« Des preuves démontrent clairement que l'EI n'a pas abattu cet avion contrairement aux affirmations de cette organisation terroriste ». Le général Lloyd Austin, chef du Commandement central des Etats-Unis, a fait cette déclaration à propos de la chute du F-16 des forces aérienne de Jordanie survenue le 24 décembre sur le territoire de la Syrie.
Le général n'a pas expliqué les causes de l'accident. Ce qui n'est pas étonnant. Les militaires américains ont plus d'une fois déclaré que le F-16 était « l'avion de chasse polyvalent le plus fiable de toute l'histoire des forces aériennes des Etats-Unis ».
Est-ce vrai ? Ces derniers mois les « faucons de combat » (le nom officiel du F-16 est Fighting Falcon) surnommés également les vipères (Viper) s'écrasent avec une régularité menaçante. Le 30 novembre, un F-16 de US Air Force a eu des problèmes aussitôt après le décollage. L'avion s'est écrasé pendant l'atterrissage d'urgence, le pilote est décédé. Le 1er décembre, un F-16 de l'armée de l'air de Grèce est tombé au large des côtes sud de la Crète « à cause d'une panne mécanique ». Le jour même un F-16 turc a subi le même sort dans le nord de la Turquie. En novembre, un F-16 américain est tombé dans le golfe du Mexique.
Il est difficile de tout attribuer au hasard. En juillet 2014, quand trois pilotes se sont tués en un mois dans cinq crashes des F-16 des forces aériennes des Etats-Unis, ABCNEWS.com a publié une analyse des statistiques relatives aux pertes de ces avions en temps de paix. Les conclusions étaient accablantes. En dépit des déclaratons des militaires d'après lesquelles les F-16 sont devenus plus fiables, les données attestent que depuis le premier vol en 1982 la troupe des faucons perdait en moyenne 13 appareils par an et les Etats-Unis, 260 millions de dollars. Les statistiques ont démontré que les F-16 tombaient plus souvent que tous les autres avions de combat de l'Amérique. L'automne de 2014 a confirmé cette tendance.
Où est le problème ? Les partisans du F-16 affirment que l'accidentalité ne tient pas aux défauts de l'avion, mais aux conditions des missions qu'il accomplit. Les critiques signalent que l'avion équipé d'un seul moteur exclut initialement les chances de survie en résultat de sa panne. Après une série d'accidents provoqués par des problèmes de moteur, le sénateur John McCain a exigé, dès 2000, de débloquer plusieurs millions de dollars pour leur modernisation. Il a été décidé d'arrêter en 2005 les achats des F-16 pour l'armée de l'air américaine et d'acheter, à partir de la fin de la décennie, les avions multirôles de cinquième génération F-35. Il est vrai qu'il est également équipé d'un seul moteur. En août 2013, la Corée du Sud a renoncé à l'achat de 60 F-35.
Les acheteurs des F-16 les font écouler vers des pays tiers. Ainsi l'avion qui s'est écrasé en Syrie faisait partie des dizaines de F-16 d'occasion achetés pour les forces aériennes de Jordanie aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et à la Belgique. Au total trois F-16 « américains » et un F-16 « européen » s'y sont écrasés. Il va de soi qu'ils ont été modernisés. Mais cette année la Jordanie a décidé de revendre 13 F-16 « européens » au Pakistan. Selon les experts, ces avions sont en bon état technique et pourront voler pendant encore 20 ans. Cependant le Pakistan ne se propose pas de se fier uniquement aux appareils d'occasion. Il a déjà une alternative, à savoir l'avion multirôle JF-17 Thunder développé conjointement avec la Chine.
Néanmoins le F-16 reste demandé, il est relativement peu cher et polyvalent. Il est exploité par les forces aériennes de 25 pays et les Etats-Unis se proposent de l'exporter pendant longtemps. Il est vrai que les clients préfèrent actuellement les avions tout neufs. Le Maroc a acheté 24 F-16 et en a envoyé quatre à la guerre contre l'Etat islamique pour les tester au combat.
A la fin de 2015 l'Irak se proposait de remplacer par 36 Viper américains les avions soviétiques et français en exploitation depuis l'époque de Saddam Hussein. La première livraison devait avoir lieu en septembre 2014. Les F-16 n'ont pas été livrés. Les pilotes irakiens combattent les djihadistes de l'Etat islamique aux commandes des Soukhoï Su-25 achetés d'urgence à la Russie. Pour récupérer leur argent les autorités irakiennes vont chercher justice auprès des tribunaux internationaux.
Les Etats-Unis expliquent le retard par les raisons de sécurité aux environs de la base irakienne de Balad. Le porte-parole du Pentagone Steven Warren a fait en novembre une déclaration curieuse : « Nous allons envoyer trois F-16 irakiens à Tucson dans l'Arizona en décembre... ensuite un avion par mois jusqu'à mai, au total huit F-16. Nous attendons que les pilotes irakiens commenceront à voler à bord de leurs propres avions pour poursuivre la formation à partir de janvier ».
Les Etats-Unis promettent d'effectuer l'entretien technique de ces avions à leurs frais. Mais quelles sont les raisons des essais supplémentaires des avions sur leur territoire ? Pourquoi huit avions seulement seront livrés d'ici l'été prochain ? Evidemment pour que les nouveaux F-16 ne suivent pas le destin d'autres faucons qui ces derniers temps préfèrent avec une régularité suspecte tomber au lieu de voler.