Syriza, sifflera-t-il la fin de la récréation ?

Syriza, sifflera-t-il la fin de la récréation ?
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La victoire de la Coalition de la gauche radicale grecque, Syriza, a fortement divisé l’opinion européenne rapprochant en France le Front mélenchoniste du FN dans leur rejet du fonctionnement actuel et de l’UE et de la zone euro.

Début janvier, Der Spiegelnous apprenait qu’une éventuelle victoire d’Alexis Tsipras ne chagrinerait que très peu l’Allemagne. Ce propos irréfléchi – ou provocateur, qui sait – avait depuis été repris par Mme Merkel. Selon la chancelière, la vocation d’Athènes est européenne. Quel que soit le tribu à verser pour asseoir cette europénaité. Quelle que soit la hausse de la mortalité infantile estimée à 43,4% depuis le lancement des programmes d’austérité.

Cette manie de vouloir conserver à tout prix une frontière malsaine, rigide et j’oserais employer ce terme désuet d’impérialiste entre un Nord-créditeurs et un Sud-débiteurs devant sempiternellement se serrer la ceinture perdra un jour l’Allemagne. Peut-être même pas tant une Allemagne regorgeant de main d’oeuvre bon marché et dont l’économie n’est pas prête à trépasser sous le joug d’un euro trop fort qu’une Europe qui va d’abord assister à la désintégration de sa monnaie unique puis, l’un n’allant pas sans l’autre, à celle de son unité. La Grèce étant le berceau de notre civilisation, on ne saurait s’attendre à ce qu’elle obtempère plus longtemps aux désideratas d’une Europe à deux vitesses dans laquelle une poignée d’ethnies élues s’arroge le droit d’imposer aux périphéries un mode de fonctionnement parasitaire.

Parasitaire, il l’est pour le Français ou l’Allemand moyen qui consacre une partie de leurs impôts au salarié grec, portuguais ou croate. Parasitaire, il l’est pour le Grec moyen condamné à subir une fiscalité ruinante pour à peine couvrir les emprunts du gouvernement auprès de la BCE et du FMI. Nous sommes dans un cercle vicieux qui ne cesse de s’élargir. Le fait que la Grèce puisse s’en extraire donne des nuits blanches à Berlin. Face à l’exemplarité effective, la propagande ne peut plus rien.

On nous fait croire depuis des années que l’euro est une fatalité et que l’austérité est une solution efficace. Imaginerait-on une France qui retournerait au franc ? Non, bien entendu, pas au bon vieux franc que nous avons tous connu mais à un nouveau franc qui néanmoins, en tant que franc, sera national ? Beaucoup n’y croient pas. Mais c’est vite oublier que quasiment personne ne croyait à l’éclatement de l’URSS. C’est chose faite depuis 23 ans. L’impossible n’est pas de ce monde. Pourrait-on encore négocier pour sauver l’euro dans des pays comme la Grèce ? L’expérience de 2007 avec l’adoption du traité de Lisbonne au détriment de la volonté des peuples européens a démontré que le temps n’était plus aux négociations. Soit on assume jusqu’au bout le devoir de souveraineté imparti à toute nation, soit on finit exsangue dans les poubelles de l’Histoire. Emmanuel Todd a tout à fait raison lorsqu’il dit que nous nous trouvons « entre deux mondes » et que la Grèce est en passe de faire un choix certes difficile et cependant inéluctable.

Si les oligarchies internationales voulaient réellement tendre à Athènes une planche de salut et non une brindille désséchée, elles auraient très bien pu le faire en appliquant le principe dont avaient usé les USA en 1953 vis-à-vis de la RFA dont la dette fut amputée de 60% et le taux d’intérêt sur la dette restante était compris entre 0% et 5%.Gardons bien à l’esprit que ce rabais spectaculaire se fit entre autres aux dépens des pays agressés et/ou envahis par le III Reich. Quelle étrange solidarité, en vérité. Est-ce en vertu du même sentiment de compassion que l’on relança la Banque centrale allemande en l’autorisant à faire des prêts aux autorités de la RFA ? C’est bien probable. Vous me direz que c’est bien normal, qu’il ne fallait surtout pas répéter le drame du Traité de Versailles qui fut vécu par Berlin comme une monstrueuse humiliation. D’accord. Mais pourquoi donc, au nom de la survie de la Grèce, au nom de ce sentiment de solidarité entre Etats membres dont nous avait tant de fois parlé la Fondation Robert Schuman, dont avait tant de fois parlé M. Moscovici, pourquoi ne pas accorder des largesses similaires à un pays qui en son temps avait cru aux vertus magiques de l’eurointégration avant de se transformer in fine en colonie financière ? Dans son programme, Alexis Tsipras réclame « un moratoire sur le service de la dette pour changer la Grèce » et non pas la révision de celle-ci au rabais. Oserait-on lui reprocher ce droit si naturel ? Officiellement, Syriza n’envisage pas une sortie de la zone euro mais un minimum de réalisme indique plutôt le contraire : la tentaculaire troïka FMI-BCE-Commission à Athènes ne se résignera jamais à la nationalisation des anciennes entreprises publiques faisant partie des secteurs stratégiques cruciaux de la République pas plus qu’à la réduction de la valeur nominale de la dette. La Russie n’est pas la Grèce et pourtant le programme de redressement lancé après la démission de Eltsine a valu à Poutine les accusations les plus pittoresques. Attention aux provocations de couleur qui ne sont pas à exclure dans un pays en pleine voie d’émancipation.

Il est certain que la Grèce ne pourra pas adopter dans toute son intégralité l’expérience de l’Islande cette dernière ayant su résister en 2008 à la tentation de l’euro. Ceci dit, elle pourrait s’inspirer de son volontarisme sans concession en vertu duquel, primo, les trois principales banques de l’île ont été nationalisées en pleine crise, secundo, un référendum citoyen contre le paiement des banques privées a été lancé avec des résultats qui conduisirent très vite à l’effondrement de la dette. Parviendra-t-elle à rerproduire cette expérience en continuant à négocier dans le cadre de l’euro ? Bien sûr que non. Un référendum sur l’abandon de l’euro sera un remède préventif efficient à toute tentative de déstabilisation, quelle que soit sa provenance et sa nature.

Conclusion provisoire :

- Le réveil grec pourrait être celui de l’Espagne, en décembre, avec son parti souverainiste et anticapitaliste qu’est Podemos. Jamais deux sans trois – cette observation pourrait en engendrer bien d’autres du même type si bien que les promoteurs de l’euro coûte que coûte pourraient y laisser des plumes. Il semble peu probable que la tendance se généralise avant que le galop d’essai athénien ne fasse ses premières preuves. Le laissera-t-on galoper en toute liberté ? Points de suspension pour le moment.

- La démesure ou autant dire l’hybris grec n’est jamais éternel (le). Une fois son point de culmination atteint, on voit venir Némésis, incarnation de la rétribution céleste. Cette Grèce que l’on a fait participer au renforcement de l’entropie au coeur du système financier européen, ne sera-t-elle pas cette Némésis inespérée qui portera un premier coup aux oligarchies mondialistes et donc à la toute-puissance du Capital ?

- Une Europe à deux vitesses est une aberration du même type qu’un monde unipolaire. La multipolarisation du monde se revendiquant d’un processus inconcevable en dehors de la souveraineté des nations, celle-ci devra forcément s’appliquer à leur système financier. L’Histoire étant cyclique, qui sait si la Grèce, berceau de la civilisation européenne, ne sera pas la première à relancer cette civilisation égarée ?

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