Loi sur les ONG ou comment la Russie défend sa souveraineté

© Sputnik . Grigory Sysoev / Accéder à la base multimédiaМинистерства Юстиции России
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Après que le philosophe Michel Eltchaninoff ait tenté de se mettre dans la tête de Vladimir Poutine – quel long et scrupuleux travail de réincarnation ! – voici que Pierre Avril, correspondant du Figaro à Moscou, s’est mis dans la tête du Russe moyen qui serait « largement réduit au silence depuis le retour de Vladimir Poutine ».

Ce constat est extrait d'un article extrêmement critique consacré à l'entrée en vigueur d'une loi sur les ONG indésirables en Russie. Analyse deFrançoise Compoint.

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Poutine signe une loi sur les ONG "indésirables"
Selon l'auteur, la ratification par le Kremlin d'une loi limitant l'activité des ONG dont l'activité menacerait les fondements constitutionnels russes indiquerait que « l'heure n'est pas à la détente sur le front politique intérieur ». Pourquoi intérieur et non international, se demande-t-on? Corroborant son diagnostic, il cite les multiples et traditionnels griefs du conseil des droits de l'homme auprès du Kremlin contre le Kremlin. Si l'on résume, il apparaît donc anormal que les autorités se réservent le droit d'arrêter l'activité, voire de poursuivre en justice des organisations étrangères dont les intérêts sont contraires à ceux du pays! Dans un pays démocratique, les ONG étrangères ne devraient pas être contrôlées. En outre, les Russes dans leur grande majorité sont réduits au silence mais le conseil des droits de l'homme a quand même l'autorisation de s'épancher sur les méfaits de cette loi en nourrissant ainsi des tribunes étrangères.

Ne pouvant m'empêcher d'ouvir cette parenthèse tant elle illustre la qualité des références retenues, je pense au travail glorieux d'une certaine Elena Vassilieva, activiste pour la cause des droits de l'homme, qui a versé des larmes de crocodile, à Lviv, en déplorant la mort d'une dizaine de paras russes qui auraient été envoyé contre leur gré dans le Donbass. Nous apprenons plus tard, documents et photos à l'appui, que ces jeunes paras morts ne sont autres que les joueurs de foot bel et bien vivants — ou ressuscités — d'une équipe d'Orenbourg, Gazel-2. Mme Vassilieva n'a jamais été dérangée dans l'exercice de ses fonctions. Si je mentionne son exemple, c'est bien que le mainstream médiatique occidental a souvent tendance à fonder ses analyses sur des propos et des preuves du même genre, sans les repasser au crible de l'analyse ou les revérifier. D'où certaines incohérences dans l'article de M. Avril.

Par ailleurs, comment se fait-il que les médias russes ne se soient pas encore occupés de la très controversée loi française sur le renseignement? Peut-être faudrait-il enfin y songer.
Fabrice Beaur, expert en relations internationales, spécialiste des médias et des réseaux sociaux. Secrétaire-Général d'EODE, a élucidé le sens sous-jacent de cet intérêt que porte la presse à cette vieille loi qui pourtant n'entre en vigueur que maintenant.

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ONG russes "agents étrangers": Washington préoccupé
Radio Sputnik. Vladimir Poutine a promulgué une loi permettant aux autorités d'interdire les organisations étrangères implantées en Russie. Les réactions du mainstream occidental ont été très réservées pour ne pas dire tout à fait négatives. Je pense en particulier à celle de Pierre Avril qui a diagnostiqué dans son dernier article une absence totale de « détente sur le front politique intérieur ». Quelle est, à titre personnelle, votre appréciation de cette mesure et pourquoi l'adopter à ce moment précis alors qu'en réalité ce projet de loi n'est pas si récent que cela?

Fabrice Béaur. Effectivement, ce projet de loi n'est pas récent et, qui plus est, c'est le complément d'une précédente loi de 2012 concernant les agents étrangers, qui, elle aussi, avait été à la une de la presse occidentale. Cette dernière indiquait au passage qu'une loi similaire existait depuis fort longtemps aux USA. Mais bon, passons sur les omissions complices dont a coutume la presse occidentale.

Vous venez de parler du correspondant du Figaro à Moscou. Au-delà de la polémique autour de ce personnage dont la déontologie est plus que discutable, il faut noter que le vocable de front intérieur relève d'un vocable de confrontation. C'est bien cela dont il s'agit, d'une guerre américaine des ONG afin d'influer le cours politique d'un pays, voire de renverser son gouvernement. Le fameux soft power, comme on dit. Les déclarations officielles US sur l'augmentation de leur « aide financière pour la société civile en Russie » ainsi que les deux dernières révolutions oranges en Ukraine dont la dernière a dégénéré en guerre civile qui est toujours en cours sont autant de faits qui démontrent cette réalité. Cette loi a toute sa légitimité, selon moi, dans le cadre d'un Etat souverain qui légifère en toute indépendance. Au nom de quels principes la Russie devrait-elle demander la permission de gouvernements étrangers pour établir les lois qu'elle considère nécessaires pour sa sécurité et sa stabilité? Même du point de vue du droit international, j'aimerais qu'on m'explique la base de ces raisonnements qui a suscité les multiples déclarations occidentales en question.

Radio Sputnik. Peut-on sérieusement considérer que les ONG actuellement présentes sur le territoire russe pourraient conduire à une tentative de révolution orange malgré la côte de popularité sans précédent de Poutine?

Fabrice Béaur. De par la nature même de ces ONG, c'est une évidence. Une révolution orange, c'est un processus de changement du pouvoir en dehors de la voie constitutionnelle avec comme particularité d'avoir le soutien financier, matériel et informationnel. Il y a tout un réseau d'ONG et d'organismes paragouvernementaux US. Il y a déjà eu une tentative avant et après l'élection de Vladimir Poutine pendant les présidentielles. Tout le monde se souvient des manifestations dans les villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg puisque, en règle générale, personne en province ne suit ladite opposition libérale. Et la part des organisations à l'origine de ces contestations avait et a encore des liens avec ces mêmes réseaux US.

Dans la situation actuelle d'offensive géopolitique majeure de Washington contre Moscou sur le terrain ukrainien, il est logique qu'après les sanctions occidentales il puisse y avoir chez les néo-conservateurs nord-américains l'idée d'exploiter les dites difficultés économiques en Russie. Ceci dit, il faudrait tout de même tempérer la faisabilité de leurs plans vu leur faible fondement dans le cas de la Russie: l'effondrement économique prévu ne s'est finalement pas produit! En plus, comme vous l'avez indiqué, la popularité de Poutine est plus forte que jamais, on est à 86% d'après ce que disent les derniers sondages de mai. Mais la volonté reste là. Les conservateurs américains sont persévérants.

Radio Sputnik. Parmi les ONG le splus influentes et les plus connues, on peut citer Freedom House et Fundation Soros. Croyez-vous que les coups d'Etat ratés au Venezuela et en Macédoine pourraient définitivement compromettre l'activité de ces deux ONG?

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La Russie interdit de financer ses partis politiques depuis l'étranger
Fabrice Béaur. En rien. Cela ne va pas discréditer et compromettre l'activité de ces ONG! Premièrement, elles ne renoncent jamais. Ce ne sont pour elles que des batailles dans une sorte de guerre globale. En plus, les médias occidentaux ne parlent jamais de ces deux ONG. Elles gardent donc leur virginité pour le grand public dans la guerre de propagande classique. Deuxièmement, ces deux ONG ne sont pas seules dans le réseau des ONG américaines. La plus importante dont on parle peu c'est la NED, National Endowment for Democracy, qui est un organisme paragouvernemental US et qui a été qualifiée à juste titre de vitrine légale de la CIA. Il s'agit d'un organisme gouvernemental. Il y a aussi, comme vous l'avez indiqué, les réseaux Soros qui ne se résument pas à la seule « Fundation » puisqu'on doit encore mentionner l'International Crisis Group, l'Open Society, sans oublier la fameuse ONG Campus qui est la centrale de formation de tous les activistes des révolutions de couleur. Toutes ces ONG étaient et restent actives. Pas besoin de théories du complot pour disséquer la nature des réseaux US. Il suffit de lire la grande production des think-thank et des géopoliticiens américains, ainsi que les médias américains, pour que tout devienne clair.

Si c'est d'ailleurs pour cette raison que l'opinion publique occidentale est volontairement laissée dans l'ignorance de l'activité de ces ONG, le reste du monde commence néanmoins à en prendre consicence: le Venezuela l'a bien compris, la Chine également après la dite révolution des parapluies à Hong Kong et en Afrique, bien qu'on en en parle peu, la prise de conscience commence à poindre à l'horizon, notamment après la première révolution de couleur qui a réussi au Burkina Faso et la tentative ratée au Burundi. Ceci étant, toutes ces ONG ont encore de beaux jours devant elles mais ce qui donne de l'espoir, c'est que l'on connaît leurs buts, leurs méthodes et surtout comment s'en protéger ».

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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