Francfort-sur-le-Main, capitale financière de l'Union européenne (UE), réunit jeudi une séance particulièrement importante du conseil d'administration de la Banque centrale européenne: tout le monde attend des décisions susceptibles d'influencer considérablement la situation sur le Vieux continent et le sort de la monnaie européenne, écrit jeudi 22 janvier le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Il s'agirait d'abord d'une réorientation de la BCE vers des achats massifs d'obligations de pays en difficulté, c'est-à-dire vers un assouplissement quantitatif. Cette initiative vise à empêcher la réduction du capital des emprunts. Selon certaines estimations, la BCE est prête à octroyer au moins 550 milliards d'euros à ces fins.
Le plan du chef de la BCE Mario Draghi suscite la controverse. En effet, son prédécesseur Jean-Claude Trichet n'avait recours à ces mesures que dans des cas isolés. Aujourd'hui la BCE veut atteindre plusieurs objectifs: contrer la déflation qui pourrait aggraver davantage la crise; améliorer la situation dans le domaine des investissements pour assurer la croissance et combattre le chômage dans certains pays européens, ainsi que dans toute l'UE en général.
Lundi, lors de sa rencontre avec des entrepreneurs à Paris, le président français François Hollande a souligné que la BCE lancerait bientôt l'acquisition d'obligations d’État, ce qui favoriserait la croissance en France. Le premier ministre italien Matteo Renzi a également soutenu les initiatives de Mario Draghi. "Les actions de la BCE monteront que l'Europe a pris un bon chemin", a-t-il déclaré hier à Davos. La chancelière allemande Angela Merkel ne peut pas contredire facilement de tels partenaires. Mais elle n'a pas été en mesure d'y résister lundi lors d'une réception à la bourse allemande, où était également présent Matteo Renzi: "Il faut éviter un affaiblissement de la pression, à cause des actions de la BCE et au nom de l'amélioration de la compétitivité".
Les cercles économiques en Allemagne sont pourtant plus raisonnables. Ulrich Grillo, chef de l'association de l'industrie allemande, reste sceptique par rapport aux mesures de la BCE mais a souligné hier que l'institution ne pouvait plus renoncer à ce programme. Anshu Jain, président de la Deutsche Bank, a quant à lui annoncé à Davos que l'achat de dettes souveraines et d'autres obligations pourrait favoriser la stabilité en Europe. D'après lui, le marché s'attend à des acquisitions de 750 milliards d'euros, et 1 000 milliards seraient une bonne surprise.
La situation sur les marchés financiers reste pourtant très tendue. La semaine dernière, la Banque nationale suisse (BNS) y a contribué avec sa décision de renoncer au soutien du cours du franc par rapport à l'euro, fixé en 2010. La BNS a dû réagir à la baisse de l'euro par rapport au dollar, c'est-à-dire dépenser des milliards pour soutenir le taux de change du franc. Suite à cette décision le franc a grimpé, l'euro chutant jusqu'à 1,15 dollars, son niveau de 2004. Ce tournant a également choqué ceux qui possédaient des crédits en francs de plus en plus chers. La Deutsche Bank a par exemple perdu 150 millions d'euros, alors que 700 emprunteurs polonais ont subi une véritable attaque de panique.
Les analystes financiers craignent que l'assouplissement quantitatif envisagé par la BCE puisse provoquer une "fuite de capitaux de l'euro sans précédent".