Avec l'arrivée de 2000 migrants en Europe par jour selon Frontex, une libre circulation Schengen déjà bien compromise et la menace terroriste, le prochain Conseil européen du mois de mars doit engager des mesures concrètes, opérationnelles, et unanimes. Donald Tusk, le président du Conseil européen, voit dans cette date le dernier carat avant « l'effondrement de Schengen », si les états ne coopèrent pas. La rencontre des ministres de l'intérieur des 28 Etats membres qui a lieu à Amsterdam, sans décision à l'ordre du jour, a pour but de préparer ce prochain et crucial Conseil européen. Claude Moniquet, ancien agent de renseignement de la Direction générale de la sécurité extérieure, nous explique les enjeux:
"Il y a plusieurs choses qui sont sur la table, d'abord l'ajustement et l'alignement des politiques contre-terroristes en Europe. Mais là on est encore un peu loin du but, parce qu'à l'intérieur même de chaque pays, il y a encore des choses qui doivent être réglées, par exemple en France et en Belgique, donc on ne peut pas vraiment avancer sur ce dossier. Le dossier principal dont on parle et dont on parlera, c'est celui de l'immigration. Parce que c'est lié au terrorisme, d'une manière ou d'une autre. On sait que plusieurs des acteurs des attentats du 13 novembre sont entrés et revenus en Europe via le flux des réfugiés, et là le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a été très clair en déclarant ce matin qu'il fallait choisir entre le chaos et faire quelque chose. Et que l'Europe devait faire quelque chose pour contrôler et limiter les flux d'immigration, surtout le flux des réfugiés ou parfois des soi-disant réfugiés venus du Moyen-Orient."
"Le problème, c'est d'une politique globale dont on a besoin. La Grèce ne fait sans doute pas tout ce qu'il faut pour faire face au flux des réfugiés mais la Grèce n'est pas un pays riche, la Grèce est un pays en crise et la Grèce attend, et c'est au fond tout à fait naturel, que d'autres pays participent financièrement du flux des réfugiés. On ne peut pas demander aux seuls grecs, aux seuls italiens ou hongrois de faire face tous seuls au flux de réfugiés. Donc il faut des financements, il faut des politiques, il faut mettre en place des politiques communes de contrôle, entre autres sur les documents d'identité, sur les faux documents, sur l'enregistrement, tout ça prend du temps, mais c'est vrai que le fait que pendant presque un an maintenant les pays n'aient pas parlé de la même voix et agi de la même manière, ça complique sérieusement les choses, parce que ça crée une crise de confiance entre certains pays européens et les autres."
"C'est un centre d'excellence, un centre d'information, un centre d'analyse. Très objectivement, ça ne changera pas grand-chose. Ce n'est pas Europol qui mène la lutte contre le terrorisme, ce sont les polices, les justices et les services de renseignement de chacun des pays membres de l'Union européenne. Le Centre de contre-terrorisme sera là pour tenter d'unifier les politiques. Mais c'est déjà quelque chose qui devrait se faire ailleurs, qui se fait au niveau de certains conseils des ministres de l'Intérieur, avec plus ou moins de succès, donc très franchement je ne pense pas qu'il faille attendre de miracle de la création de cette nouvelle unité européenne."
La lutte contre le terrorisme s'articule autour de plusieurs axes. Notamment, le partage d'informations sur les antécédents judiciaires des ressortissants non Européens ou encore la création d'un fichier européen des passagers des compagnies aériennes des pays de l'Union: PNR (« passenger name record»). Certains les députés s'inquiètent d'atteintes aux libertés fondamentales tandis que Bernard Cazeneuve estime que les négociations ont avancé mais «ne vont pas assez vite», et souhaite voir ce fichier approuvé d'ici la fin de l'année. Il souhaite également qu'Eurodac, le fichier qui permet d'enregistrer les personnes à l'entrée de l'espace Schengen, "puisse être aussi utilisé à des fins judiciaires ».
"Effectivement, il y a plusieurs dossiers sur la table. Il y a celui du partage des antécédents judiciaires des voyageurs non Européens, mais aussi par exemple la question du contrôle des ressortissants européens. Actuellement, les règles de Schengen interdisent de contrôler systématiquement les porteurs de passeports européens à la sortie ou à l'entrée de l'espace Schengen et ça, très clairement, ça a été dit par Bernard Cazeneuve par exemple, c'est quelque chose qui doit changer. Mais ça nécessite de changer les textes, et tout le monde comprends très bien que pour toucher au texte de Schengen (on ne va pas rouvrir une négociation globale de Schengen parce que ce sera catastrophique), il faut se mettre d'accord sur ce à quoi on peut toucher, il faut un consensus. Et là, on va avoir certainement des marchandages, des négociations de coulisses, des pressions entre pays, une « bourse d'échanges » si on peut dire. Certains pays disant « je veux bien qu'on contrôle tous les ressortissants européens, mais contre le contrôle des antécédents judiciaires »: et c'est ça qui complique ce genre de négociations."
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