Pour mieux comprendre la situation, il est indispensable de donner un bref aperçu de la chronologie de la crise ukrainienne, conseille l'homme politique français Jean-Pierre Chevènement, auteur de l’article "Crise ukrainienne, une épreuve de vérité".
Il explique que «la crise ukrainienne actuelle était prévisible depuis la +révolution orange+ (2004) et la première tentative de faire adhérer le pays à l’OTAN (2008)». Cependant, on aurait pu l’éviter: l’Union européenne n’avait qu’à créer un espace de libre-circulation «de Lisbonne à Vladivostok» pour rendre conciliable le Partenariat oriental de 2009 avec l’objectif du Partenariat stratégique de la Russie et de l’UE en 2003, tout en étant consciente des particularités des économies ukrainienne et russe. Mais Bruxelles a fait le contraire: on "a mis l’Ukraine devant le dilemme impossible d’avoir à choisir entre l’Europe et la Russie". Le choix de Viktor Ianoukovitch, président ukrainien à l’époque, n’était pas des plus simples, l’offre russe étant, financièrement, plus considérable. Il a donc demandé de reporter la signature de l’accord d’association.
Ce geste "a été le signal des manifestations dites +pro-européennes+ de Maïdan, qui allaient aboutir, le 22 février 2014, à son éviction", commente l’auteur.
Pourtant, si on peut comprendre l’attachement d’une partie importante des Ukrainiens vis-à-vis de l’Europe, il reste quand même à se demander si la Commission européenne a vraiment un devoir sacré de promouvoir les normes européennes à l’extérieur de l’UE.
"Les manifestations de Maïdan ont été encouragées sur place par les multiples visites de responsables européens, mais surtout américains, souvent éminents, tandis qu’organisations non gouvernementales et médias initiaient une véritable guerre de l’information", a-t-il ajouté.
Nous assistons aujourd’hui à une véritable réécriture de l’histoire. L’exploit incontestable des soldats russes dans la Seconde Guerre mondiale et leur très lourde contribution à la Victoire contre l’Allemagne nazie est de plus en plus souvent remise en question.
En réalité, la crise ukrainienne est une occastion de comprendre si l’Europe est capable de faire preuve de puissance et d’indépendance, ou si au contraire elle va se résigner et se laisser conduire comme un enfant par les Etats-Unis.
"La russophobie médiatique relève d’un formatage de l’opinion comparable à celui qui avait accompagné la guerre du Golfe en 1990-1991. Cette mise en condition de l’opinion repose sur l’ignorance et l’inculture s’agissant des réalités russes contemporaines, quand ce n’est pas sur une construction idéologique manichéenne et manipulatrice", explique M. Chevènement, président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC)
Tant que la Russie manifeste une loyauté à d’enviables principes, il est temps, d’une part, que la France incarne, dans le format de Normandie dont elle a pris l’initiative, l’intérêt supérieur de l’Europe, car il faut éviter que la politique française extérieure soit entravée par des courants extrémistes ou révisionnistes. D’autre part, il est nécessaire que l’Allemagne conservatrice d’Angela Merkel, trop guidée par la politique américaine, s’oriente plutôt vers la coopération avec la Russie, indique l'auteur.
Rappelons que les dirigeants occidentaux ont ignoré le défilé du 9 mai de Moscou afin de protester contre la situation en Ukraine.
"Il est temps qu’une +Europe européenne + se manifeste. Elle pourrait d’abord essayer de convaincre les Etats-Unis que leur véritable intérêt n’est pas de bouter la Russie hors de l’+Occident+, mais de redéfinir avec elle des règles du jeu mutuellement acceptables et propres à restaurer une confiance raisonnable".