Une brigade franco-allemande campant dans la région de la Rhénanie est assez chère à entretenir avec tous les fonds pompés du budget difficilement rempli avec l’obole du contribuable. Et voilà que M. Juncker monte sur ses grands chevaux pour nous proposer de nous organiser face à une menace que l’on croit être partie de l’Est du continent. Si on lui rend raison, nous n’aurions qu’à supposer que les chars d’assaut russes veulent foncer jusqu’à Paris et qu’il n’y a que la soi-disant armée de Jean-Claude Juncker capable de lui faire passe et arrêter cette armada. Une telle image apocalyptique vient de l’époque où les films de type « A la poursuite de « L’Octobre rouge » étaient de mise. Il se peut que la crise d’âge moyen oblige M. Juncker à revenir dans son esprit à l’époque de sa prime jeunesse, mais la logique reste cependant de mise. Ainsi donc on tient à s’enquérir: quid donc de la présence otanienne sur les terres européennes? Ne suffirait-elle pas, à elle seule, dissuasion nucléaire oblige, à contrer toute avancée des méchants de l’Est? Mais non, on nous serine des jérémiades sur la nécessité de se doter des forces locales. Chose bizarre, mais cette fois-ci, même Washington le regarde de travers. Ils ne semblent pas comprendre à quoi rime cette rébellion dans les rangs?
En fait, si l’on décortiquait le contexte, on pourrait en extraire des choses autrement plus intéressantes, à savoir: la brigade franco-allemande est en fait l’embryon d’une tentative avortée de la création d’une force souveraine en Europe. Il y a cinquante ans, les Européens rêvaient d’avoir une Europe rien qu’à «eux, c’est-à-dire sans Américains qui, à la fin de la guerre se gaussaient même du droit français à l’autodétermination. A ne citer que la déclaration de Roosevelt sur la non-représentativité du Comité Français de Libération Nationale en exergue de cette idée. En revanche, Staline appuyait la création d’une France libre et souveraine. Les Outre-Atlantistes, eux, voulaient coûte que coûte que la France soit considérée comme un pays occupé et désormais sous la houlette des Américains et Britanniques qui, à l’époque, agissaient de concert.
Compte tenu de cet état d’esprit lors de la Seconde Guerre mondiale (la déclaration sur le statut de la France a été faite le 26 août 1943), il n’est pas étonnant que De Gaulle ait prémédité une force européenne autonome. En 1943, les gens de Washington y furent parfaitement réticents. Et ils le sont toujours aujourd’hui. En fait le désir des Occidentaux à inféoder l’Europe de l’Est pour la dresser contre la Russie est vieux comme le monde. Mais il est notoire que même l’ambassadeur des Etats-Unis en URSS Averell Harriman le reconnaissait. Il eut avoué à la presse américaine que « le gouvernement polonais compte sur les Américains et les Britanniques. (…) Ils croient que l’avenir de la Pologne rime à la guerre qui serait menée par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pour la défense d’un modèle polonais cher au cœur de ce gouvernement. » Ces paroles furent émises en 1943. Quelques 72 ans plus tard, nous avons affaire à la même logique cannibale et insensée de la part des Polonais et des Ukrainiens, désireux d’entraîner la planète dans une crise mondiale sans précédent juste pour une querelle de jachères.
Mais on ne va tout de même pas supposer que si Harriman le comprenait, l’administration américaine d’aujourd’hui ne le comprend pas! Et donc si tout le monde est sûr que la guerre de Troie n’aura pas lieu, pourquoi alors Juncker insiste-t-il tant à créer une force militaire en vue d’endiguer une mythique Armée Rouge? A notre sens, il le fait juste pour mettre un rideau de fumée cachant ses vrais mobiles. Or selon notre analyse, le véritable objectif serait de s’émanciper de l’influence américaine et libérer l’Allemagne du joug historique d’une ancienne puissance vaincue.
Ce besoin rime bien à l’éloignement progressif d’Angela Merkel du bercail américain. Ainsi donc les Européens, tout en évoquant, comme prétexte, le danger russe, essaieraient à redevenir maîtres de leur propre destin en boutant en douceur les Américains dehors.
Je suis au regret de constater et ce, à mon corps défendant, que cette logique ne tiendra pas. Déjà en 1991, Herald Tribune avait publié à la une un article intitulé « 10 raisons pour lesquels les Américains ne s’en iront jamais de l’Europe ». Et personne n’y a encore répondu. Alors on peut toujours rêver puisque ça ne mange pas de pain! En attendant les militaires occidentaux procèdent à l’organisation des nouveaux centres de commandement de l’OTAN le long de la frontière russe. La drôle de guerre en catimini contre la Russie continue.
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