Valentin Pazhétnov a décidé de consacrer sa vie à la préservation des ours sur le territoire immense de la Russie.
Né dans une famille d'intellectuels, Valentin Pazhétnov s'est intéressé dès son enfance à la nature sauvage, et en particulier aux animaux de la forêt.
В Тверской области в деревне Бубоницы расположен необычный питомник «Чистый лес». Здесь ухаживают за медвежатами. pic.twitter.com/UZiUtoxm
— Galina M (@GalinaGalinaM) 21 августа 2012
Au début, il a déménagé avec sa jeune épouse dans le pays profond, en Sibérie, afin de se rapprocher de la nature. Dans les premiers temps, il chassait les animaux afin de subvenir aux besoins de sa famille.
La taïga russe recelait un grand nombre de dangers. Pour survivre, il a fallu à Valentin Pazhétnov qu'il se mette dans la peau des ours, les comprenne, prédise à l'avance leur conduite, se mette à penser comme eux. Cependant, une rencontre inattendue a radicalement changé le train de sa vie.
Un jour, alors qu'il chassait comme à son habitude, M.Pazhétnov s'est tranquillement approché d'un groupe d'ours en train de se nourrir sur un champ d'avoine.
"Sous le clair de lune, face à ces bêtes qui ne se doutaient pas qu'un intrus les observait, j'ai subitement senti qu'un lien invisible mais pourtant tangible m'unissait aux animaux. Je me pénètre de leur envie de se rassasier, reprendre des forces pour vivre une vie simple, honnête, laissant derrière eux les mêmes êtres simples, purs, naïfs qui vont sauvegarder et transmettre ce mode de vie de génération en génération", se souvient Valentin Pazhétnov.
Ainsi, l'homme s'est lancé dans des recherches scientifiques sur les ours. Ses premiers oursons étaient délaissés par leurs mères. Il s'est avéré par la suite qu'il arrivait assez fréquemment que de petits animaux se retrouvaient seuls et abandonnés: que ce soit en raison d'un braconnage ou du fait qu'on les dérange dans leurs tanières, une fois enfuie, la mère ne revient plus jamais. Seuls, ses oursons meurent de froid et de faim.
Cependant, adopter des ours n'est pas si simple. D'après la méthode de Pazhétnov, le plus important est de s'occuper des petits ours sans se permettre de manifester sa tendresse, son attachement, son amour pour eux. Mains gantées, visage sous le capuchon, aucune odeur étrangère, aucun mot et, encore plus important, aucune caresse: en un mot, tout ce qui est "humain" est ici strictement à proscrire.
Pour rien au monde, l'animal ne doit reconnaître l'odeur, le visage ou les bonnes mains des hommes. Lorsqu'on les nourrit, on pose les bols par terre, à côté de la maisonnette des bêtes. Pour ce qui est de l'homme, il se met à l'écart sans bouger, pour que les petits ne s'attachent pas à lui. Il est particulièrement important de garder cette distance. Sinon, l'ours considérant l'homme comme son meilleur ami ne pourra plus jamais survivre en pleine nature.
Une fois que les bêtes ont grandi et sont pleines de force, les Pazhétnov les libèrent pour qu'elles puissent vivre comme leurs prédécesseurs: libres dans la forêt.
Avant de commencer leur "vie adulte", les ours sont mesurés, pesés et examinés. On leur met ensuite un collier doté d'un système GPS afin d'observer la migration. Un an et demi plus tard, le collier se détachera automatiquement et l'animal sauvage se lancera pleinement dans la vie des bois.
"C'est ça, l'amour pur, désintéressé: pour le bonheur des êtres dont on s'occupe, il faut renoncer à tout signe d'affection. Il faut les laisser partir et, parfois, accepter qu'ils aient du mal à vivre sans notre aide car c'est le prix de la liberté qu'on leur offre. L'essentiel est que leur vie dans la forêt soit vraie", explique Valentin Pazhétnov.
A l'heure actuelle, la famille de Valentin Pazhétnov a sa propre pépinière spécialisée dans l'élevage de ces maîtres incontestés de la forêt. "La Forêt propre" ("Чистый лес" en russe) est située dans le village Boubonitsi, près de Tver.
Les Pazhétnov ont déjà hébergé et élevé des centaines d'oursons. Sur le territoire de "La Forêt propre" se trouve également un laboratoire de l'Université d'Etat de Moscou et de l'Université de Zurich effectuant des recherches sur la conduite des animaux. De nombreux Russes ainsi que des étrangers viennent visiter la pépinière dans le village abandonné avant l'arrivée de Valentin Pazhétnov. Des scientifiques du monde entier affluent à Boubonitsi afin de prendre part à des conférences internationales. La méthode d'élevage des ours de Pazhétnov est largement appliquée en Inde et en Corée du Sud.
Valentin Pazhétnov est également docteur en sciences biologiques, écologiste honoré de la Russie. Lauréat de nombreux prix littéraires, il a créé maint ouvrages sur la vie des ours ainsi que des contes pour ses plusieurs petits et arrières-petits-enfants.