L’enlèvement de 4 Italiens en Libye, un chantage politique et économique

© AP Photo / Marco VasiniUn technicien de la société Bonatti. Image d'illustration
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La Libye continue de plonger dans le chaos, malgré la récente signature d'un accord entre la plupart des factions libyennes au Maroc. Quatre Italiens, des techniciens travaillant sur des installations pétrolières pour la société Bonatti, ont été capturés dans le pays. Aucune revendication n'a encore été diffusée.

Ils ont été enlevés près d'un complexe industriel appartenant au groupe pétrolier et gazier ENI dans la région de Mellitah, à l'Ouest de Tripoli. Une unité de crise a immédiatement été activée par le ministère italien des Affaires étrangères qui reste « en contact constant avec les familles et l'entreprise Bonatti ».

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En l'absence de revendication, toutes les pistes sont envisagées: politique, crapuleuse ou jihadiste. Dario Citati, politologue italien, directeur du programme « Eurasie » à l'Institut ISAG, nous a décortiqué la situation: « Il y a deux signes inquiétants. D'abord, la géographie de l'acte. L'enlèvement s'est déroulé entre la Tunisie (les quatre techniciens italiens venaient de Tunisie) et la Libye. C'est-à-dire que la zone entre la Tripolitaine, une partie de la Libye, et la Tunisie du Sud est devenue extrêmement dangereuse. La deuxième question qu'on cerne — c'est qu'il ne s'agit pas du premier enlèvement italien en Libye. » Il est vrai que près de la zone du rapt, il existe des camps jihadistes, notamment à Sabratha. C'est là que les trois Tunisiens de l'Etat islamique responsables des attentats du Bardo et de Sousse ont été formés.

« Ce pourrait être une occasion de chantage non seulement économique, mais politique, continue Dario Citati. La fermeture de l'ambassade italienne représente des problèmes, car c'était la dernière ambassade occidentale qui restait ouverte en Libye » jusqu'au 15 février. Cette piste est assez crédible car plusieurs précédents existent déjà. En juin, des milices de la coalition Fajr Libya, proches du gouvernement de Tripoli, avaient kidnappé des diplomates tunisiens en plein consulat pour faire pression sur Tunis afin d'obtenir la libération d'un de leurs chefs.

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Enfin, l'option du rapt pour rançon n'est pas à exclure non plus. Vous n'êtes pas sans vous rappeler le dernier scandale perpétré en janvier 2015, lorsque deux jeunes humanitaires italiennes ont été libérées après avoir passé 61 jours en Syrie. Rome aurait versé 10 millions d'euros. Une polémique vive a été lancée sur la rançon « dégoûtante ». Par ailleurs, la plupart des puissances occidentales, à l'exception des Etats-Unis et du Royaume-Uni, n'ont pas d'autre choix que de payer des sommes énormes pour sauver les otages. Aujourd'hui, la situation est différente. Dario Citati explique: « Il s'agit de quatre techniciens d'une entreprise italienne très importante dans le monde qui représente les intérêts de l'Italie, et, même en raison de la fermeture de l'ambassade italienne, la présence de ces techniciens et de cette entreprise liée à l'ENI, la grande entreprise d'énergie italienne, est une forme de politique étrangère, de présence italienne et européenne dans la région. Je crois que dans ce cas-là, il n'y aura pas de polémique pour la nécessité de sauver ces otages. »

L'heure est grave en Libye qui a deux gouvernements et deux armées plus la menace djihadiste. Des milliers de migrants clandestins préfèrent s'exposer à la bonne foi des trafiquants et des chalutiers vétustes qui les emmènent du territoire ensanglanté vers une Europe solidaire via la mer Méditerranéenne. Pourquoi les Italiens restent-ils en Libye même s'ils étaient tous appelés à quitter le pays après la fermeture de l'ambassade? La réponse de Dario Citati est exhaustive: « Pour l'Italie, la Libye reste un scénario stratégique. Il s'agit d'un pays où les services de renseignement les plus importants, les plus au courant de ce qui se passe, — ce sont les services italiens. Après la fermeture de l'ambassade, la présence italienne sous la forme même des entreprises économiques, le lien avec cette région et la possibilité d'avoir des contacts, d'être présent, seraient pratiquement nuls. Bien sûr, les gens savent les risques qu'ils prennent. En tout cas, cela devrait faire réfléchir non seulement sur la nécessité de travailler plus avec la Russie, par exemple, pour des questions énergétiques, mais aussi sur une aggravation de la situation libyenne où personne n'a du mal à comprendre ce qui se passe.»

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