Palmyre: ce que le monde risque de perdre à jamais

© AFP 2024 JOSEPH EID A file picture taken on March 14, 2014 shows a partial view of the ancient oasis city of Palmyra, 215 kilometres northeast of Damascus. Islamic State group fighters advanced to the gates of ancient Palmyra on May 14, 2015
A file picture taken on March 14, 2014 shows a partial view of the ancient oasis city of Palmyra, 215 kilometres northeast of Damascus. Islamic State group fighters advanced to the gates of ancient Palmyra on May 14, 2015 - Sputnik Afrique
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Ce que tout le monde craignait est arrivé: les militants du groupe terroriste État islamique (EI) ont pris Palmyre, trésor de l'architecture et de l'art romains.

La culture unique de cette région est née du mélange des traditions monumentales de l'Orient ancien avec les technologies de construction et le style architectural de l'Empire romain. Même son nom — Palmyre — a été donné à la ville-oasis de Tadmor par les Romains, qui l'avaient conquise et avaient imposé un tribut. Palmyre a atteint son âge d'or aux IIe-IIIe siècles après JC, quand l'Empire romain était au zénith de sa gloire et que, s'il ne rattachait pas toutes les terres avoisinantes, il exerçait une influence certaine sur elles. Les Romains ont inventé la voûte et l'arc et ont créé un prototype de béton, le "moellon", qui permettait de construire des structures architecturales imposantes, mais gracieuses. Au IIe siècle, le célèbre Panthéon et les forums majestueux sont érigés à Rome, dont l'architecture frappe les contemporains. Grande ville commerciale en orbite de l'Empire, Palmyre ne pouvait pas résister au désir de surpasser la métropole.

L'architecture des provinces romaines est peut-être le chapitre le plus intéressant de l'histoire de la culture de l'empire: le mélange du romain et du style local, dans chaque cas de figure, donnait naissance à un chef-d'œuvre unique. Palmyre compte parmi les meilleurs exemples d'un tel mélange: les ornements orientaux, le goût pour le luxe et la monumentalité se combinent ici avec la rigueur et les formes architecturales romaines en arcs, voûtes et colonnades gracieuses.

Les colonnes de la galerie, où l'on pouvait s'abriter du soleil — sont l'un des éléments les plus reconnaissables de l'architecture du Proche-Orient à l'époque romaine. Palmyre était encerclée par ces colonnades, dont les vestiges sont bien conservés jusqu'à nos jours.

En entrant dans la ville par ces portes ressemblant à un arc de triomphe romain, le voyageur se trouvait sur la voie triomphale, ornée de colonnes et d'arcades. Des deux côtés, la route était bordée de galeries qu'empruntaient les piétons. Le centre de la ville — l'Agora — ressemblait non pas au forum gréco-romain mais plutôt au caravansérail oriental avec le temple du dieu suprême Bel.

Construit en 32 après JC, ce temple est considéré comme le plus vieux bâtiment du territoire de Palmyre. Il était décoré de colonnes et de portiques romains, mais sa forme répétait celle d'un sanctuaire local traditionnel. À l'intérieur on trouvait des bas-reliefs représentant les signes du zodiaque, les planètes, les divinités et les processions sacrées. Sous les Arabes, l'ancien temple fut transformé en mosquée, ce qui lui a permis d'être conservé partiellement jusqu'à nos jours.

La nécropole, avec ses célèbres tours funéraires, est la mieux conservée. Comme plusieurs peuples orientaux, la population sémite locale honorait les morts et prenait soin de leur vie quotidienne outre-tombe. Les tombes familiales des notables de Palmyre n'étaient pas à proprement parler des habitacles pour les morts, mais étaient aussi somptueuses que leurs palais de leur vivant. Les murs des salles funéraires sont décorés de bas-reliefs représentant les défunts, le plafond est orné d'un riche ornement multicolore et par endroits, on trouve même des peintures décrivant des sujets mythologiques. Les peintures des palais et des tombes de Palmyre sont stylistiquement proches des peintures de Pompéi et d'Herculanum, ce qui confirme les contacts étroits entre les villes du monde romain.

Les notables aux toges romaines des tombes de la nécropole de Palmyre pourraient bien être les ancêtres des Syriens qui ont été récemment évacués, à la hâte, avant l'arrivée de l'armée des nouveaux islamistes radicaux de l'EI dans ces lieux. Les terroristes eux-mêmes, qui font sauter des anciens villages et fracassent avec leurs marteaux les images des anciens dieux, pourraient bien être les descendants des légionnaires romains qui avaient épousé les belles orientales.

Malgré le fait que plusieurs bas-reliefs, fragments des chapiteaux richement décorés et mosaïques de Palmyre soient dispersés dans divers musées du monde, les objets les plus précieux de son histoire restent ces ruines en Syrie. C'est ici qu'on peut encore contempler le théâtre romain, les portes-propylées, les tours funéraires, les vestiges des temples et des palais, qui rappellent que le Proche-Orient a les mêmes racines culturelles que la civilisation occidentale. En détruisant ces monuments, l'EI détruirait aussi ces racines.

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