Ces discours ne sont repris par aucun des observateurs sérieux de la politique de défense russe, spécialistes américains de référence compris. Tous sont conscients que l'effort accompli par la Russie en matière de réarmement est proportionnel aux vingt années d'abandon dont ont été victimes ses forces armées, entre, grosso modo, 1989 et 2008.
Mais est-il pertinent de lancer un nouveau programme de bombardier stratégique furtif, le PAK-DA, en riposte au projet de Long Range Strike Bomber américain, alors que les coûts d'un avion « stealth », les programmes B-2, F-35 et F-22 en attestent, sont prohibitifs non seulement du point de vue de la recherche et développement, de l'acquisition, mais aussi du maintien en condition opérationnel? Destinés à servir dans le cadre d'un conflit de très haute intensité, donc contre des Etats disposant de radars permettant de détecter des appareils furtifs, quelle est de surcroît la plus-value opérationnelle de telles plateformes?
De même le programme, dévoilé il y a quinze jours, d'un nouvel avion de transport stratégique, le PAK-TA, qui serait développé par Ilyouchine, est-il le mieux adapté? Le projet, révolutionnaire pour un avion de ce type, est très ambitieux. Mais les hautes technologies et les performances extrêmes sont-elles nécessaires sur ce segment? Toutes les armées ont toujours misé sur des avions simples et rustiques pour le transport de fret lourd à longue distance. A l'heure où la Russie, compte tenu de la rupture avec l'Ukraine doit, sauf miracle, faire son deuil d'une relance du programme Antonov-124 et de la poursuite de projet Antonov-70, il serait sans doute préférable de développer des appareils à la configuration classique.
Et ce ne sont que quelques aspects des possibles réajustements du programme de modernisation russe. En bien des domaines, dissuasion nucléaire, aéronautique, spatial, construction navale, armement terrestre, une meilleure maîtrise des dépenses s'impose, impliquant des choix cruciaux, d'autant plus cruciaux que leurs impacts diplomatiques seront majeurs.
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2 Le gros porteur C-5 Galaxy américain entré en service en 1969 devrait quitter le service actif en 2040 alors que l'Antonov-124 n'est opérationnel que depuis 1986.