Le droit de vote pour les étrangers en France, mission impossible?

© REUTERS / Eric GaillardLors des élections départementales, Nice
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Trente-cinq ans déjà que les étrangers qui vivent en France comptent les promesses faites par la gauche de leur donner le droit de vote aux élections locales. Année après année, ce n'est jamais le bon moment.
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En France dernièrement, les promesses repoussées deviennent presque une tradition au sein du gouvernement. Depuis 2012, les autorités trouvent toujours de nouvelles excuses pour suspendre l'adoption de la loi dotant les étrangers en France du droit de vote.

Pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle doit être approuvée soit par référendum, soit à la majorité des trois cinquièmes du Parlement (Assemblée + Sénat) réuni en Congrès. L'idée d'un référendum a été pourtant abandonnée dès 2012. Puis, quelques promesses ont traversé le ciel gouvernemental entre 2012 et 2015, pour que finalement, mercredi dernier, Manuel Valls enterre cette réforme avant même de lui avoir donné une chance d'exister. Après toutes ces années, il a affirmé que sa mise en place était impossible.

Éric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche estime que cette décision était surtout conduite par la montée de l'extrême droite, ainsi que par le recul du parti socialiste qui n'ose pas affronter cette logique. Selon M. Coquerel, l'anormalité de ce déséquilibre entre des étrangers qui viennent de l'autre côté de la Méditerranée et vivent depuis très longtemps en France sans avoir le droit de vote, et ceux qui sont nés en Union Européenne et peuvent voter, ne touche guère la droite française.

"C'est un recul par rapport aux idées xénophobes", précise-t-il dans un entretien accordé à Sputnik. "Si ce gouvernement respectait les promesses sociales qui sont les leurs, faisait une vraie politique de gauche, il pourrait accompagner ce type de progrès et permettre aux gens qui vivent depuis longtemps sur le territoire français de voter".

Pour le gouvernement actuel, cet abandon est dû au fait que le Sénat est passé à droite, ce qui rend impossible, selon les autorités, la mise en œuvre de cette réforme. D'après Sandrine Rousseau, porte-parole nationale d'Europe Ecologie les Verts, c'est justement le moment de se lever contre l'extrême droite et de donner de l'importance aux vraies valeurs françaises.

"Le vote des étrangers aux élections locales est une absolue nécessité pour que chacun se sente civiquement impliqué dans la cité et que chacun trouve sa place dans nos villes, dans notre pays, parce qu'ils y habitent, parce qu'ils payent des impôts locaux, parce qu'ils utilisent les services publics du type écoles, hôpitaux", affirme-t-elle.

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Les étrangers, selon elle, doivent pouvoir décider de l'administration des villes dans lesquelles ils vivent. Cela, en fin de compte, pourrait leur permettre de participer au débat public et de construire une France qui soit la vraie France, qui est une France avec des personnes qui viennent d'un peu partout ou qui ont dans leur arbre généalogique des ancêtres qui viennent d'un peu partout.

"C'est ça, notre France, et c'est ce qui en fait la beauté", insiste Mme. Rousseau.

Cependant, la beauté de la France n'est pas la même pour tout le monde. Pour Wallerand de Saint Just, trésorier du Front National, cette réforme serait une mesure irréversible pour la société française. Il est persuadé que ceux ayant la nationalité française n'apprécieront pas une réforme anticonstitutionnelle qui viole leur droit politique à eux.

"Si cette réforme avait lieu, cela voudrait dire que la nationalité française n'existe plus et ne vaut plus rien", estime-t-il.

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Entre-temps, les ressortissants de l'Union européenne ont le droit de voter en France, ce qui confère à une certaine inégalité.

"Il y a une unité plus importante entre la population française et la population des principaux pays européens, qu'entre la population française et des populations syriennes, afghanes, somalienne, etc. Plus précisément, il s'agit des différences de considération, des coutumes, des possibilités d'intégration et d'assimilation. Ainsi, sans faire de xénophobie ou de racisme, on peut dire que c'est quand même plus facile pour un Italien ou un Polonais de s'intégrer ou de s'assimiler en France, alors que s'il s'agit de Syriens ou d'Afghans, le processus de leur intégration pose plus de problèmes pour eux-mêmes ainsi que pour la population française", explique Wallerand de Saint Just à Sputnik.

Toutefois, la réforme sur le droit de vote pour les étrangers a bel et bien figuré dans le programme du gouvernement actuel, mais quelque chose a toujours fait obstacle à sa réalisation.

"On a toujours le même problème avec les gouvernements de ce type", explique Éric Coquerel. "Ils arrivent au pouvoir, ils ont mis le droit de vote des étrangers dans leur programme et quand vous venez d'être élu, vous avez une marge de manœuvre plus importante. Prenons un exemple: la réforme de l'abolition de la peine de mort en France, cela a été fait dans les premiers mois du septennat de François Mitterrand en France, et il est vraisemblable qu'une majorité de Français n'étaient pas forcément en faveur de cette décision, pourtant il l'avait mise dans ses promesses et il l'a toute de suite passée. Il y a des mesures qu'il faut faire passer parce que ce sont des mesures d'émancipation qui vont dans le sens de plus de république. Mais, si vous attendez que les résultats économiques soient mauvais à cause de votre politique, vous vous retrouvez en difficulté. François Hollande a attendu, je pense qu'il ne voulait pas faire passer cette réforme, et du coup il l'abandonne. Voilà un reniement de plus."

De cette manière, il ne reste qu'admettre qu'une telle réforme n'est pas faisable aujourd'hui, estime la ministre du Travail, Myriam El Khomri, dans un entretien à BFM TV.

Alors peut-être demain? Ou l'année prochaine… Il semblerait que la question du droit de vote des étrangers est loin d'être réglée.

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