L'armée européenne est, à coup sûr, une idée qui embarque beaucoup de gens. Plus on y réfléchit, plus on se souvient des grandes heures et du faste napoléonien. Mais on ne peut être enceint à moitié. Si vous voulez une grande armée telle que préméditée par Jean-Claude Juncker autant vous souvenir de Napoléon qui se promenant à cheval après l'une de ses batailles et en observant les cadavres des soldats français a émis, pensif: «Ca ne fait rien: une nuit de Paris me refera tout ça!» Alors êtes-vous prêts à en assumer le prix avec les vies de vos proches? Il se peut, bien sûr, que l'idée de M. Juncker serait plutôt synonymique de la dissuasion, un peu comme les porte-avions qui montrent leur pavillon aux 4 coins du monde sans vraiment se mêler de la bagarre. Nous serions vraiment heureux si cela était le cas. Pourtant la tactique des ébouillantés, les petits-cousins est-européens, Baltes et Polonais, tous des va-t-en guerre, m'oblige à prendre très au sérieux la menace d'un engagement européen aux confins du Caucase ou dans les steppes de l'Ukraine. Après tout la France s'y est déjà trouvée à plusieurs reprises au XIX et début XXième.
Aymeric Chauprade, eurodéputé, FN et ancien professeur de l'IHEDN a éclairé notre lanterne sur cette question épineuse.
Aymeric Chauprade. Je crois que par la voix de M. Juncker on a fait ressusciter le vieux projet de CED c'est-à-dire la Communauté Européenne de Défense. Mais il faut regarder l'agenda! Malheureusement, il s'agit d'un agenda antirusse pour les institutions européennes. Ils sont engagés dans une politique folle de séparation et de fracture avec la Russie à propos de l'Ukraine, etc. sous la poussée des Etats-Unis. Et ça revêt un sens que M. Juncker parle de ce projet maintenant: il veut mobiliser en fait les pays européens autour de ce projet d'armée européenne qui sera une composante de l'Axe Transatlantique dirigé par les Etats-Unis. Et c'est dans un contexte aussi de la diplomatie nationale: française ou allemande pour obtenir avec les accords de Minsk un compromis! Et on sent bien ici, au Parlement Européen et à travers les institutions européennes, que les euro-atlantistes sont nombreux et qu'ils ont la volonté de contourner la France, l'Allemagne et d'autres pays qui cherchent l'apaisement. Ils veulent entreprendre cette manœuvre sous couvert de l'élargissement et d'accélération d'intégration européenne.
RS. Mais est-ce que ça cadre avec la politique d'austérité appliquée au budget européen? Les Européens ont-ils vraiment les moyens de construire cette armée?
RS. Mais sur ce point, les vieux pays européens ne se font-ils pas un peu brusquer par les nouveaux arrivés à l'Hémicycle, à savoir la Pologne, les pays Baltes, etc.?
Aymeric Chauprade. Mais absolument! A la tête du Conseil Européen vous avez M. Donald Tusk, un Polonais, qui comprend que cette institution, la plus respectueuse de la souveraineté qui est le Conseil Européen, à la différence du Parlement Européen ou, bien évidemment, la Commission Européenne, lui, il voit bien que les pays comme la France ou l'Allemagne, ne sont pas dans cette logique d'accroissement de tension avec la Russie. Et donc il y a une sorte de collusion qui s'est établie entre la Commission Européenne, M. Juncker, Donald Tusk qui est à la tête du Conseil Européen, et tout un lobby de parlementaires européens atlantistes que je subis presque quotidiennement au Parlement Européen et qui cherchent en fait les motifs de querelle avec la Russie.
RS. Vous êtes intervenu tout dernièrement sur le problème du Kosovo, disparu de la une des journaux…