Le yuan chinois sera porté sur la liste des monnaies de réserve du FMI par la décision appropriée adoptée à la séance du Conseil exécutif du Fond. La "monnaie du peuple" viendra rejoindre dans le panier de monnaies de réserve le dollar américain, l'euro, la livre sterling et le yen japonais. A la différence des autres monnaies de réserve, le yuan est l'unique au cours fixé.
"C'est une décision juste, dit l'expert principal du Centre de pronostics économiques de Gazprombank Egor Soussine, l'économie et la monnaie chinoise correspondent depuis longtemps aux critères d'une monnaie de réserve. Pour le moment, il existe des restrictions parce que la Chine n'a pas assuré entièrement une libre circulation au marché de capitaux et sera contrainte d'appliquer des réformes. Pour être juste, il faut dire que les réformes sont nécessaires au sein du FMI aussi."
Forcément, cette décision du FMI aura des conséquences financières, politiques et géopolitiques, estime Jacques Sapir. Il croit que la première conséquence serait de renforcer le poids international de la Chine. Cette mesure va nécessairement avoir un impact assez important en ce qui concerne les capacités d'influence du gouvernement chinois dans une multitude de domaines.
En août dernier, les cinq principaux pays émergents, ou Brics, ont annoncé la décision de fonder une nouvelle banque. A l'époque, les experts prédisait que cette décision pourrait bousculer l'hégémonie des institutions occidentales sur le développement.
"La nouvelle banque symbolisera l'influence croissante des pays émergents dans une architecture financière globale dominée depuis longtemps par les Etats-Unis et l'Europe grâce au FMI et à la Banque mondiale. (…) Ces prêteurs multilatéraux ont été lourdement critiqués pour s'être ingérés dans les politiques d'emprunteurs souverains", pouvait-on lire, en juillet dernier, sur "Sputnik".
Jacques Sapir considère que la décision du FMI va changer le rôle des banques Brics dans le système du financement mondial. "C'est quelque chose qui va renforcer le poids de la Banque Centrale de Chine et aussi des différentes banques des Brics", precise-t-il. "Il va falloir regarder plus en détail ce qui va se passer de ce point de vue pour le yuan et les autres monnaies. On peut dire que cette mesure correspond au début de la fin du dollar."
Un autre évènement dans le domaine des finances a précédé dans le temps la décision du FMI: la Russie a inclus le yuan dans la liste des devises d'investissement pour les réserves d'or. Jacques Sapir ne croit pas que ces évènements, soient liés, mais pour lui "il est très clair que les raisons qui ont poussé le FMI à inclure le yuan comme monnaie de réserve sont exactement les mêmes qui ont poussé les autorités de la Banque Centrale de Russie à inclure le yuan dans le système de réserve. On ne peut pas parler de l'+influence+ de la Russie sur le FMI, mais on peut dire que les deux ont pris acte du nouveau rôle financier et économique joue par le yuan".
La question-clé reste pour l'instant de savoir si, pour palier au désir du contrôle états-unien de la sphère des finances et d'investissements, la France doit aussi garder une partie de sa réserve en yuans.
"Je pense que cela serait un comportement intelligent de la part de la Banque de France, croit Jacques Sapir. Mais pour l'instant, la Banque de France est intégrée dans le système des banques centrales de l'Euro. De ce point de vue, il n'y aura pas d'actions séparées, unilatérales de la part du gouvernement français.
Par contre, à terme, comme on sait que les Etats-Unis peuvent utiliser leur monnaie pour faire des pressions politiques et économiques sur toute une série de pays, il y aurait un très grand intérêt pour la France de faire une partie de ses investissements et une partie de ses transactions en yuan.
Cela ne concernerait pas l'épargne interne à la France, mais aujourd'hui, quand une société comme la Total veut investir en Russie contre l'avis des Etats-Unis qui ont placé la Russie dans le régime des sanctions depuis la crise ukrainienne, elle le fait d'ores et déjà en yuan. Ce qui veut dire qu'à terme une nombre de plus en plus important de sociétés françaises utiliseront le yuan comme monnaie de transaction financières ou comme monnaie de réserve dans les opérations vis-à-vis de pays comme l'Iran, la Russie ou d'autres pays en Afrique et en Amérique Latine".
Les décisions sont prises. Les dés sont jetés. Désormais, tous les acteurs surveillerons avec attention comment la Banque populaire fluctuera entre les attentes des investisseurs étrangers et les exigences de la direction du parti communiste qui exerce toujours un effet sérieux sur l'adoption des décisions principales tant dans la politique que dans l'économie chinoise.
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