Le premier ministre français Manuel Valls a présenté hier une série de mesures anti-terroristes, auxquelles les autorités du pays envisagent d'octroyer 735 millions d'euros, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
Les experts estiment pourtant que ces mesures seront inefficaces si elles se limitent au domaine politique.
Le premier ministre français a présenté à l’Élysée son plan de lutte anti-terroriste, deux semaines après l'attaque de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo. D'après lui, près de 3 000 islamistes représentent un danger potentiel aujourd'hui en France. "Il faut surveiller près de 1300 personnes, Français ou étrangers résidents en France, pour leur implication dans des filières terroristes en Syrie et en Irak. C'est une augmentation de 130% en un an. A cela s'ajoutent 400 à 500 personnes liées à des filières plus anciennes ou d'autres pays, ainsi que les principaux animateurs de la sphère cyber-djihadiste francophone", a-t-il annoncé.
Les mesures du gouvernement prévoient un renforcement des services de sécurité qui assurent le renseignement et la prévention du terrorisme, notamment de la police, du ministère de la Défense, de la douane et des structures visant à combattre la cyber-propagande. Les autorités envisagent également de lancer leur propre site destiné à lutter contre l'islamisation, notamment parmi les jeunes.
Le pouvoir prévoit d'octroyer à ces fins jusqu'à 735 millions d'euros dans les trois années à venir. Ces fonds serviront également à lancer un travail avec les communautés musulmanes partout dans le pays; à octroyer des salaires aux imams qui travaillent dans les prisons françaises; à moderniser l'équipement des policiers, acheter des armes et des gilets pare-balles (les agents de police ont été les premières victimes de l'attaque contre Charlie Hebdo et le magasin HyperCacher à Paris); ou encore lancer des projets d'éducation thématiques.
La police élargira également sa base de données comprenant les individus suspectés ou condamnés pour activité terroriste: ces derniers seront désormais obligés d'informer régulièrement les agents sur leur lieu de résidence, les prévenir de leurs déplacements et sorties à l'étranger. Qui plus est, les autorités envisagent d'adopter d'ici l'été une loi permettant aux services de sécurité d'intercepter des informations transmises via internet.
Au niveau européen, la France suggère de renforcer le contrôle aux frontières de l'espace Schengen et de créer en Europe une base de données de passagers qui arrivent dans l'UE ou le quittent par avion. Cette initiative, bloquée au Parlement européen par le passé, prévoit un accès des services de sécurité aux informations concernant le bagage et les cartes bancaires des voyageurs, aussi bien que leurs adresses électroniques et numéros de téléphone.
"Il s'agit d'un bon geste politique qui correspond aux besoins du pays à court terme, mais les problèmes sont beaucoup plus profonds et s'en tenir à des mesures politiques est donc insuffisant. Les frères Kouachi qui ont attaqué la rédaction du journal, étaient bien intégrés, estime Ronald Hatto, expert à l'Institut de recherches politiques de Sciences Po Paris. Ces mesures n'offrent aucun moyen de lutter contre la radicalisation au sein des familles, alors que le renforcement de la police ou du ministère de la Défense est incapable de prévenir la radicalisation au niveau de la communauté".