Il va de soi que 70 ans de l'athéisme officiel sous le pouvoir soviétique ont rendu les fêtes de Noël plus laïques ayant mis l'accent sur le Jour de l'an. Ainsi l'arbre de Noël est devenu l'arbre de Nouvel an et les cadeaux sont distribués aux enfants également à l'occasion du Nouvel an. Noël proprement dit restait pendant cette période une fête purement religieuse célébrée par l'Eglise. Cependant de nos jours les gens commencent à se souvenir des coutumes relatifs à Noël.
Si l'on se réfère aux coutumes populaires, il devient clair que les fêtes de Noël remontent aux anciennes croyances païennes liées au solstice d'hiver et conservées par de nombreux peuples même après l'adoption du christianisme. Soit dit en passant, Noël n'est célébré que depuis le milieu du IV siècle. N'oublions pas qu'à l'époque seuls 10 % de la population de l'Empire romain étaient des chrétiens, bien que le christianisme y fût déjà la religion officielle. Il y a eu une multitude de cultes des dieux du soleil et de la lumière. Les fêtes de la lumière étaient aimées par tous. Selon le calendrier julien en vigueur à l'époque toutes elles étaient célébrées le 25 décembre. Des chrétiens y participaient eux aussi. Il est clair qu'il fallait mettre un terme à cette concurrence dangereuse. Cela a été fait d'une façon très simple : Christ a été placé sur le piédestal des dieux de la lumière. Les dieux des temps anciens ont disparu : personne ne croyait plus en eux, on ne les tolérait qu'à cause de la fête de la lumière. Mais la fête a été gardée et le 25 décembre est devenu Noël.
Quand le christianisme est venu en Russie (dans la deuxième moitié du X siècle) la fête de Noël y occupait déjà une place importante. Elle n'était pas étrangère à la population du pays qui fêtait depuis des lustres la période du solstice d'hiver. Il va de soi que Noël chrétien a coïncidé avec ces traditions.
La fête a toujours été précédé d'une période de préparation. Dans la Russie orthodoxe c'était le carême accompagné de prières, de veilles et d'abstinence. Il fallait préparer son âme à un événement important : à la naissance du Sauveur. Cette période durait 40 jours (depuis le 28 novembre jusqu'au 6 janvier). Il convient de rappeler que l'Eglise orthodoxe russe continue d'utiliser le calendrier julien en usage en Europe avant 1582, l'année à laquelle le pape Grégoire XIII a introduit un calendrier nouveau, baptisé grégorien. La Russie a adopté le calendrier grégorien après 1917, mais pas l'Eglise russe. La différence entre les deux calendriers est de 13 jours. Voilà pourquoi en Russie Noël est célébré le 7 janvier (le 25 décembre selon le calendrier julien).
Le carême de Noël impose l'abstention de viande, de produits laitiers et d'oeufs. Cependant le poisson et le vin sont autorisés, c'est pourquoi ce carême n'est pas considéré comme rigoureux. Pour l'Eglise le jeûne est obligatoire, mais il ne faut pas penser qu'il est observé par tout le monde comme c'était avant la révolution de 1917 quand les produits gras n'étaient même pas vendus dans les magasins. C'est pourquoi la période de carême en Russie ressemble plutôt à une période d'attente heureuse d'autant plus qu'elle est interrompue par le point culminant des fêtes d'hiver : le Nouvel an (1er janvier) avec l'arbre de Noël, le père Noël, les cadeaux, un repas abondant et la fête pendant toute la nuit.
Ceux qui célèbrent Noël selon les traditions religieuses se réunissent autour de la table pour le réveillon dans la soirée du 6 janvier (ce qui correspond au 24 décembre selon le calendrier grégorien). Notons que dans la journée il est interdit de manger avant l'apparition de la première étoile ou jusqu'à la tombée de la nuit si le temps est nuageux. Cependant on ne mange rien de gras car le jeûne continue encore. On ne commence à regaler que le lendemain après la messe. La table est alors couverte des mets les plus variés : porc, oie, poisson, salades, pierogi à la viande, au poisson, aux champignons, aux choux, ainsi que toute sorte de pâtisseries.
C'est ainsi que commence les fêtes de Noël russes, les Sviaki. Elles durent pendant deux semaines précédant le Baptême du Christ. Nous en parlerons dans un autre article consacré aux traditions d'hiver.