L’ancien Chef du Quai d’Orsay se prononce sur les relations franco-russes

© AFP 2023 JOHN MACDOUGALLL’ancien ministre des Affaires Étrangères de France Hubert Vedrine
L’ancien ministre des Affaires Étrangères de France Hubert Vedrine - Sputnik Afrique
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Hubert Vedrine n’est pas à présenter au tout – Paris. Depuis qu’il fut ministre au Quai d’Orsay, on écoute toujours avec beaucoup d’attention tout ce qui provient de l’un des maîtres penseurs du Parti Socialiste.

Il est de ceux qui forgent la destinée de la France, toujours en quête des solutions appropriées dans un monde à géométrie variable. Et la France ne semble pas vouloir tenir compte des dernières déclarations d'une Victoria Nuland, selon laquelle il faudrait bien tracer une ligne de front qui passerait par l'Ukraine. Cette valkyrie a même appelé à créer des têtes de pont pour les troupes otaniennes pour qu'elles puissent endiguer « le danger russe ».

Hubert Vedrine. Je ne crois pas que l'on puisse parler de guerre froide. Le terme est exagéré. Il faut se rappeler que pendant la guerre froide il y avait vraiment une menace réciproque nucléaire fondée sur la dissuasion. Cela empêchait que la guerre froide devienne chaude! Mais c'était quand même un antagonisme très fort entre deux systèmes globaux qui prétendaient avoir chacun une solution pour l'ensemble du monde, avec une compétition très forte en même temps: troisième monde, deuxième monde… On n'est pas du tout dans cette situation! C'est un affrontement plus classique, tout à fait regrettable et embêtant en fait! Il porte conjoncturellement sur le statut, la situation de l'Ukraine. Et notamment, l'Est de l'Ukraine, et plus globalement sur la relation entre la Russie aussi bien que la dimension orientale et européenne. Pour moi, c'est plutôt le résultat d'une série d'erreurs commises d'une part et d'autre, depuis une vingtaine d'années qui nous amène dans une impasse dont il faut sortir! Et je ne crois pas que ce soit un affrontement global et je ne pense pas que les choses vont s'aggraver.

Alors finalement la France n'entend pas suivre à l'aveuglette les conseils du Soviet Suprême d'Amérique se réservant une marge d'initiative qui comprenne l'élaboration d'une politique souveraine à l'Est. Tout d'abord la Russie peut contrebalancer la croissance d'influence allemande sur le continent européen. Elle sert aussi pour écouler les stocks des marchandises. Elle aide également à canaliser les flux d'immigrés ukrainiens, moldaves et géorgiens qui sinon n'auraient qu'à se mettre tous sur le dos de l'Europe.

Un autre contentieux épineux oppose la France à Moscou. Les Mistrals n'ayant plus les vents en poupe, la Russie entend adresser bientôt une mise en demeure à un Paris par trop volage. Voici ce que Hubert Vedrine en pense:

Hubert Vedrine. Non, je ne pense pas que ce soit fini! Je constate que le président Hollande et le président Poutine ont trouvé ensemble une façon de gérer le problème pour que cela ne devienne pas un drame. Donc c'est assez habilement fait. Les choses à mon avis restent ouvertes. Et comme l'a dit Hollande plusieurs fois, pour la France c'est un peu lié à l'évolution de la situation en Ukraine. Donc c'est presqu'impossible dans le contexte politique français de livrer ces bateaux si on n'est pas dans un processus d'amélioration, de solution, notamment sur l'affaire ukrainienne, mais indépendamment de l'affaire des Mistrals, vous verrez bien qu'en Europe tous les responsables croient qu'il faut réagir à ce qu'ils estiment être la provocation russe en Ukraine y compris l'affaire de la Crimée! Mais eux-mêmes considèrent qu'il est absurde de renforcer sans fin la politique des sanctions! Parce que cela nous conduit dans une impasse. Là il y a une indifférence entre les attitudes américaine et européenne. Et on voit plusieurs pays européens importants qui essaient de trouver un compromis, une solution! Ils essaient en tout cas de parler: vous voyez que depuis plusieurs mois, François Hollande fait des efforts dans ce sens. Donc je pense qu'il ne faut pas conclure que tout est bloqué.

Et voici ce que Hubert Vedrine nous a confié sur la non-invitation du Président Poutine au 70ième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz:

Hubert Vedrine. Je ne veux pas entrer dans le détail de la polémique ou de la controverse entre la Pologne et la Russie à ce sujet parce que je n'ai pas tous les éléments pour apprécier et je ne sais pas exactement ce que les parties se sont dites et comment cela s'est passé: je serai prudent là-dessus. En revanche ce que je peux dire à cette occasion, c'est qu'il faut toujours se rappeler que la contribution de l'Union Soviétique à la victoire contre Hitler est fondamentale, absolument fondamentale et que s'il n'y avait pas eu le coup d'arrêt de Stalingrad, on peut penser que l'armée nazie serait restée suffisamment forte pour empêcher le Débarquement et, par conséquent, cela aurait changé complètement la suite de la guerre! En fait, c'est cela qui explique d'ailleurs que pendant la Deuxième Guerre Mondiale, il y avait des accords extrêmement importants entre les Alliés. Roosevelt et Churchill ont fait une alliance avec Staline! Donc il faut rappeler cela parce que, malheureusement, avec le temps qui passe, tout cela est oublié ce qui explique pourquoi la Russie doit être associée à toutes les commémorations importantes! Cela peut concerner le Débarquement, même si cela n'était pas lié directement à l'action russe; la commémoration de Stalingrad naturellement; commémoration de fin de la guerre naturellement et la commémoration de la libération des camps, bien sûr! Il faut faire la part de la vérité historique!

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