Le 27 janvier dernier, une table ronde s'est tenue lors du colloque risque pays de la Coface, analyse d`Alexandre Latsa.
Ceux qui écouteront les intervenants qui ont apporté leur contribution pourront mesurer le fossé qui existe entre deux familles de pensée qui semblent de moins en moins se comprendre. La première est celle des chefs d'entreprises et des analystes non alignés, la seconde celle des journalistes et des analystes alignés.
Bien que cette table ronde se soit tenue il y a presque quatre mois, en janvier 2015, il est intéressant de la revoir dans le contexte actuel d'avril 2015.
Le Figaro a affirmé, par la voix de son irremplaçable « spécialiste » de la Russie Pierre Avril, que le président russe n'avait aucune réponse à la crise pendant que l'Etat russe en était réduit à brûler « en vain » ses réserves de changes.
Pour Benoit Rayski, Vladimir Poutine était contraint de montrer ses « tout petits muscles » et sa politique « basée sur le mensonge et la contradiction » traduisait le fait qu'il vivait dans un autre monde, tandis que pour Thomas Gomart, le président Poutine était simplement un leader en train de « vriller » (à 38':45 dans le colloque) et en pleine fuite en avant.
Nous sommes dans la deuxième quinzaine du mois d'avril 2015, et il est facile de constater que rien ne s'est passé comme nos commentateurs et spécialistes occidentaux et français le prévoyaient en janvier.
Les experts omniprésents tant dans la sphère médiatique que dans divers instituts n'ont finalement rien produit de réaliste à propos de l'évolution de la situation en Russie, et ils n'ont pas beaucoup éclairé la lanterne des décideurs politiques français, c'est le moins qu'on puisse dire.
Non, le pétrole ne s'est pas effondré à 20 dollars puisque le baril frôle les 65 dollars.
Non, les réserves de change russes ne se sont pas effondrées et se montent à près de 380 milliards de dollars.
Non, le rouble ne s'est pas effondré malgré la chute du baril, puisqu'il est revenu à son niveau de mi-octobre 2014. Le cours de la devise russe n'est d'ailleurs plus corrélé au cours du brut, puisque le rouble s'est envolé alors que le baril était lui à peu près stable.
La totale incapacité de la majorité des analystes et journalistes français à percevoir et à comprendre les réalités russes ne s'explique d'aucune façon rationnelle. Souvent, ils nient les évidences, comme aveuglés par une folie idéologique et dogmatique.
A leur grand dam sans doute, l'économie russe s'est montrée plus solide et stable que tous les pronostics ne pouvaient l'envisager, et il leur est maintenant difficile de dissimuler que le chômage en Russie est tombé à son plus bas historique.
De toute évidence, Vladimir Poutine ne vit pas du tout dans un « autre monde » et n'est aucunement en train de « vriller ». Il ne semble vraiment pas à bout d'arguments, et ne devrait vraisemblablement pas quitter son poste.
Au contraire, tout indique qu'il continuera à mener la politique qui est la sienne depuis mars 2000.
Comment auparavant, l'objectif est de refaire de la Russie une puissance souveraine en se servant sans doute davantage, à l'avenir, des relais de croissances asiatiques.
Au lieu de nous inquiéter pour la gouvernance russe, il conviendrait plutôt de nous demander pourquoi nos élites journalistiques et politiques, en France et en occident, sabordent le navire commun sur lequel nous nous trouvons.
Et l'on se prend à rêver de l'arrivée d'une génération de conseillers consciencieux et lucides, des conseillers dont l'Etat français manque cruellement en ce moment.
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