« Nous sommes entrés dans un nouveau monde ». Selon Jean-Christophe Cambadélis, réélu en mai dernier au poste du premier secrétaire du parti socialiste, avec l'imposition du Front national, l'espace politique de l'hexagone est bien entré « dans une nouvelle donne tripolaire ».
Même tonalité dans la tribune du député UMP Thierry Mariani, publiée en février dans Le Monde, qui affirme que « la vie politique française s'oriente (…) vers le tripartisme d'un nouveau genre ». A l'issue des élections départementales à la fin de mars dernier, trois partis se sont installés sur la scène politique française: le PS, l-ex'UMP qui s'est transformé en parti des Républicains et le FN.
Un concept qui n'est pas nouveau
Le tripartisme n'est pas un terme nouveau dans l'histoire politique contemporaine. Par ce terme était désigné le paysage politique de la France après la Libération. A cette époque, le Parti communiste, la Section française de l'internationale ouvrière (SFIO) et le Mouvement républicain populaire (MRP) pesaient pour les ¾ des vois des électeurs en France. Sauf qu'à l'époque, les partis politiques se sont réunis pendant une courte période en une coalition.
Des acteurs qui manquent de stabilité
La stabilité du modèle à trois partis est cependant fortement compromise par le manque de cohérence et la crise à l'intérieur de chacun d'eux.
Inutile de rappeler que le parti au pouvoir, le PS, traverse une crise profonde depuis ces quelques années. Les socialistes ont perdu tous les scrutins des années 2014-2015 et ont vu leur cote de popularité chuter. Selon un récent sondage de l'Ifor réalisé pour le Nouvel observateur, 46% de Français jugent que le PS est désormais « insuffisamment de gauche », tandis qu'une étude d'OpinionWay pour Le Figaro va jusqu'à conclure que les Français ne sont plus que 3% approuver François Hollande à la tête du pays.
A droite, il y a un changement de nom — l'UMP étant devenu le parti des Républicains — mais de dirigeants. Le président des Républicains Nicolas Sarkozy a réussi à défendre le nom du nouveau parti, qui suscitait le mécontentement à gauche (le terme « Républicain » ne peut pas être associé à un seul parti, disait-on au PS), mais aussi le programme de l'électorat de ce parti post-gaulliste de centre-droite, dont les origines remontent à l'initiative de Jacques Chirac. Mais l'amour de la République n'est pas le seul à se cacher derrière le nouveau nom. Il semble que les dirigeants de l'ex-UMP veulent faire oublier à leur électorat de multiples scandales liés à la corruption, auxquels Sarkozy notamment était mêlé. Il y a également une volonté chez le président du nouveau parti de centre-droite de prendre une revanche sur François Hollande en 2017. Mais avant que cela n'arrive Sarkozy a un long chemin à parcourir. Il devra remporter la victoire aux primaires, prévue en automne, où il sera confronté à ses partisans — Alain Juppé et François Fillon.
Vers une bipolarisation?
Outre les facteurs internes, la coexistence des trois partis politiques français est déstabilisée par plusieurs aspects externes. Selon l'historien Jean Garrigues, le système institutionnel de la 5e république implique la bipolarisation. Tout simplement parce qu'il y a un face-à-face au second tour. Toutefois il ne s'agit pas forcément d'une bipolarisation gauche/droite.
Et pour que cette bipolarisation au second tour du scrutin puisse se faire, des alliances doivent être nouées. Pour l'instant, c'est le FN qui se trouve dans une situation difficile à ce niveau. Le parti de Marine Le Pen a très peu de sièges à l'Assemblée nationale et ne contrôle aucun département, ni région. La tâche s'avère donc difficile, la tactique tacite du « cordon sanitaire » par rapport au FN étant toujours pratiquée par les partis de gauche de droite en France, souligne l'historien Rouslan Kostiouk, professeur à la faculté des relations internationale de l'Université de Saint-Pétersbourg.
Les Républicains pourront passer des alliances avec l'Union des démocrates et les indépendants (UDI) qui s'est avérée très productive par les années passées. Des négociations sont d'ailleurs en cours actuellement.
Quant aux socialistes, ils pourront se tourner vers leurs alliés de longue date: les écologistes et le Front de gauche.
Et c'est l'alliance du plus fort qui le remportera.