Pourtant, malgré les déclarations d'experts militaires russes reconnus, affirmant que la Russie serait prête à un conflit de haute intensité dans l'hypothèse où l'Ukraine lancerait une nouvelle offensive sur le Donbass, ce scénario lourd de menaces paraît peu crédible. Analyse de Philippe Migault.
John Kerry a d'abord assuré que si la trêve théoriquement en vigueur dans le Donbass s'installait effectivement dans la durée, les sanctions économiques prises envers la Russie par les Etats-Unis et l'Union européenne seraient levées. Assurance qui démontre le peu de cas que Washington fait de la volonté politique des instances de Bruxelles, celles-ci n'ayant pas été, à notre connaissance, consultées avant que le secrétaire d'Etat américain ne décide de donner ces garanties.
John Kerry a par ailleurs apporté son appui aux accords de Minsk-2, pourtant conclus suivant le format « Normandie », sans concertation avec les Etats-Unis, ce qui revient à dire que les Américains s'alignent sur Paris et Berlin quant aux efforts demandés aux belligérants.
Enfin M. Kerry a déclaré que "le recours à la force par toute partie à ce moment (du conflit ukrainien) serait extrêmement destructeur". Cela revient certes à mettre en garde les séparatistes russes, mais aussi à prévenir les autorités de Kiev que les Américains ne donneraient pas leur appui à une offensive ukrainienne contre les Républiques de Donetsk et de Lougansk.
Si Angela Merkel, lors de sa récente visite à Moscou, a tenu un discours très ferme lors de ses conversations avec Vladimir Poutine, elle a déjà averti Kiev qu'elle était parfaitement consciente que la responsabilité des violations du cessez-le-feu dans le Donbass était, a minima, partagée par les troupes ukrainiennes.
François Hollande, qui a rencontré le Président ukrainien jeudi dernier à Aix la Chapelle, a certes dénoncé des violations « inacceptables » du cessez-le-feu, mais a aussi déclaré que « des groupes ont intérêt à ce que ce conflit perdure et ces groupes-là nous les identifions facilement », tout en se gardant bien de donner plus de précisions quant à l'identité de ceux qui portent la responsabilité des accrochages. Ce qui peut tout aussi bien désigner les séparatistes du Donbass que certaines unités de la garde nationale ukrainienne, dont on connaît le fanatisme et le refus de toute trêve.
Alors que les Etats-Unis tentent de reprendre la main dans le cadre du dossier ukrainien, la question du leadership entre l'axe Paris-Berlin et Washington en matière de négociations avec la Russie semble donc se poser. Il n'est pas exclu, toutefois, que les Américains ne s'engagent davantage dans le processus de sortie de crise avec le plein assentiment de la France et de l'Allemagne.
Car chacun est las de cette crise interminable.
L'économie ukrainienne s'écroule de plus en plus rapidement alors que Kiev, par ailleurs, ne parvient pas à restructurer sa dette extérieure et à donner aux instances internationales (FMI, UE), les garanties demandées pour l'octroi de nouveaux crédits.
La récente loi ukrainienne sur la désoviétisation, dont un volet revient à réhabiliter les Ukrainiens ayant collaboré avec l'Allemagne nazie et ayant massacré des centaines de milliers de Juifs et de Polonais, a également été accueillie avec embarras par les Français, les Allemands et les Polonais.
Le sommet du Partenariat Oriental de l'Union Européenne à Riga, les 21 et 22 mai prochains, devrait nous livrer plus d'éléments sur les visions des différents acteurs européens.
Il n'est pas exclu, à cette occasion, qu'une fracture franche ne se révèle entre les Etats les plus farouchement atlantistes et hostiles à la Russie et ceux qui, ayant pris l'initiative d'engager des négociations, sont pressés d'en finir avec la question ukrainienne.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.