Etouffer toute critique
L'enquête en question fait suite à une plainte déposée par le président de l'Office fédéral pour la protection de la Constitution (BfV) Hans-Georg Maassen le 30 juillet. M. Maassen accuse le site Netzpolitik.org d'avoir publié des articles le 25 février et le 15 avril en utilisant comme sources des informations confidentielles ayant trait aux activités dudit Office.
Pourtant, selon le porte-parole de la Fédération des journalistes allemands (DJV), Hendrik Zörner, le cas ne relève pas de la haute trahison. Les journalistes n'avaient pas pour but de nuire à l'Allemagne et à ses intérêts politiques. Selon lui, BfV met tout en œuvre pour couper court à tout commentaire critique à l'égard de son ministère et veille à ce que seules les informations officiellement approuvées par les autorités soient publiées.
L’ouverture d’une telle enquête par les autorités fédérales allemandes, sans même avoir vérifié si le chef d’accusation constituait un délit ou non, confirme une telle hypothèse.
"Nous ne contestons pas le droit du BfV à avoir des informations confidentielles. Sans ce droit, le travail de l'Office confinerait à l’absurde. Pourtant, il est nécessaire que les aspects fondamentaux du travail de protection de la Constitution soient transparents".
Les efforts de M. Massen afin de faire taire l'information sont un défi pour le journalisme d'investigation, explique Hendrik Zörner.
Eckart Spoo, journaliste allemand, ne voit pas non plus de trahison dans cette affaire qui n'aurait pas dû avoir lieu après les scandales du même acabit. Il considère comme crucial le travail d’enquête des jeunes journalistes.
"Nous n'avons pas besoin de journalistes qui ne font que transmettre des déclarations officielles de l'Etat. Nous avons besoin d'un journalisme d'investigation et d’un éclairage critique de l'information", souligne Eckart Spoo.
Quant au journaliste Andre Meister, qui est l'un des auteurs des articles à scandale, visé par l'enquête, il est convaincu qu'il s'agit non seulement d'une tentative d’entraver les médias qui publient des matériaux compromettants, mais aussi d'une volonté de faire pression sur les sources pour éviter des fuites ultérieures. Pourtant, il n'est pas intimidé.
"Nous continuerons de publier des documents lorsque nous estimons que leur publication relève de l’intérêt du public", a confié le journaliste au site The Local.
Procureur général vs. ministre de la Justice
Le ministre allemand de la Justice Heiko Maas a déclaré vendredi "avoir des doutes" sur le fait que les journalistes aient vraiment eu l’intention de porter atteinte à l’Etat allemand ou d’"aider une puissance étrangère".
La réaction du procureur général Harald Range a été virulente. Dans son communiqué, il a accusé le ministre de la Justice Heiko Maas d'"attaque intolérable contre l'indépendance de la Justice".
Pourtant, cette réaction n'est pas surprenante, M. Range avait récemment décidé de laisser étouffer l'affaire d'espionnage d'un téléphone portable appartenant à la chancelière allemande Angela Merkel par la NSA.
German prosecutors give spies a walk, but investigate journalists for "treason" http://t.co/ey4oEKxUh0 #Netzpolitik pic.twitter.com/4U9QNNzim2
— Xeni Jardin (@xeni) 31 июля 2015
Le procureur Range a ajouté qu'un expert indépendant avait jugé que les documents mis en ligne par le blog relevaient bien du secret d'Etat, comme l'avait affirmé le patron du renseignement intérieur.
Dans son communiqué, M. Range dit en avoir informé son ministre de tutelle, qui lui aurait dit de "mettre fin immédiatement" aux expertises extérieures.
M. Range a souligné qu'"influencer une enquête parce que son résultat n’est pas politiquement opportun est une attaque intolérable contre l'indépendance de la Justice".
Et d'ajouter: "la liberté de la presse et d'expression est un bien de valeur. Mais cette liberté, y compris sur internet, n'est pas illimitée. Elle n'exonère pas les journalistes du devoir de respecter la loi".
Boom sur le net
L’affaire a eu d’importants retentissements dans la société. L'Association de la presse allemande (DJV) a accusé le procureur fédéral de harcèlement. Des milliers d’utilisateurs de Twitter ont réagi pour exprimer leur solidarité avec les bloggeurs.
Sur Twitter #Landesverrat (#trahison) est actuellement un des hashtags les plus populaires.
Un millier de supporters sont descendus dans les rues de Berlin pour protester contre ce qu’ils jugent être une atteinte à la liberté de la presse.
1000´s march in #Berlin over journalist "treason“ claims: http://t.co/aC1iBvLavf #Landesverrat #Netzpolitik pic.twitter.com/WaBfMIGX72
— Saulo Corona (@saulocorona) 1 августа 2015
"Dans une société démocrate, rendre publique la vérité n'est pas de la trahison"
In a democracy, reporting true information is not treason. Today Berlin marches for press freedom #netzpolitik https://t.co/gKQFQf6h9z
— swedenvsassange (@swedenvsassange) 1 августа 2015
Certains commencent déjà à s'identifier aux journalistes du Netzpolitik.
It's something. #Netzpolitik pic.twitter.com/lSDxPq6KzX
— Alexander R. (@realizing_it) 2 августа 2015
Pour d'autres, cette affaire fait penser à celle d'Edward Snowden.
Now it is clear why #Snowden can't possibly receive Asylum in Germany… #Treason #Netzpolitik #PressFreedom https://t.co/n6gZfFAKkV
— Diani Barreto (@deCespedes) 30 июля 2015
Is #Germany following Obama Administration's trend to intimidate those engaged / committing acts of journalism? #Netzpolitik #solidarity
— Diani Barreto (@deCespedes) 30 июля 2015