Il rappelle qu'en 2006, un attentat, organisé par les prédécesseurs de Daech, a endommagé un lieu saint chiite à Samarra, au nord de Bagdad. L’explosion n’a pas fait de victime, mais les sunnites se sont retrouvés en position d’accusés, et les chiites, majoritaires en Irak, se sont mis à se venger d'eux.
"Il y a eu par la suite une multitude d'assassinats aux motifs religieux, et le +tissu religieux de l'Irak s'est rompu définitivement+", souligne l'auteur.
Comme résultat, les sunnites ont cru que seul Daech pouvait les protéger. C'est ce qui explique, selon M.Trofimov, le fait qu'en juin 2014, un groupe relativement peu nombreux a réussi à s'emparer de Mossoul, deuxième grande ville irakienne d'un million et demi d'habitants.
Et voilà que maintenant, d'après le journaliste, Daech recourt à la même stratégie en Occident, et les attentats de Paris et la tuerie de San-Bernardino en sont des exemples éclatants.
"L'objectif de l'EI est facile à comprendre et consiste à provoquer au sein des sociétés en Occident une haine incoercible envers ces millions de musulmans qui habitent en Europe et aux Etats-Unis (…) Cette haine pourrait saper les liens entre les musulmans et les pays, qu'ils habitent et dont ils sont citoyens, comme cela est notamment arrivé aux sunnites irakiens", souligne M.Trofimov.
Et d'ajouter que cela conforterait les déclarations de Daech, s'affirmant l'unique défenseur des "adeptes de l'islam".
"L'Etat islamique prospère grâce à la division. Les djihadistes veulent que les gens disent qu'ils nous haïssent, et que nous nous mettons à les haïr. C'est la base de leur succès", estime Hassan Hassan, expert à l'Institut royal des relations internationales.
Selon M.Trofimov, Daech a exposé cette stratégie dans le magazine Dabiq, principal outil de sa propagande. L'objectif en est de "liquider la zone grise", soit la coexistence pacifique entre musulmans et non-musulmans en Occident.
Les organisateurs des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis poursuivaient, selon M.Trofimov, le même objectif.
Le journaliste signale à cette occasion le succès du Front national aux élections régionales en France et n'exclut pas que la présidente du FN, Marine Le Pen, puisse remporter la présidentielle de 2017.
Daniel Byman, directeur du Centre de politique du Proche-Orient à la Brookings Institution, estime que ces succès du FN "disent à bon nombre de musulmans qu'ils sont indésirables en France".
Les experts préviennent que cette "rupture des tissus" des sociétés occidentales serait encore plus dangereuse que la cruauté actuelle des djihadistes.