Les tentatives des pays européens pour diversifier les livraisons de gaz vers le continent n’ont pas abouti. Nabucco, le « projet phare » gazier européen, a finalement été abandonné. Ce gazoduc, avec une capacité de transport atteignant 32 milliards de mètres cubes de gaz par an, devait assurer les livraisons de gaz d’Azerbaïdjan, d’Irak et du Turkménistan en contournant la Russie. Sa construction était constamment reportée à cause des divergences avec les exportateurs potentiels. C’est pourquoi les délais de lancement du projet furent d’abord reportés à 2018, avant l’abandon du projet en 2014. Son coût est la deuxième raison qui a joué contre Nabucco. Le projet gazier coûtait sur le papier 14 milliards d’euros, une somme difficile à digérer pour certains pays. Nabucco était certes remis sur la table des discussions suite au refroidissement des relations entre l’UE et la Russie, mais les chances qu’il soit ressuscité sont minimes, estime l’analyste en chef de Zerich Capital Management Viktor Markov.
« Le projet Nabucco est difficile à réaliser, car il nécessite la construction d’un gazoduc à travers la mer Caspienne. Sa mise en œuvre nécessite aussi l’obtention de la permission des pays qui bordent la mer Caspienne. La Russie et l’Iran y seront opposés, ce qui diminue les chances de la mise en œuvre de ce projet ».
Les chances de ressusciter Nabucco s’amenuisent également parce que le Turkménistan a établi des liens étroits avec la Chine, et cela est beaucoup plus intéressant pour ce pays de livrer le gaz en RPC que de résoudre des questions administratives sur la direction européenne, selon les analystes. Nabucco a donc cédé sa place au projet de construction d’un gazoduc Transadriatique, qui devrait permettre d’acheminer en Europe le gaz du champ de Shah Deniz en Azerbaïdjan. Cependant, les experts ne savent toujours pas si selon les estimations, le gaz découvert dans cette zone est suffisant pour y construire un gazoduc.
Une autre alternative aux projets gaziers évoqués ci-dessus est un complexe de terminaux méthaniers, activement promu par Washington. Toutefois l’exportation du gaz américain vers les pays de l’UE reste confrontée à toute une série d'obstacles bureaucratiques. Notamment à l’absence d’un contrat sur le libre échange entre les Etats-Unis et l’UE et le fait que Washington est en train de se tourner vers l’Asie pour y proposer les mêmes services.
« Les coûts de production et, surtout, de livraison du gaz des États-Unis vers l'Europe restent élevés », explique Kirill Totchinnikov, analyste en chef du groupe financier BKS. « Ces prix correspondent aux tarifs d’exportation de Gazprom et peuvent même être plus élevés pour les pays d'Europe orientale. Si ce projet pouvait se faire, il serait déjà réalisé à l’heure qu’il est. En outre, il faut créer toute une infrastructure d’exportation et un nombre important de sites industriels, d’usines de fabrication du gaz liquéfié, et des méthaniers pour le transport du gaz, ce qui implique des coûts supplémentaires et nécessite du temps ».
Les experts sont persuadés que l’Europe ne trouvera pas de véritable alternative au gaz russe pendant au moins une vingtaine d’années à venir. En outre, à cause de la baisse des cours sur le gaz, en lien avec la chute du cours du pétrole, les projets gaziers à long terme sont pour l’instant gelés. Quant à l’alternative bon marché aux livraisons de Gazprom, elle n’a jamais existé et il est peu probable qu’elle puisse survenir dans un avenir proche.