A son retour de Moscou, le coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas, a commenté les propos du premier ministre turc Ahmet Davutoglu qui l'avait accusé de "haute trahison" pour des négociations avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
"Nous avons envisagé il y a longtemps notre visite en Russie. En réalité le peuple turc ne veut de guerre ni avec la Russie ni avec aucun autre pays. La tension actuelle dans les relations (avec Moscou, ndlr) est le résultat d'une décision erronée du gouvernement de l'AKP (Parti de la justice et du développement)", a déclaré M.Demirtas devant les journalistes à son arrivée à l'aéroport international Atatürk d'Istanbul.
Et d'ajouter que le président et le premier ministre avaient été les premiers à reconnaître que c'était une erreur.
"Au départ, ils disaient: +Si la Russie viole encore une fois la frontière, nous ouvrirons à nouveau le feu +, ensuite: +Si nous avions su que c'était un avion russe, nous ne l'aurions pas abattu+. Enfin, plus tard, ils ont décidé d'en rejeter toute la responsabilité sur le pilote", a rappelé l'homme politique.
Selon le leader du HDP, le ministre des Affaires étrangères et le président de la Turquie cherchent toujours à organiser des entretiens téléphoniques, à rétablir des contacts avec la Russie.
"Mais si vous estimez avoir bien agi, défendez donc vos principes et tenez jusqu'au bout. Mais en réalité ils comprennent très bien quelle erreur ils ont commise", a indiqué M.Demirtas.
Il a souligné que l'incident de l'avion russe abattu n'a profité à personne, mais a nui en premier lieu à la Turquie elle-même.
"Qu'on me cite au moins un seul avantage de la destruction de l'avion russe pour la Turquie, et je m'excuse pour mes paroles. Des millions de personnes se sont retrouvées dans une situation difficile. La crise dans les relations (entre Moscou et Ankara, ndlr) a touché tous, qu'il s'agisse de petits marchands ou de gros hommes d'affaires, d'étudiants ou d'ouvriers. Et les autorités que font-elles? Rien", a relevé M.Demirtas.
Et d'expliquer sa visite à Moscou par la volonté de rencontrer les dirigeants russes et de lutter pour une politique de paix stable de la Turquie.
"Le parti au pouvoir ne saura pas dissimuler ses erreurs, en nous accusant d'avoir +trahi le pays et le peuple+ (…) Que le gouvernement et son ministère des Affaires étrangères dresse la liste des pays voisins (…) avec lesquels nous entretenons de bons rapports et développons une coopération mutuellement avantageuse. Avec l'Arménie? Avec l'Iran? Pouvons-nous négocier avec Bagdad? Avec Damas? A ce jour, c'est seulement avec le Qatar et l'Arabie saoudite que nous entretenons encore des rapports au Proche-Orient. Avec tous les autres pays de la région, nous avons des rapports tendus ou n'en avons pas du tout", a dit l'homme politique.
La visite de M.Demirtas à Moscou a été la première visite en Russie d’un homme politique turc depuis la destruction d’un bombardier russe par l’armée turque à la frontière syrienne le 24 novembre dernier. Cet incident aérien a été suivi par une vague de sanctions économiques décrétées par Moscou à l'encontre d'Ankara.