Bien que l'attaque terroriste de vendredi à Paris qui a fait 129 morts et plus de 350 blessés, dont une centaine dans un état critique, ne soit pas encore élucidée, l'Etat islamique (EI) l'a revendiquée, et la France, impliquée dans le conflit syrien, ne doit pas ignorer l'expérience de la Russie, estime Leonid Bershidsky, de Bloomberg.
En 2004, la Russie a été secouée par une série d'attentats sanglants sur fond de deuxième guerre de Tchétchénie qui se poursuivait depuis plus de cinq ans entre les services spéciaux russes et les rebelles séparatistes dans le Caucase, écrit l'auteur.
Il rappelle notamment l'explosion d'un terroriste-kamikaze dans le métro de Moscou en février 2004 qui a fait 42 morts, une autre explosion dans un marché de Samara, ville sur la Volga, qui a emporté 10 vies humaines et plusieurs attaques perpétrées contre les commissariats de police en Ingouchie, ayant fait des centaines de blessés.
Au mois d'août de la même année, des kamikazes ont dynamité deux avions de ligne, en tuant 90 personnes, et une autre kamikaze s'est fait exploser à l'entrée du métro dans la capitale russe, en faisant 10 morts. Enfin, début septembre, une bande de séparatistes tchétchènes a pris en otages 1.128 personnes dans une école de Beslan, en Ossétie du Nord. 334 otages, dont 186 enfants, ont péri lors du siège de trois jours. L'attaque s'est terminée par l'assaut du bâtiment et la liquidation des 31 terroristes.
Le journaliste rappelle à cette occasion qu'en 2005, le président russe Vladimir Poutine a choisi Ramzan Kadyrov, fils de l'influent dignitaire religieux Akhmad Kadyrov, tué lors d'un attentat en 2004, pour diriger la Tchétchénie.
Ramzan Kadyrov qui n'avait que 29 ans à l'époque, brûlait, selon M.Bershidsky, de venger la mort de son père, et comme les Kadyrov avaient été autrefois eux-mêmes des séparatistes, Ramzan avait un réseau ramifié d'agents dans cette région ruinée par la guerre.
Le journaliste indique que Ramzan Kadyrov a reçu un financement généreux et un fort soutien. Il lui a fallu un peu plus de trois ans pour en finir avec la guerre et rendre inutiles pour les terroristes les attentats dans les villes russes.
En 2004, la guerre était menée essentiellement dans la montagne tchétchène, et les rebelles islamistes perpétraient des attentats à Moscou et dans d'autres villes de Russie pour faire peur aux Russes et augmenter ainsi le coût de la guerre pour le gouvernement.
Il se peut que les terroristes parisiens soient guidés sur des motifs similaires. Aujourd'hui, la guerre se poursuit essentiellement en Syrie. L'EI a revendiqué les attaques terroristes à Paris et celles de Beyrouth qui a fait 43 morts. Le journaliste suppose également que l'explosion de l'avion russe au-dessus de l'Egypte ayant fait 224 morts en octobre dernier fait aussi partie de la vengeance des djihadistes de l'EI pour les frappes russes en Syrie.
Il n'est pas non plus à exclure, d'après l'auteur, que l'EI ait décidé de "punir" la France pour ses frappes contre les sites des djihadistes en Syrie. A l'instar des terroristes tchétchènes en 2004, l'EI essaie peut-être de rendre extraordinairement onéreuses les opérations des pays de la coalition.
Le journaliste estime que Vladimir Poutine s'est engagé en Syrie parce qu'il n'a sans doute pas oublié la Tchétchénie et ces milliers de terroristes qui y avaient fait la guerre contre lui et qui auraient pu depuis rallier les rangs de l'EI et du Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. Ces gens représentent une menace identique à celle avec laquelle la Russie s'était confrontée en 2004.
On dirait qu'en Syrie, Vladimir Poutine agit aujourd'hui comme il l'avait fait autrefois en Tchétchénie. Selon M.Bershidsky, le président russe aide le dirigeant syrien Bachar el-Assad qui combat impitoyablement tous ceux qui prennent les armes, que ce soient des islamistes, des terroristes ou des séparatistes.
Le journaliste souligne que la France et les autres pays de la coalition américaine doivent comprendre qu'ils sont des cibles potentielles pour les terroristes. Ils doivent décider s'ils sont prêts à employer la méthode de Vladimir Poutine pour combattre le terrorisme. Cette méthode s'est montrée efficace en Tchétchénie, mais même le président russe n'est sans doute pas certain qu'elle sera tout aussi efficace en Syrie.
Le journaliste conclut qu'une chose est claire: le conflit syrien ne sera pas réglé, tant que son épicentre — l'Etat islamique — ne sera pas liquidé, et que, sans cela, pas un seul pays ne pourra se sentir en sécurité et être sûr que des attentats pareils à ceux du 13 novembre à Paris ne se produisent pas sur son territoire.