C'est officiel, Alternative für Deutschland est la troisième force politique d'Allemagne, derrière la CDU et le SPD, les deux mastodontes, créditée de 13% (largement au-dessus du seuil requis) pour les élections au Bundestag (l'équivalent allemand de l'Assemblée Générale).
Les élections fédérales de 2013 lui ont accordé plus de 4% des votes, mais pas assez pour entrer au parlement. Aux élections européennes, leur score atteignait plus de 7%, permettant à 7 députés d'entrer au parlement européen, rejoignant leurs homologues tories britanniques, et les Polonais de PIS (« Parti Droit et justice »).
Si les défis restent à relever à l'échelle fédérale, à l'échelle locale, au niveau des Länders, elle est présente dans presque toutes les anciennes régions de l'ex-Allemagne de l'Est; souvent pointées du doigt comme des « terreaux pour fachos », ces régions ne sont pourtant pas les seules, puisque l'AfD est aussi présente dans les législatifs de Länders aussi différents que Hambourg, ou Brême, qui ne sont pas des anciennes régions ayant connu le communisme.
Ceci n'a pas empêché le président local de l'AfD dans le Land de Sachsen-Anhalt, André Poggenburg, de faire, l'objet d'un mandat d'arrêt en Novembre dernier pour raisons financières. Comme quoi, même les plus intègres ont aussi leur part de corruption.
Alors, véritable alternative, extrémisme, ou mouvement populaire temporaire et de courte durée?
Pour y répondre, le politologue Jean Yves Camus, directeur de l'observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, nous donne son point de vue.
« L'AfD peut espérer une victoire politique, car il ne se rattache pas au souvenir du national et donc pas à l'extrême droite; toute reformation d'un parti de tendance néo-nazie est en principe interdite; même si c'est le cas avec le NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands), l'électorat ne suit pas: le poids de la culpabilité allemande est très fort.
L'AfD fait office d'aile droite du CDU, une droite souverainiste et respectable, dirigée par des gens compétents. L'AfD prend donc l'espace politique que la chancelière Merkel laisse à sa droite. L'ouverture des frontières et l'accueil d'un Million de réfugiés ont créé un capital électoral à mobiliser pour les élections fédérales du mois de Mars.
L'AfD a-t-elle un projet pour l'Union Européenne au sein du groupe parlementaire European Conservatives Reformists?
« On peut évoquer une Europe des nations, souveraines; donc une confédération d'Etats prenant des décisions en commun dans des domaines déterminés, mais abandonnant le projet fédéraliste actuel soutenu par le Parti populaire Européen et le Libéraux, qui tiennent ensembles le haut du pavé.
Cette vision de l'Europe rejoint l'Europe de de Gaulle: on récuse la supra-souveraineté de Bruxelles sur celle de l'Allemagne; en France, l'équivalent peut être trouvé chez « Debout la République » de Nicolas Dupont-Aignan. »
Le terme populiste est souvent utilisé, mais à dessein politique. En effet, il signifie « lié au peuple »; toute politique est populiste. Loin d'une image de skinheads faisant des ratonnades, il ne faut oublier que s'il y a critique de la politique allemande, cela signifie que cette dernière ne répond plus aux attentes d'un nombre grandissant de citoyens.
Une alternative désirée par une part grandissante de la population teutonne, tant il est vrai que perdre de vue 600 000 migrants relève d'une prouesse politique rarement égalée.
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