Carnaval de Nice: rira bien qui rira politiquement correct

© REUTERS / Eric Gaillard A worker puts the final touches on giant figures of French President Francois Hollande (L) and his former companion Valerie Trierweiler during preparations for the carnival parade in Nice February 5, 2015
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« Le Carnaval de Nice fait partie de l’ADN de Nice » - c’est la première phrase de toute présentation du Carnaval, et c’est tout à fait vrai. Impossible d’imaginer la cessation d’une tradition moyenâgeuse de cette ville méditerranéenne.

La fête ne s'arrête pas. D'ailleurs: du 13 février au 1 mars la musique est roi, le thème choisi pour cette année est « Roi de la Musique » Pourtant, le cœur n'y est pas toujours. Les attaques terroristes à Paris du début de l'année ont remis sur le devant de la scène une question (visiblement, sans reponse): peut-on rire de tout? Cette question a provoqué une vive polémique non seulement dans la presse, mais dans toute la société.

On dit que « le Carnaval de Nice, l'un des plus importants du monde par le nombre de grosses têtes, sujets et chars en carton-pâte, et repose complètement sur la participation des caravaniers. » Comment choisi-t-on les sujets pour les grosses têtes? Dans quelle mesure l'actualité influence ce choix?

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La magie des carnavals italiens
« Les « grosses têtes » et les chars qui constituent la parade des caravanes, sont construit sur un thème que choisit le Maire de la ville, — nous confie Denis Zanon, Directeur Général de l'Office du Tourisme et des Congrès de Nice, — Le thème est choisi d'une manière à être compris par toutes les générations et toutes les nationalités. Cette année, le thème de la musique doit également nous permettre de construire les chars et les « grosses têtes » Des illustrateurs de presse nous font des dessins sur leur perception du thème. En général, c'est eux qui commencent à mettre en scène des personnalités ou des hommes politiques dans les situations cocasses. Cette année, on a beaucoup d'orchestres avec des membres du gouvernement. »

Le Carnaval joue bien le rôle de la « soupape sociale » Depuis les siècles, il y a eu un jour dans l'année où le peuple pouvait se moquer des puissants et des gouvernements. Aujourd'hui cette tradition est devenue la marque de fabrique du Carnaval de Nice. Nulle part ailleurs il n'y a autant de politiques, de personnalités, de stars du cinéma sur les chars. Comme les créateurs et les ateliers travaillent quasiment un an à l'avance, l'influence de l'actualité est relative, mais l'actualité générale, la situation géopolitique du monde est mise en avant. Pourtant, on a déjà vu dans les années passées Vladimir Poutine, Barack Obama ou encore Angela Merkel. Faut-il s'attendre cette année à voir d'autres personnages « stars de l'actu »?

« Cette année on a un panel extrêmement large de politiques et de personnalités. — précise Denis Zanon, — Ca va de Vladimir Poutine à Angela Merkel, en passant par Pavarotti, Bob Marley… Bachar el-Assad, Kim Jong-un, Hamid Karzai… tout le gouvernement français: François Hollande et pas mal de ses ministres. Ils sont tous sur les chars et font objet de la présentation carnavalesque. Ils sont assez drôles. »

La France a le sens de l'humour. C'est vrai que tout le long de l'année il y a des émissions satiriques, les journaux français se moquent gentiment des hommes politiques… Leur réaction en retour est variable. On ne la connaît pas toujours. Mais là, au Carnaval de Nice la dimension change: on retrouve des caricatures en 3D sur les chars de 15 mètres de haut. Et c'est là que se pose la question principale: peut-on « rire de tout »? Les journalistes du Journal « Charli Hebdo » ont payé par leur vie ce droit… Qu'est ce qui est plus important dans un spectacle tel que le Carnaval de Nice: pouvoir amuser? Désacraliser les personnes importantes en montrant leur côté humain? Présenter la satire politique? Y-a-t-il des thèmes tabou?

« La satire politique est très présente, parce que c'est le sens même du Carnaval depuis toujours, — nous dit Denis Zanon, — On peut rire de tout. Mais, au Carnaval, on a une réserve, ça reste un évènement populaire: il faut que ça soit accessible pour tout le monde, cela se passe dans les rues de la ville… On fait de la satire politique avec une limite sur la décence à tous les niveaux. Il n'y a pas d'excès. On ne va pas aussi loin que puisse aller un journal satirique dont c'est le rôle. On ne va pas aussi loin que certains journaux comme « Hara-Kiri », « Charli Hebdo » ou « Le Canard enchaine » dont c'est la fonction et dont c'est la patte. Notre carnaval reste une satire gentille, ça reste un grand spectacle pour le grand public. »

Et il termine sur un fond de retenue: « On peut rire de tout. Peut-être, pas avec n'importe qui… » L'attaque terroriste du 7 janvier a fait perdre un Ami au Carnaval de Nice. On rend cette année un hommage appuie à Tignous qui a disparu dans la tragédie de « Charlie Hebdo ». Un dessinateur qui était très prolixe sur le Carnaval: il a fait neuf dessins dans sa carrière qui étaient transformés en chars. Il a dessiné trois fois l'affiche du Carnaval de Nice. »

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Le Carnaval se veut populaire, accessible pour tout le monde, profondément ancré dans la tradition. Effectivement, dans le temps, en France, les premiers mystères se déroulaient sur le parvis de l'église en alternance avec les présentations plus populaires, plus satiriques, plus osées… Les temps ont évolués, mais le rire reste une arme. On peut être d'accord avec Monsieur le Directeur Denis Zanon: « On peut rire de tout. Peut-être, pas avec n'importe qui… » On peut transformer la maxime populaire « Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera » en « rira bien qui rira politiquement correct ».

Mais je pense que surtout rira bien qui rira de BON cœur. La méchanceté ne porte pas un bon conseil, le venin empoisonne une bonne blague, la noirceur rend une plaisanterie indigne.

En fin de compte, la satire sans le cœur n'est qu'un exercice de l'intellect froid et blessant. Celui qui n'aime personne, ne peut pas faire rire. 

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