Le dialogue islamo-chrétien – la voie de l’entente interconfessionnelle et de la paix

Le dialogue islamo-chrétien – la voie de l’entente interconfessionnelle et de la paix
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Prenant lundi la parole à une réception à Paris à l’occasion des 70 ans de l’AFP, le président François Hollande a assuré que la France n’avait offensé personne, quand elle défendait ses "idées", évoquant à demi-mot les manifestations à travers le monde contre la publication d'une caricature représentant le prophète Mahomet dans le dernier numéro de Charlie Hebdo.

Or la plupart des pays du monde musulman ont perçu les algarades de Charlie Hebdo et le tirage ultérieur à des millions d’exemplaires de son numéro scandaleux comme un affront à l’islam et ont protesté par des manifestations de masse. Les actions les plus violentes se sont déroulées au Niger, où en quelques jours les foules indignées ont pillé et brûlé 45 églises, cinq hôtels, une école chrétienne dans la capitale du pays Niamey. Selon la police nigérienne, dix personnes ont péri et 175 autres ont été blessées. L’Europe n’est pas demeurée en reste : des marches anti-islamiques ont eu lieu en Belgique, en Allemagne, dans certains autres pays de l’UE.

« Doit-on expliquer par la seule action de Charlie Hebdo l’explosion actuelle de violence entre deux confessions et que faut-il faire pour arrêter de telles manifestations d’animosité entre elles ? » Notre observateur Igor Yazon a posé par téléphone ces questions au Tunisien résidant aux Etats-Unis, Mustapha Tlili, fondateur et directeur du Centre du dialogue islamo-chrétien auprès de l’Université de New York.

Il est assez bizarre d’observer une telle confrontation entre les mondes musulman et chrétien au début du 21e siècle, quand l’humanité a déjà tant fait sur le plan de civilisation, d’humanisme, de tolérance et d’entente entre les adeptes de diverses religions. Pour expliquer les événements en cours, il convient de regarder l’histoire, le temps où l’islam entamait sa formation. A cette époque éloignée les rapports entre l’islam et le christianisme qui s’était déjà affirmé n’ont pas été toujours pacifiques. Les deux confessions se livraient la guerre pour l’influence, la possession des terres. L’islam renforçait rapidement ses positions et a étendu progressivement son autorité dans les terres du Proche-Orient et du Levant, a soumis ensuite le territoire de Turquie, d’Afrique du Nord, de l’Andalousie européenne. Or l’islam, le christianisme et le judaïsme pouvaient aussi coexister pacifiquement comme en Andalousie, où l’architecture, l’art, la littérature, la science s’épanouissaient, en exerçant une puissante influence sur l’Europe. Mais le temps de la Reconquête est venu, et les musulmans ont été chassés en Afrique. Un puissant Empire Ottoman s’y est formé, qui a subjugué l’Afrique du Nord, le Proche-Orient, la Turquie. La Première guerre mondiale au 20e siècle a mis fin à cet Empire, et bien de ses terres ont été colonisées par la France et la Grande-Bretagne. La colonisation a relancé l’opposition entre l’islam et le christianisme, religion des colonisateurs, poursuit Moustapha Tlili.

A l’issue de la Seconde guerre mondiale, - dit-il, - avant tout la France, qui a perdu une bonne partie de sa population masculine et qui avait besoin de la main d’œuvre, a commencé à amener en métropole des dizaines de milliers d’Arabes de ses colonies. D’abord, c’étaient des hommes, puis des femmes aussi. Des familles arabes se formaient en France, en conservant leur culture, leur mode de vie et leur religion – l’islam. Celui-ci est devenu la foi de la deuxième et maintenant déjà de la troisième génération d’Arabes. Tous ils n’ont pas réussi à recevoir une bonne instruction, ce qui les vouait aux emplois les moins rémunérés. Devenu citoyens français, bien peu d’entre eux se sont initiés à la culture française. De là leur vif sentiment d’injustice, d’humiliation. De là provient aussi leur radicalisme islamique, comme défi aux Français de souche et à leur religion. D’ailleurs, - poursuit Moustapha Tlili, - et après les années 70 du siècle dernier les musulmans continuaient d’affluer en Europe d’autres pays islamiques, et de nos jours dans les pays de l’UE au moins 20 millions de résidants confessent l’islam. Tous les Européens n’acceptaient pas leurs nouveaux voisins, ce qui provoquait des tensions à caractère religieux et social. On comprend que Charlie Hebdo avec ses caricatures sur le prophète Mahomet, sacré pour les musulmans, a été perçu comme une offense par les musulmans français. Et lorsqu’après l’attaque terroriste contre les caricaturistes l’hebdomadaire scandaleux est sorti à des millions d’exemplaires, cela n’a pas manqué de provoquer une vague de protestation des musulmans dans d’autres pays.

Que doit-on faire pour arrêter la dangereuse confrontation entre les confessions ?

Je m’occupe depuis longtemps de cette problématique, - répond Moustapha Tlili. – A mon avis, il faut commencer par développer le dialogue entre les musulmans et les chrétiens dans le but d’inculquer aux gens, en premier lieu, aux jeunes, la compréhension de la culture des autres, la tolérance parmi les Européens, comme dans la communauté islamique. Je rappelle qu’au siècle de la mondialisation, les gens doivent apprendre à comprendre les uns les autres, à respecter les valeurs de sa culture et celles de la culture étrangère. C’est à cela qu’appelle, d’ailleurs, la Charte de l’ONU des droits de l’homme.

Il est difficile de ne pas s’accorder avec les propos de Moustapha Tlili. La tolérance, le respect mutuel des sentiments religieux de chaque membre de la société, l’éradication de la xénophobie, de l’idéologie nationaliste de droite- voici ce qui garantit la coexistence pacifique dans tout pays, dans n’importe quelle ville, dans chaque quartier. Il y a une expression : la liberté de toute personne s'arrête là où commence la liberté de l'autre…

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