serait-elle en possession de missiles capables de délivrer le feu nucléaire sur ses rivaux? Selon les services de renseignement japonais, ce test pourrait avoir lieu dès la semaine prochaine.

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La Corée du Nord prépare un tir de missile longue portée?
Selon l'Agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), Pyongyang nierait « tout impact sur l'environnement » à la suite de ce test de missile. Officiellement, rien n'indique donc qu'il s'agisse d'un missile avec une ogive. Jusqu'ici, il y aurait eu 2 missiles intercontinentaux testés, suscitant une réaction mondiale à cet égard. Le nouveau missile en question serait-il mobile? Les spéculations vont bon train à ce sujet. La presse sud-coréenne s'est emparée de ce thème, avec photos à l'appui:

​Alors faut-il s'alarmer? Avant de rejoindre nos bunkers antiatomiques, il faut voir que la Corée du Nord est un pays isolé, subissant de lourdes sanctions, un pays dans lequel la population est sujette à la famine, le tout dans un environnement concentrationnaire. Il faut donc se demander si le pays dispose de la technologie et des ressources pour un tel test de missile. Alexandre Vautravers, expert en conflits internationaux, du Geneva Centre for Security Policy, nous explique ce qu'il en tourne.

«Jusqu'ici la Coré du Nord a été capable de procéder à des lancements de missiles, même si plusieurs fois la communauté internationale lui a interdit de le faire.

Il est clair que la Corée du Nord est pour les acteurs de la région un facteur d'instabilité et d'insécurité; certains pays se sentent menacés par la Corée du Nord, et d'autre Etats utilisent cette insécurité à leur avantage, car cela justifie la présence d'importantes forces armées dans la région. »

Nicolas Lévi, enseignant à l'Académie des Sciences de Pologne, ajoute:

« Aujourd'hui nous considérons que la Corée du Nord a effectivement les moyens technologiques de procéder à des essais de missiles à longue portée; on considère que ce pays dispose d'un arsenal nucléaire de 10 à 16 bombes, mais en ce qui concerne la technologie dite à l'hydrogène, Pyongyang ne peut pas produire une telle bombe, ce qui confirme que le dernier essai était nucléaire, et pas à l'hydrogène. »

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La Corée du Nord prépare un tir de missile longue portée?
On s'est longtemps demandé si l'isolation et le durcissement des sanctions sont une solution, ou s'ils jouent le jeu de Pyongyang? Une issue à l'iranienne serait-elle possible? Aujourd'hui-même, la France et l'Iran ont bien joué la carte économique, après la levée des sanctions contre l'Iran, en concluant des accords commerciaux. La « paix libérale » est-elle applicable dans le cas coréen? D'après messieurs Vautravers et Lévi, les sanctions n'ont pas apporté grand-chose, ni les ouvertures.

« La Corée du nord a démontré ces 20 dernières années que ni le bâton ni la carotte ne fonctionnent; la communauté internationale a investi des sommes considérables, en tentant une conciliation, et systématiquement ces accords ont été des échecs. De l'autre côté, les sanctions économiques et militaires n'ont pas eu d'effet. Donc on touche aux limites du « soft power »: on ne peut pas, ni à force de sanctionner, ni à force d'argent investi, changer le régime de la Corée du Nord. »

« La manière dont on sanctionne la Corée du nord n'est peut-être pas la manière la plus adéquate, dans la mesure où les sanctions concernent surtout la population nord-coréenne, plutôt que les élites de ce pays, qui se moquent de ses sanctions. (…) Je pense que l'on devrait sanctionner les entités qui coopèrent avec les entités nord-coréennes visées par les sanctions. »

Enfin, que se passerait-il en cas de test réussi? Selon M. Lévi, les voisins de la Coré du Nord réagiraient en bloc.

« Prenons en considération le dernier essai que j'appellerai nucléaire qui a eu lieu en début Janvier, on a pu remarquer que la réaction mondiale a été unanime, malgré les différentes politiques qui existent entre les Etats-Unis, la Russie, et d'autres pays asiatiques. Tous ces pays se sont mis d'accord pour critiquer l'essai nord-coréen qui a eu lieu; donc tout nouvel essai nucléaire ferait l'objet d'une réaction mondiale sans ambiguïté. »

Cette annonce de test n'est pas une surprise de Pyongyang. Il est évident que l'Iran et la Corée du Nord sont deux cas distincts, car l'un est un allié de fait de beau nombre de pays dans la lutte contre le terrorisme, l'autre est une nation unanimement condamnée. La Corée du Nord, avec ou sans bombe H, avec ou sans missile intercontinentale, bluffe avec la communauté internationale, ce qui n'enlève rien aux souffrances qu'endure sa population depuis un demi-siècle.

Cela vaut bien la peine d'apprécier des margueritas en écoutant du Katy Perry dans un tank, plutôt que de rejoindre un abri antiatomique.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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