Quelques semaines avant le 75 e anniversaire du déclenchement de la Seconde guerre mondiale, qui s'est tenu début septembre 2014, la commissaire européenne Martine Reicherts a déclaré que la guerre avait été déclenchée par la Russie. Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié ses propos de "blasphème perfide qui anéantit la frontière entre le bien et le mal, insulte la mémoire des 27 millions de citoyens soviétiques qui ont sacrifié leur vie pour sauver le monde de la "peste brune".
Les objectifs de la "politique historique" des États-Unis
En révélant les causes de ce phénomène, Oleg Chichkine a remarqué à juste titre: "Il faut être très naïf pour supposer que les politiciens, les politologues et les journalistes en tout genre ont été happés soudainement par l'histoire et sont tellement préoccupés par le triomphe de la justice historique qu'ils "ne peuvent plus dormir ni manger". Il ne s'agit pas de recherche historique mais de "politique historique". La relecture de l'histoire de la Seconde guerre mondiale n'est donc pas un problème historique mais politique, et plus précisément géopolitique… La réécriture de l'histoire de la Seconde guerre mondiale est l'un des instruments de la construction d'un monde unipolaire et de l'établissement d'un nouvel ordre mondial — un projet qui représente les intérêts stratégiques des grandes puissances occidentales. Donc, l'enjeu de ce "jeu historique" n'est ni l'argent ni les morceaux de territoire, mais l'avenir de la Russie en tant qu'État souverain et centre indépendant de la civilisation et de la politique. D'ailleurs, en cas de succès, l'argent et les territoires nous seront, bien sûr, enlevés".
Le système de Yalta-Potsdam de relations internationales est le résultat de la Seconde guerre mondiale. En 1945, personne, y compris les États-Unis et la Grande Bretagne, ne contestait le rôle décisif de l'Union soviétique dans la défaite de l'Allemagne nazie et ses satellites. Étant l'un des créateurs du système de Yalta-Potsdam, l'URSS est devenue non seulement membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, mais aussi l'adversaire principal des États-Unis dans le monde. Et elle l'est restée jusqu'à son effondrement.
Au début des années 1990, débarrassé de son concurrent, Washington a mis le cap sur la construction d'un monde unipolaire. Sur ce chemin, la Russie restait un obstacle, bien qu'assez faible. Pour changer le statut de notre État sur l'échiquier mondial a été lancée une campagne de réécriture de l'histoire de la Seconde guerre mondiale. À l'Ouest, les vainqueurs du fascisme sont représentés comme des agresseurs et déclencheurs de la guerre. L'histoire de la Seconde guerre mondiale est enseignée de telle sorte qu'il n'est pas surprenant que les écoliers américains et européens ne sachent pas qui a lutté contre qui en 1939 — 1945. Par contre, ils savent très bien que c'est l'Occident, et pas quelqu'un d'autre, qui a sauvé le monde du fascisme!
La "politique historique" des pays de l'Europe de l'Est
Les dirigeants de l'Otan utilisent à leurs propres fins l'élan de prétendue loyauté de ses nouveaux membres. De temps en temps, l'attitude dédaigneuse envers les États d'Europe de l'Est se fait tout de même sentir. En mai 2014, un scandale a été provoqué en Lettonie par le comportement des marins des pays de l'Otan à Ventspils. Voici ce que le maire de la ville Aivars Lembergs avait écrit au Secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen: "Les marins de l'Otan se comportent à Ventspils comme des cochons, en ignorant les lois lettoniennes et les règles obligatoires d'autogestion de Ventspils. En état d'ivresse, ils ont uriné dans les lieux publics et sur les vitrines, ils ont vomi et ont bu de l'alcool dans les lieux publics, ce qui est interdit chez nous. Ils ont également arraché des fleurs de parterres pour les donner à des prostituées. Ils se sont comportés comme des occupants qui ne reconnaissent pas la souveraineté de la Lettonie et ses lois".
Un aveu, dans un moment de colère, coûte cher. Les hommes politiques européens, surtout de la soi-disant "Nouvelle" Europe, sont rarement francs. Il n'y a qu'une chose qui n'est pas claire: de quelle souveraineté le maire de Ventspils parlait-il? Dans les années de la "perestroïka" de Gorbatchev, le slogan de la lutte pour l'indépendance était largement utilisé par les politiciens baltes qui se sont lancés dans la lutte pour le pouvoir et le partage des biens créés pendant l'époque soviétique. Ayant obtenu leur indépendance, ils se sont immédiatement précipité dans les bras pas très accueillants de l'UE et des États-Unis. Et maintenant, ils sont surpris que les atlantistes se comportent en occupants. Mais celui à qui on a coupé la tête ne pleure plus pour ses cheveux…
Et ils utilisent tout ce qui leur tombe sous la main. Il y a cinq ans, le président ukrainien de l'époque, Viktor Iouchtchenko, a célébré le 350e anniversaire de la bataille de Konotopa — qui est loin de figurer parmi les plus importantes de la guerre russo-polonaise de 1654-1667. En septembre 2015, les dirigeants de la Lituanie se préparent à célébrer en grande pompe le 500e anniversaire de la bataille d'Orcha, lors de laquelle les forces combinées du Grand-duché de Lituanie et du Royaume de Pologne ont défait les troupes des voïvodes Ivan Tcheliadnine et Mikhaïl Boulgakov-Golitsa. Peu importe que la campagne de Smolensk qui a suivi cet événement ait été un grand échec pour les Polonais et les Lituaniens, et que la guerre russo-lituanienne ait encore duré pendant huit ans. La bataille d'Orcha a été gagnée — et faute de grives, on mange des merles.
Les historiens ukrainiens et baltes vont, sans aucun doute, continuer de chercher des événements historiques où leurs peuples ont confronté les Russes les armes à la main. Une autre tâche importante se dresse devant eux: "blanchir" les collaborateurs qui se sont mis au service des nazis et ont prêté serment de fidélité au führer du Troisième Reich, Adolf Hitler. L'attention touchante que les autorités ukrainiennes affichent depuis les années 1990 envers les combattants de l'Organisation des nationalistes ukrainiens, de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne et de la "Division SS Galicie", n'est pas accidentelle. Celle des autorités estoniennes envers les vétérans de la 20e division SS de grenadiers et celle de leurs collègues lettons envers les combattants âgées des 15e et 19e divisions SS de grenadiers est également compréhensible. Ils étaient tous "patriotes de leur pays" et luttaient contre les "occupants soviétiques". Pas besoin de mentionner le fait que les punisseurs ukrainiens et baltes anéantissaient la population civile sur le territoire de la Russie, de la Biélorussie et de la Pologne…
"L'initiative venait de l'Occident"
En réalité, il s'agissait de savoir contre qui Hitler allait se battre après la défaite de la Pologne. La signature du pacte de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique a tranché la question en notre faveur: la Wehrmacht s'est tournée vers l'Ouest, et l'URSS a obtenu le temps de se préparer pour une bataille décisive contre l'Allemagne, tout en se débarrassant du danger de la guerre sur deux fronts — le conflit armé de Khalkhin Gol contre le Japon militariste continuait encore.
Dans une interview que j'ai donnée avec Alexandre Zinoviev au journal Literatournaïa gazeta il y a dix ans, il a dit:
"La Seconde guerre mondiale a été socialement hétérogène. Elle contenait en soi à la fois deux types de guerre: une pour le repartage du monde et une autre sur le plan social, entre le communisme et le capitalisme. Au fond, la guerre de l'Allemagne nazie contre l'URSS a été une tentative des pays de l'Ouest d'écraser la communauté communiste en Union soviétique. La guerre sociale constitue la partie principale et fondamentale de la Seconde guerre mondiale. Enfin, ce n'était pas une guerre de partenaires également responsables de son déclenchement. L'initiative venait de l'Occident".
Oleg Nazarov, docteur en histoire, membre du Club Zinoviev de Rossiya Segodnya