Saumon d'Alaska, poulet thaï au curry, saucisses, sandwichs au bacon, pommes vapeur, crème au citron vert… Le chef étoilé londonien Heston Blumenthal a concocté, avec l'assistance d'écoliers, plusieurs plats pour l'astronaute britannique Tim Peake, arrivé il y a quelques jours dans l'ISS.
Les mets du chef britannique ont été expédiés dans un "conteneur de nourriture bonus", auquel ont droit tous les spationautes qui se relaient à bord de l'ISS. Les plats seront dégustés au fur et à mesure de la mission de Tim Peake pour des occasions spéciales (fêtes, anniversaires, sorties dans l'espace, etc.)
"En Europe, nous essayons de mettre en relation l'astronaute avec un chef de son pays pour développer des recettes qui ont un sens pour lui", a expliqué à l'AFP l'ingénieur Romain Charles, de l'Agence spatiale européenne (ESA). La nourriture de tous les jours, plus banale, reste en revanche fournie par la Nasa et Roscosmos, les agences spatiales américaine et russe.
"Pouvoir déguster à certaines occasions de la nourriture +bonus+ qui change de l'ordinaire est capital pour le moral des astronautes et pour renforcer l'esprit d'équipe", a souligné Brigitte Godard, médecin au Centre européen des astronautes de Cologne (Allemagne).
"Tous les astronautes, quelle que soit leur nationalité, sont contents de pouvoir accompagner les temps forts de leur mission par un plat spécial", a noté Alain Ducasse. Le chef français multi-étoilé a développé depuis 2006 une trentaine de recettes pour l'espace dans le cadre d'un partenariat avec le CNES, l'agence spatiale française.
Le spationaute allemand Thomas Reiter, parmi les premiers à déguster ces plats, "me disait que les astronautes trouvaient là un moyen de garder le contact avec la Terre", a raconté Alain Ducasse.
"Les plats qui ont le plus de succès sont les cailles rôties, le homard breton, l'épaule d'agneau confit à la sauge, la Caponata —une sorte de ratatouille", a précisé Quentin Vicas, chef de projet sur le dossier "spacefood" chez Ducasse. Il y a aussi des noix de Saint-Jacques sur lit de poireaux, bien adaptées pour les fêtes.
Côté desserts, le gâteau au chocolat, le cheesecake et les morceaux de pommes fondantes sont très appréciés.
Pour les plats Ducasse, préparés par la société bretonne Hénaff qui a reçu l'agrément américain, les mets sont stérilisés à 120 degrés, pendant quarante minutes, sous une pression très élevée. "Une cuisson assez violente, mais on arrive à préserver le goût et les textures", selon Quentin Vicas.
La consistance de la nourriture est cruciale dans l'ISS, milieu en micropesanteur. "Il ne faut pas qu'elle soit trop sèche et que des miettes puissent s'échapper car elles risqueraient notamment d'être inhalées par un astronaute", a expliqué Lionel Suchet. Exit donc le sucre en poudre.
"Il ne faut pas non plus qu'elle soit trop humide" car le liquide qui s'échapperait pourrait occasionner des dégâts par exemple des courts-circuits, a-t-il ajouté.
Dans l'espace, la langue perçoit différemment les saveurs. "Nous corsons le goût des recettes en modifiant les assaisonnements", a indiqué Quentin Vicas.
L'astronaute français Thomas Pesquet, qui doit rejoindre l'ISS en novembre 2016, a déjà commencé à repérer la nourriture "bonus" qu'il partagera avec ses coéquipiers. Il a sélectionné plusieurs plats d'Alain Ducasse et a également rencontré Thierry Marx, autre chef français étoilé qui a commencé à s'intéresser lui aussi à la cuisine de l'espace.