La Syrie de 2013 n'est pas la seule à venir à l'esprit. La situation actuelle apparaît comme un scénario kosovar inversé. Si en 1998-1999, Bill Clinton et Tony Blair ont rejeté la « lutte antiterroriste » menée par les autorités yougoslaves et ont pris le parti des rebelles de l'armée de libération du Kosovo, en 2014, Barack Obama a choisi de soutenir Kiev et de condamner « les séparatistes prorusses ». Même le prétexte des bombardements aurait pu être le même — les bilans falsifiés. Mais à quel type de triomphe faut-il s'attendre? Visiblement, l'Europe ne connaît que le revers de la médaille: le Kosovo est une plaque tournante du trafic de drogue et de banditisme avec 45% des chômeurs qu'elle doit nourrir. L'Union européenne, est-elle intéressée aujourd'hui à avoir encore un trou noir en Ukraine? N'oublions pas que l'ordre du jour européen est déjà assez chargé: économie, Grèce, Etat islamique.
Si les Etats-Unis ne pensent ni aux victimes ni à l'ampleur des souffrances humaines, quelle est la raison d'une attitude aussi ambivalente quant aux opérations antiterroristes? La réponse est claire: c'est le pragmatisme pur en vue d'une hégémonie mondiale économique et militaire. Prenons un exemple. La « faute » de la Yougoslavie était d'avoir gardé une économie socialiste avec un taux de propriété publique élevé dix ans après la chute du mur de Berlin. En d'autres termes, Milochevitch gouvernait un pays économiquement et militairement indépendant qui ne voulait pas adhérer à l'Union européenne ni à l'OTAN.
En Ukraine, les USA ont renversé le gouvernement « conservateur » et « prorusse » d'Ianoukovitch (Barack Obama l'a reconnu officiellement) et ont misé sur l'oligarque Piotr Porochenko. Sa mission, en tant que marionnette de Wall-Street, était d'adhérer à l'Union européenne, à l'OTAN et au Fond monétaire international, en d'autres termes, faire de l'Ukraine une colonie occidentale aux portes de la Russie.
Dans ce contexte, la récente visite de François Hollande et d'Angela Merkel à Kiev, puis à Moscou peut être traitée comme un petit pas vers l'indépendance vis-à-vis des Etats-Unis, d'une part, et vers un rapprochement avec la Russie, d'autre part. « La paix en Ukraine réside dans le renforcement des relations entre la Russie et l'Europe Occidentale, de même que la refondation de l'unité européenne », conclut notre expert Grégor Puppink.