Ces réunions très populaires en Allemagne n’ont pas encore franchie la frontière, mais des organisations françaises telles que riposte laïque essayent de reprendre le flambeau, avec notamment une manifestation programmée pour le 18 janvier à Paris. Mais Jean-Yves Camus chercheur à l’IRIS est persuadé que ces mouvements n’ont pas d’avenir en France car ici toutes ces revendications peuvent passer par les urnes :
Les manifestations islamophobes qui ont lieu en Allemagne, est-ce que la France peut être « contaminée » par ce type de manifestations je pense notamment à la manifestation du 18 janvier ?
La manifestation qui est programmée pour le 18 janvier, on ne sait pas si elle sera autorisée, il y a un contexte sécuritaire qui est complétement exceptionnel en ce moment à Paris, donc la préfecture peut prendre la décision d’interdire ce rassemblement.
Les groupes qui appellent à manifester sont assez marginaux, pour la première fois les militants de riposte laïque, qui appellent à la manifestation le 18, se sont réunis place de la bourse en une sorte de manifestation improvisée, ça suivait immédiatement ce qui venait de se passer contre Charlie Hebdo et on a compté une cinquantaine de manifestants. Donc à supposer même que la manifestation du 18 soit 10 fois plus importante, ça nous amène à 500 personnes, ce qui est très loin du nombre de manifestants que Pegida a réussit à obtenir Dresde et dans la plupart des grandes villes allemandes.
Je ne crois pas à la possibilité de greffe de ce mouvement en France, pour une raison qui est d’ordre politique – il existe en France un parti politique, le Front National, qui permet aux citoyens qui sont tentés de s’exprimer très fortement contre l’Islam un débouché électoral, c’est un parti qui participe à toutes les élections, un parti qui n’est pas néo nazie. En Allemagne la situation est très différente, les gens qui ont envie d’exprimer un sentiment anti islam, n’ont quand ils vont voter qu’un seul moyen de l’exprimer, c’est de voter pour le NPD, qui est un parti ouvertement néo nazie et beaucoup d’Allemands refusent à faire ce pas qui consiste à voter pour un groupe aussi radical. Et mis à part le NPD il n’y a personne d’autre, la CDU de la Chancelière Merkel a indiqué son opposition à Pegida et sa volonté est de faire venir d’avantage de migrants, c’est donc incompatible avec leurs idées. Donc ils ont d’avantage envie d’exprimer leurs idées en descendant dans la rue.
J’ai employé un terme – « islamophobe », est-ce que vous pensez que c’est un bon terme pour désigner ce genre de manifestations ?
Quand on regarde ce qu’écrit riposte laïque et ce qu’écrit Pegida eux mêmes assument le terme d’Islamophobie et c’est tout à fait différent du fait de vouloir comme un certain nombre de mouvements de droite qui refusent de se déclarer islamophobes et qui d’ailleurs ne le sont pas, mais qui sont attachés à une vision patriote traditionnelle de l’identité française, qui en acceptent la composante Chrétienne et Catholique.
Je crois qu’il faut prendre ce que disent les gens de riposte laïque au pied de la lettre et ils disent qu’ils sont islamophobes.
Mais pour autant aujourd’hui la question est de savoir si des gens qui ne sont pas d’extrême droite, qui ne sont pas islamophobes, mais qui constatent ce qui se passent, qui voient aujourd’hui les voitures de police tourner dans Paris et les ambulances et les morts… est-ce que cela qui ne sont pas des électeurs d’extrême droite, ne vont pas se dire qu’il y a nécessité d’être plus radical dans l’expression et dans notre attachement à une certaine vision de la France. C’est là qu’ils peuvent parler de façon tout à fait décomplexée de tout ce qui concerne le multiculturalisme.
En France on peut être contre une islamisation du pays et ne pas être islamophobe ?
Pour ma part j’assume parfaitement ce que vous venez de dire, je vis dans un pays qui n’est pas historiquement musulman, dont la majorité de la population n’est pas musulmane, je suis attaché à une forme d’identité française qui est dans la droite ligne de ce qui a été l’histoire de ce pays. Est-ce que je suis islamophobe dans le sens où je veux que les musulmans quittent mon pays – évidemment que non. Mais je suis opposé à ce que demain mon pays soit régi par des normes culturelles qui ne sont pas les miennes et qui ne sont pas celles de la France.
Où passe la limite entre une position comme la votre et l’islamophobie ?
La ligne est assez simple, pour des gens qui peuvent être de gauche, comme moi elle consiste à dire que nous résidons dans un pays laïque, nous sommes dans un pays qui depuis 200 et quelques années dit que la religion est pour la sphère privée, c’est pour l’individu chez lui, il a le droit de suivre ses préceptes religieux, il a le droit de se marier à l’église, à la synagogue ou à la mosquée, ce qu’il n’a pas le droit de faire c’est de vouloir que les lois du pays soient des lois religieuses, des lois imposées par une croyance. Je suis moi même juif, il y a des choses dans la religion juive qui ne sont pas tout à fait d’accord avec les lois de mon pays – le judaïsme est opposé à l’avortement, à l’euthanasie, au mariage homosexuel, mes conceptions religieuses vont à l’encontre de ces notions là, mais quand il y a une loi qui passe, comme c’est le cas pour le mariage homosexuel, c’est la loi de mon pays. Après ça ne m’oblige pas à me marier avec une personne du même sexe. Je continue à vivre avec mes concepts religieux, mais en même temps je reconnais à ceux de mes concitoyens qui n’ont pas de religion de faire comme ils veulent. Quand on commence à vouloir imposer ses normes culturelles ou religieuses dans un pays comme la France à la majorité des gens, si tôt que l’on veut que ça devienne la loi du pays ou même d’un quartier on est dans quelque chose qui est absolument intolérable.