Toutes les divergences entre la France et la Russie semblent mises entre parenthèses, l'envie d'un effort commun dans la lutte contre l'Etat Islamique emmènera François Hollande à Moscou le 26 Novembre, et Vladimir Poutine de son côté n'aura pas attendu longtemps, depuis mardi dernier les marins russes se sont vu ordonné une entrée en contact avec les forces françaises en Méditerranée. La politique extérieure française vit un retournement à 180 degrés. Encore début octobre le président de la République clamait "Poutine n'est pas notre allié en Syrie". Mais la tragédie parisienne a fait changer l'Elysée d'avis. Jean-Bernard Pinatel expert dans les questions géopolitiques, explique ce changement brusque et nous éclaire sur ce à quoi, il faut s'attendre après la rencontre des deux présidents en Russie:
« Je suis donc d'abord très heureux, de ce revirement complet de la politique extérieure française, même s'il a lieu après la tragédie qu'on a connu à Paris. Alors le point essentiel, dans tout ça, c'est que visiblement la France n'a pas les moyens militaires de déployer, d'une façon importante comme la Russie vient de le faire en Syrie, des forces armées parce qu'elle est déjà très engagée à la fois en Afrique et de l'autre sur son sol et nos forces sont relativement peu nombreuses. Donc je pense que ce qui est tout à fait essentiel, et qui va très probablement se discuter à Moscou, c'est la possibilité d'abord de coordonner le renseignement. Et on sait très bien que dans le domaine de l'anti-terrorisme le renseignement est essentiel. La France va reprendre contact avec les services syriens, ce que nos services demandaient depuis longtemps, mais elle va probablement également reprendre contact et bâtir une vraie coopération avec les services russes qui sont très efficaces et qui connaissent particulièrement bien cette région ».
Après un an et demi de froideur dans les relations Paris-Moscou, cette visite est un signe fort sur les plans politique et économique qui laisse envisager une union attendue mais surtout proposée à plusieurs reprises par les russes, et ce dès le début de leur opération sur le territoire syrien. Pourquoi attendre un évènement aussi horrible que les attentats de vendredi 13 pour enfin s'unir contre un ennemi commun, au lieu de faire des suppositions quant au but véritable de la présence russe en Syrie? Notre expert estime que la France s'est trompée dès le départ sur le dossier syrien:
« La France, en particulier, était engagée depuis 2012 dans une sous-évaluation complète du dossier syrien. (47-51) D'abord on s'est trompé sur la nature de la guerre, on a pensé que c'était une révolution arabe alors que dès le début, moi qui allait en Syrie, les gens sur place et notamment les chrétiens d'Orient, pensaient qu'on était dans les prémisses d'une guerre confessionnelle et que pour eux c'était résister ou mourir. Deuxièmement on a complètement sous-estimé la capacité de résistance de Assad. Et on a sous-estimé aussi les capacités de Daesh, donc tout cela fait que nos brillants cerveaux en France ont parlé de cette stratégie du ni-ni « Ni Assad, ni Daesh » en pensant qu'avec quelques bombardement on arriverait à résoudre le problème sans grand risque sur notre sol. Malheureusement, tous les morts qu'il y a eu à Paris le week-end dernier ont montré tragiquement qu'ils s'étaient complètement trompés ».
Avant de rencontrer Vladimir Poutine, Hollande se rendra à la Maison Blanche, le 24 Novembre, pour un entretien avec Barak Obama sur le même sujet. Cette nouvelle coalition qui comprend L'Occident, La Russie et Les Etats-Unis unis contre Daech va certainement changer le paysage géopolitique actuel, selon Jean-Bernard Pinatel, l'acteur ambigu dans cette coalition serait Washington:
« Tout le monde sait depuis longtemps que les deux principaux acteurs qui permettent à Daesh d'exister c'est l'Arabie Saoudite et la Turquie, et jusqu'à présent les États-Unis qu'ont les moyens de tordre le bras à l'Arabie Saoudite et à Erdogan, qui est un fin musulman, n'ont rien fait. Et c'est pour cela, que les financements via l'Arabie Saoudite ont continué à arriver vers Daesh, que la frontière entre la Syrie, l'Irak et la Turquie est complètement perméable, que Daesh peut faire soigner ses blessés en Turquie Si les américains ont la possibilité de tordre le bras à ces deux pays et ce sont les seuls, mais je ne crois pas qu'ils aient envie de le faire parce qu'il y'a trop d'intérêts géopolitiques, qui sont des intérêts américains, ni ceux de l'Europe, ni ceux de la Russie, qui sont en jeu et donc on va aboutir à quelque chose qui va être assez cosmétique et moi je crois beaucoup plus à une coordination étroite entre la Russie et la France».
L'emploi du temps chargé du président Hollande témoigne que la France apprend à agir dans l'urgence. Reste à attendre les premiers fruits d'une "coordination plus étroite " entre les français et les russes.
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