Mais pour l'instant le projet n'a fait qu'aggraver les conflits liés à l'eau entre l'Égypte, l'Éthiopie et le Soudan, écrit The Economist.
Mais ce qui est bon pour l'Éthiopie ne l'est pas pour l'Égypte, située en aval. Pour cette dernière, le Nil fut une "artère vitale" pendant des siècles et reste aujourd'hui sa principale ressource d'approvisionnement en eau. Sachant que la population égyptienne augmente (depuis 1950 elle a décuplé pour atteindre 85 millions d'habitants et, selon les pronostics, le pays comptera entre 120 et 150 millions de personnes d'ici 2050) et qu'il est de plus en plus difficile de subvenir à ses besoins: on compte aujourd'hui bien moins d'eau par habitant qu'il y a plusieurs décennies. Le Caire craint que le barrage, qui bloquera un affluent du Nil, provoque une pénurie d'eau encore plus importante.
Mais on savait que l'Égypte souhaitait empêcher cette construction. Par le passé, Le Caire avait déjà affiché sa volonté de défendre fermement ses intérêts sur le Nil, en se référant notamment à un accord de longue date garantissant que les projets menés en amont du fleuve ne pouvaient être réalisés qu'avec son accord (visiblement l'accord avec le Soudan datant de 1929).
Ces derniers temps, la position du Caire s'est assouplie. En mars dernier, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui a succédé à Mohamed Morsi, a signé avec les dirigeants de l'Éthiopie et du Soudan une déclaration pour soutenir la construction du barrage, mais à condition que ce projet ne nuise pas aux pays situés en aval. Ils avaient ensuite convenu d'organiser une étude pour savoir comment le projet impacterait la consommation d'eau, l'économie et l'écologie de la région.
Et ce n'est pas la seule question à susciter la méfiance du Caire. L'Éthiopie affirme avoir besoin de ce projet uniquement pour fabriquer de l'électricité, et que l'eau ne sera pas utilisée à d'autres fins. Au contraire, l'Égypte craint que cette eau soit utilisée également à des fins d'irrigation, diminuant la quantité disponible en aval pour Le Caire.
Un autre point inquiétant concerne le réservoir d'eau (63 millions de mètres cubes d'après le projet). S'il était rempli trop rapidement, l'approvisionnement en eau de l'Égypte pourrait être fortement réduit durant une certaine période, ce qui affecterait également le système énergétique de ce pays (le long du Nil se trouve le plus grand système hydroélectrique d'Égypte, près de la ville d'Assouan).
Les experts conseillent de ne pas s'empresser de remplir le réservoir mais l'Éthiopie, qui finance ce projet de 4,8 milliards de dollars, souhaite qu'il soit amorti au plus vite.
Le sort du projet dépendra donc de la disposition des parties au compromis. La déclaration sur la construction du barrage signée l'an dernier n'exclut pas la possibilité de conflits futurs — par exemple en ce qui concerne la signification du terme "préjudice conséquent" (qui pourrait théoriquement être un obstacle au projet).
Le barrage de la Renaissance n'est qu'un exemple des conflits naissants liés à la redistribution de l'eau. Prochainement, la région pourrait devoir faire face à d'autres conflits similaires. L'Éthiopie prévoit déjà la construction de nouvelles centrales hydroélectriques, le Soudan espère recevoir en abondance de l'eau pour irriguer ses terres et si l'Égypte voyait une menace dans ces projets, elle pourrait parfaitement revenir à une rhétorique belliqueuse.