Un sommet officieux de l'UE se tiendra à Bruxelles le 12 février. Attendez-vous des décisions importantes de cette réunion? Quel est l'impact de la crise ukrainienne sur la politique étrangère de l'UE par rapport à ses voisins de l'est?
La politique de l'UE vis-à-vis de ses voisins de l'est suit la même ligne que partout: elle reflète avant tout les intérêts des grands pays membres et des principales compagnies européennes. Leur but consiste à sortir sur les marchés de l'est, obtenir des matières premières et profiter d'une main d'œuvre compétente. Globalement c'est tout, et je ne m'attends à aucun changement. Les voisins de l'est doivent payer pour maintenir le niveau de vie de la population vieillissante des grands pays.
En ce début d'année 2015, l'UE est confrontée à une crise grandissante à ses frontières méridionales et à une stagnation au nord. Les producteurs européens sont satisfaits par la baisse de valeur de la monnaie commune, qui simplifie l'exportation de leurs marchandises. Cependant, le risque de déflation nuance cet enthousiasme.
Quelles questions primordiales l'UE doit-elle régler pour retrouver le chemin de la croissance, même minimale?
La Commission européenne a désespérément tenté de promouvoir l'initiative fondamentale de Jean-Claude Juncker — un plan d'investissement de 315 milliards d'euros pour relancer l'économie européenne. Pour l'instant, les résultats sont dérisoires. Si on ne règle pas la crise de la zone euro, qui se manifeste surtout dans le sud, la stabilité économique est presque impossible.
L'économie est-elle le seul problème de l'Europe? Ou l'ensemble du modèle d'intégration a-t-il besoin d'être remanié?
Ces dernières années ont été marquées par la crise économique. Bruxelles a étendu ses pouvoirs en réduisant la souveraineté des pays membres de l'UE. La centralisation profite aux grands États constituant le noyau de l'Union et aux grandes compagnies européennes, qui assassinent méthodiquement la périphérie européenne. Pour survivre, cette dernière a besoin d'outils pour protéger ses intérêts, et un supplément de démocratie ne ferait pas de mal à l'UE.
Le modèle d'intégration actuel se modernise pour satisfaire les intérêts des grandes entreprises. En commentant le programme de la Commission européenne, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES) Bernadette Ségol a souligné "qu'aucune proposition ne visait à protéger les travailleurs, les consommateurs ou l'environnement".
C'est l'une des raisons de la hausse de popularité des eurosceptiques, y compris au Parlement européen. Ils affirment que l'UE est incapable de fonctionner efficacement et doit être dissoute. Êtes-vous de cet avis?
Les eurosceptiques, aussi bien de gauche que de droite, ainsi que les partis qui s'opposent à l'immigration, deviennent plus populaires et gagnent le soutien des électeurs à travers l'Europe. Leur succès reflète la position de ceux qui souhaitent des décisions efficaces et des leaders capables d'apporter un véritable changement. La centralisation actuelle de l'UE renforce l'attraction de la population pour la décentralisation et la démocratie. L'UE contemporaine, sous sa forme centralisée, est effectivement incapable de fonctionner efficacement: elle doit changer ou disparaître.
Les sondages en Lettonie indiquent que plus de 70% des Lettons considèrent n'avoir obtenu aucun des profits promis avant l'adhésion à l'UE. La plupart des habitants du pays n'avaient pas soutenu l'adhésion à la zone euro. Par conséquent, nous assistons aujourd'hui à une profonde désillusion mêlée à un sentiment d'apathie. De moins en moins de gens votent aux législatives européennes. Depuis l'adhésion à l'UE, en dix ans, près de 20% de la population a quitté la Lettonie. Et ces tendances négatives ne se renversent pas pour l'instant.
Après 2020, on pourrait cesser d'injecter des fonds européens dans l'économie de nouveaux pays membres de l'UE d'Europe centrale et orientale. Ne pensez-vous pas que cela provoquera de sérieux problèmes?
La Lettonie, un pays de moins de 2 millions d'habitants, paie environ 1 million d'euros par jour pour servir ses dettes européennes. Si elle devait allouer des fonds pour le budget de l'UE, le pays se ruinerait rapidement. De toute façon, elle ne pourra pas éviter la faillite et toute la périphérie européenne connaîtra sans doute le scénario grec. La question est de savoir quand. Personne dans ce pays ne croit que la génération actuelle, qui travaille, touchera encore des retraites.
Que pensez-vous de l'avenir des relations entre l'Europe et la Russie?
L'an dernier, les relations entre l'UE et la Russie, notamment avec les pays baltes, ont évolué conformément aux tendances négatives dans les relations USA-Russie. Il est fort probable que cette tendance se maintienne en 2015. L'économie de l'UE, et surtout des pays baltes, devra en payer le prix fort.
Spécialement pour le Centre international de journalisme et de recherches