Les modifications de la loi sur la langue étaient tellement déplacées que les possibles conséquences en étaient prévisibles même pour des personnes éloignées de la politique. Or cela n’a pas arrêté les nouveaux députés ukrainiens, et la réaction à cela des habitants de l’Est ne s’est pas fait attendre. Entre temps, les politiciens ont décidé de lutter pour une purge de leurs rangs, en votant une loi sur la lustration. Elle comporte davantage d’exceptions que de règles, tandis que la purification rituelle rappelle toujours plus une concurrence déloyale. Toutes ces initiatives sont controversées et surprenantes au point qu’on cherche involontairement à comprendre les intentions des auteurs de ces lois : ruinent-ils délibérément le pays ou bien le font-ils par ignorance ?
A peine arrivés au pouvoir, les ex-opposants ont commencé à remanier sans merci la législation ukrainienne. Ils sont persuadés on ne sait pourquoi que plus c’est loin de la Russie, mieux ce sera. A cet effet, ils ont dénoncé le Traité sur l’amitié, la coopération et le partenariat, renoncé au statut hors blocs du pays. Ils étaient sur le point de dénoncer les accords de Biélovej sur la création de la Communauté des Etats Indépendants, mais le pépin est qu’en ce cas l’Ukraine serait redevenue membre de l’URSS, qui n’existe plus.
Il est clair que légiférer n’est pas le fort du gouvernement ukrainien. Il prévoit d’écarter du pouvoir tous les politiques s’étant à leur regard compromis par leurs activités au sein des administrations précédentes. Un commentaire du politologue ukrainien Alexandre Doudtchak.
« La loi sur la lustration est visiblement une fiction, visant à sélectionner des candidatures et des personnalités déterminées avec des convictions concrètes. Une opération fort délicate que celle-là, vu que parmi les organisateurs du récent Maïdan, de nombreux assumaient d’assez hautes fonctions sous le président Ianoukovitch et durant les périodes précédentes. Le même M. Porochenko avait été ministre sous M. Ianoukovitch. Il s’agit donc d’une commande politique, axée sur une configuration forcée de la hiérarchie du pouvoir. »
Ainsi on risque d’aller jusqu’à éradiquer tous le germes du non-conformisme. Et pour ménager les « siens », la loi prévoit une multitude d’exceptions diverses. Piotr Porochenko reste à son poste, nous dit-on, parce qu’il a passé par la lustration lors des élections présidentielles. Ioulia Timochenko et tout son ancien gouvernement ne quitteront pas la Rada Suprême pour avoir travaillé moins d’un an sous le régime de M. Ianoukovitch. Pour quelles raisons la lustration a contourné Alexandre Tourtchinov, ancien secrétaire du comité régional des Jeunesses communistes, et Igor Kolomoïski qui a une triple nationalité, personne ne s’est même donné la peine de l’expliquer.
Tout porte à croire que s’il y a un calcul dans toutes ces actions c’est uniquement celui de déstabiliser au plus vite le pays à un point de non-retour. Il se peut bien que ce soit l’objectif majeur des hommes politiques ukrainiens et de leurs patrons d’outre-océan, estime Guéorgui Fiodorov, membre de la Chambre civile de Russie et président du Centre des études sociales et politiques « Aspekt » :
« On comprend qu’un grand nombre de spécialistes, engagés réellement dans l’économie nationale, sont désormais limogés. En conséquence, dans un certain temps l’économie pourra suivre la pire des voies, en raison tout simplement d’un manque de professionnels. Cette lustration et autres activités avaient la vocation de mettre en place un pouvoir antirusse, une nouvelle élite politique. La même voie avait été suivie par l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et par d’autres Etats encore. »
Or les autorités ukrainiennes soit ne prêtent pas attention à ces exemples, soit, au contraire, tout les arrangent en eux. Et elles continuent d’exploiter deux procédés sordides – la russophobie et le chauvinisme, sans penser où cela peut conduire le pays. Par ailleurs, loin de s’améliorer, la vie de la population devient toujours plus difficile, et dans son chaque nouveau message le pouvoir conseille de serrer davantage la ceinture. Et tant que les autorités officielles ne changeront pas de politique intérieure et extérieure du pays, il ne faut s’attendre à aucune amélioration.