Des dizaines de dirigeants de pays asiatiques et africains se sont réunis au sommet de Jakarta, appelé à insuffler une nouvelle vie dans leur développement économique et célébrer solennellement le 60e anniversaire de la conférence de Bandung. Ce sommet historique avait indiqué aux jeunes pays libérés de leurs colonisateurs la voie à suivre en temps de Guerre froide: la politique de non-alignement.
Le professeur Sergueï Lounev de l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO) note que "le mouvement de non-alignement était une organisation très puissante quand il existait deux pôles de force. Ils prônaient un nouvel ordre économique. Il semblait dans les années 1970 que ce combat mènerait les pays émergents à la victoire. Aujourd'hui, le mouvement de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine a cessé d'être organisé".
Deux causes à cela: premièrement le mouvement de non-alignement a été créé sur la base d'un équilibre entre les systèmes capitaliste et socialiste. Ce qui profitait pleinement à l'Inde. Dans les années 1960-1970, l'Union soviétique a créé en Inde une industrie lourde et les Américains lui ont accordé une aide gratuite de 10 milliards de dollars. Mais l'équilibre est devenu impossible après l'effondrement du système bipolaire.
"Deuxièmement, les pays de l'Est étaient dans une position approximativement identique. Alors qu'aujourd'hui les écarts sont énormes. Certains pays ont suivi la voie des hautes technologies et ne se distinguent pas particulièrement de l'Occident — le Japon, la Corée du Sud, Singapour, Taïwan. Les États très grands, comme l'Inde et la Chine, occupent une place à part dans les relations internationales. 50 à 60 États qui ont intégré la mondialisation grâce à une localisation géographique favorable, à des ressources et à une main d'œuvre bon marché. Comme la Thaïlande et certains pays d'Asie du Sud-Est. Il y a des États exportateurs de pétrole", explique Sergueï Lounev.
Le terme "pays émergents" a perdu son sens: ceux qui appartenaient à ce groupe sont complètement différents aujourd'hui et ne peuvent donc pas régler des tâches communes. Bien que la perception commune de l'histoire ne doive pas être ignorée. "Dans ce sens, il faut souligner que l'image de l'Union soviétique est relativement forte à l'Est. Il serait sensé d'utiliser ce fond psychologique comme un outil de notre puissance douce", conclut l'expert.