Des centaines de personnes se sont regroupés mardi 5 janvier au centre de Cologne pour protester contre les attaques à caractère sexuel dont ont fait l'objet près de 90 femmes durant la Nuit de la Saint-Sylvestre: molestées, dépouillées et menacées par des hommes d'apparence d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, selon la police de Cologne. Les faits se sont déroulés autour de la cathédrale et de la gare de Cologne. Le nombre de victimes risque bien de croître avec le temps.
Quelles seraient les voies de droit en France si de tels actes se perpétuaient sur notre sol? Maître Diane Dupetit-Evrard, avocate spécialisée dans les droits des femmes, nous éclaire sur les questions juridiques.
La première chose à faire est de poser une plainte auprès de la police qui servira à expliquer les faits, identifier les auteurs et faire démarrer une enquête pénale. Dans le cadre d'une agression sexuelle, la législation pénale. Les auteurs d'actes à caractère sexuel (attouchements) risquent 5 ans d'emprisonnement, et les auteurs de viols risquent jusqu'à 30 ans de prison.
La question de la responsabilité publique des autorités, pourtant chargées de protéger leurs concitoyens, peut être pointée du doigt. Malheureusement le droit en dit autrement.
Sur la question de la responsabilité publique, le fait que cela soit dans un lieu public ne suffit pas pour mettre en cause une personne publique, quelles que soient les responsabilités de cette dernière. La question est de savoir si la sécurité était assurée sur la place publique, sachant que cela se passait le 31 Décembre et qu'il allait y avoir une foule.
Cette même police fait l'objet de vives critiques, non seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi de la plus haute autorité de l'Etat: le Ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière a vivement critiqué l'inaction de la police ce soir-là:
Bundesinnenminister Thomas de Maizìere hat nach den Übergriffen in Köln die Arbeit der Polizei kritisiert. (nd) https://t.co/gk5nwh4z3o
— ZEIT ONLINE (@zeitonline) 6 января 2016
Le président du syndicat de police Arnold Plickert rétorque que la police, pourtant habituée à de nombreux excès durant le carnaval, n'a jamais vu des agressions d'une telle ampleur, et n'a pu rien faire. On évoque "un crime d'une nouvelle dimension" de ce que la police a connu jusqu'alors.
Selon le journal Passauer Neue Presse, les fauteurs de troubles se servent de leur anonymat pour se fondre au sein de la foule. Grosso modo, dans un mouvement de masse comme à la Saint-Sylvestre, tout individu passe inaperçu, personne ne prête attention à ce que fait son voisin, et dès lors tout est permis.
En réponse à ces évènements, Mme Henriette Recker, la maire de Cologne, n'a pas réussi à trouver d'autre solution que d'exhorter les habitantes de Cologne de "s'adapter à ces genres de comportement", afin de faciliter l'intégration des migrants, durant une conférence de presse.
C'est proprement scandaleux d'entendre des propos pareils de la part d'une personne élue qui a des responsabilités politiques ; son rôle est de protéger ses habitants, notamment les plus faibles. Dire que les habitants d'une ville de la taille de Cologne doivent s'habituer à ces comportement relève du non-sens dans un état de droit.
Autres conseils de l'élue: se tenir à une distance de la longueur d'un bras de tout personne, ne jamais se promener seules, et de demander l'aide des passants en cas de besoin. Tout ça fait partie d'un "code de conduite" qui servirait à une meilleure compréhension mutuelle; ce code devrait permettre au Carnaval de Cologne de se dérouler sous les meilleures conditions le mois prochain. Certain(e)s en rient, ou pleurent d'avance.
On pourrait croire à une situation propre à la ville de Cologne, mais des faits similaires ont pourtant été rapportés à Hambourg (dix cas similaires ont eu lieu dans le quartier de Sankt Pauli) et à Stuttgart (dans laquelle deux femmes d'à peine 18 ans ont été agressées sexuellement par douze hommes), toujours selon Mme Recker.
De nombreuses voix se sont élevées pour faire le lien avec la politique d'accueil mise en place par la chancelière Angela Merkel. L'Allemagne a accueilli jusqu'ici près de 1,1 million de réfugiés, et si il est difficile de faire de liens de cause à effet, les voix se multiplient pour mettre fin à l'accueil de réfugiés. On voit déjà les partis NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands) ou AFD (Alternative für Deutschland) se frotter les mains. Le débat sur la politique d'asile ne fait que commencer.
Dans le cadre de l'agression sexuelle, cela prend une ampleur supplémentaire. "Viele haben jetzt Angst" ("Beaucoup ont peur maintenant") peut-on lire dans la presse et les réseaux sociaux depuis la Saint-Sylvestre. Les victimes porteront en elles une terrible blessure, qui cicatrisera difficilement, sans compter la stigmatisation sociale. On peut parler des fois de mort psychologique, voire de mort physique dans certains cas.
Le gouvernement français avait pris des mesures concernant le harcèlement sexuel dans les transports; la campagne "Stop — ça suffit" avait été lancée par la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes Pascale Boistard, et par le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies. Le but de cette campagne est de faire en sorte que ces comportements ne se banalisent pas.
Hélas, ces comportements sont non seulement banalisés, mais ont obtenus gains de cause dans la ville de Cologne.
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