Incapable de préciser sa position sur la question de l‘euro mais aussi de la souveraineté, le Parti de Gauche reste prisonnier d'alliances électorales aléatoires qui rendent sa ligne politique toujours plus illisible.
Parlons sous la pluie
L'idée de réunir des protagonistes européens du fameux « plan B » était au départ excellente. Et le débat de samedi après-midi, en dépit de la pluie, fut fort intéressant. Mais il s'agissait avant tout d'une réunion visant à populariser l'idée de ce « plan B ». Pourtant, quand on regarde la substance des discours qui ont été tenus, et tout en accordant à chacun le bénéfice d'une qualité dans ce qui a été dit, il est clair que cela n'offre nul débouché politique.
Les participants, de Jean-Luc Mélenchon à Yannis Varoufakis, en passant par Stefano Fassina et Oskar Lafontaine, ne se situent pas au même niveau politique. Seul, Mélenchon dirige un parti politique. Lafontaine a été marginalisé au sein de Die Linke qu'il a pourtant contribué à créer, Varoufakis est aujourd'hui une personnalité isolée en Grèce (largement de son propre fait), et Stefano Fassina a quitté le Parti démocrate.
Les désaccords entre ces personnalités sont cependant évidents et nombreux. Fassina et Lafontaine sont désormais sur une position clairement anti-euro. C'est bien moins clair pour Yanis Varoufakis, qui se pose en défenseur d'un « euro démocratique », et c'est confus en ce qui concerne Jean-Luc Mélenchon en fonction du contexte et de ses déclarations. Qu'est-ce qui pouvait donc unir ces quatre hommes? Bien entendu, l'opposition aux forces dominantes de la gauche, qu'il s'agisse du SPD en Allemagne, du PS en France, du Parti Démocrate en Italie, les rassemble. Tout comme les rassemble leur opposition à la politique de l'Union européenne. Mais, cette opposition à bien du mal à se concrétiser sur un projet clair.
Que restera-t-il du « plan B »?
Cette réunion a donc été un moment de débat, dont l'avenir seul nous dira s'il fut ou non fructueux. Mais, elle ne peut cacher des incohérences de ligne politique, qui ont été rendues évidentes par la décision du Parti Communiste de s'allier plutôt avec le PS et la volonté d'autonomie d'EELV. Le problème de l'orientation politique du PG est posé: s'inscrit-il dans une critique acceptable par le PS, comme le font les supposés « frondeurs » de ce parti ou dans une critique radicale? Cette critique intègre-t-elle la question de la souveraineté et de l'Euro? Et si cette critique est réellement radicale, quelle logique d'alliance doit-on en tirer? Nous voici revenu à la question des « fronts » qu'avait évoquée Stefano Fassina cet été (1).
Car, la question actuelle n'est plus celle du modèle allemand, ou plus exactement du modèle que l'Allemagne cherche à exporter en Europe, mais bien celle de la souveraineté. Le point sur lequel on attendait Jean-Luc Mélenchon était donc celui de la souveraineté, soit pour en avoir le cœur net soit infiniment brouillé.
La question de la souveraineté
Tout le monde aujourd'hui comprend que la question de la souveraineté est aujourd'hui la question centrale du débat politique en France. Elle l'est à plusieurs niveaux, que ce soit par rapport à l'exercice concret de la démocratie ou que ce soit à un niveau plus fondamental par rapport à ce qui concerne la constitution d'une communauté politique. Mais, la souveraineté importe pour d'autres raisons aussi. L'histoire nous apprend que la formation de l'Etat se fait dans un double mouvement de la formation de la Nation, comme entité politique, et du Peuple comme acteur collectif. C'est la question du double mouvement de constitution et de la Nation et du Peuple qui est en réalité posée. Et c'est pourquoi la souveraineté est aujourd'hui un concept fondamental et décisif dans les combats politiques de l'heure.
La question alors se pose de la cohérence entre les actions qui se déroulent dans le temps politicien et celles qui se placent dans le temps politique. On le répète, il ne faut y voir nulle critique quand à des alliances transitoires. Que de telles alliances soient à un moment nécessaires est indiscutable.
Disons aussi que ce manque de cohérence semble être une maladie qui frappe l'ensemble de la classe politique française. Ce n'est pas, et de loin, une exclusivité de la gauche radicale. Parfois même, cette incohérence s'accompagne d'une immense hypocrisie, comme sur la question des réfugiés et des migrants, où l'on condamne les barbelés hongrois alors que l'on en érige à Calais, et que l'on est fort heureux de ceux construits par l'Espagne à Ceuta et Melilla.
La question de la souveraineté impose à ceux qui en parlent de faire preuve de cohérence. On peut, certes, renoncer à cette notion. Mais, alors, sachons qu'en réalité nous renonçons à la Démocratie et à l'ensemble des luttes sociales. Ou alors, affirmons clairement notre attachement à cette notion, même si on peut en faire différents usages. Mais, la notion de souveraineté est appelée aujourd'hui à faire frontière.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.
(1) http://russeurope.hypotheses.org/4235
(2) Liégard G., « La Parti de Gauche en quête de direction », posté le 7 mai 2015 sur le site Regards.fr, http://www.regards.fr/web/article/le4parti4de4gauche4en4quete4de