Sputnik : La situation économique, peut-elle avoir des effets négatifs sur les projets d’investissement de la Russie et de la Chine ?
Alexeï Grouzdev : Le climat d’investissement est lié à la situation économique dans le pays. Mais en même temps, ce climat évolue en fonction des lois qui lui sont propres. L’attractivité de l’investissement permet de mener des affaires plus facilement, en limitant l’ingérence administrative et les procédures bureaucratiques. Dans son classement « Doing Business 2011 » évaluant l’atmosphère d’investissement dans 189 pays du monde, la Banque mondiale plaçait la Russie à la 120e place. Et dans le classement de 2014, la Russie se trouvait déjà à la 62e place.
En 2014, la coopération entre la Russie et la Chine dans le domaine des investissements s’est intensifiée. Les dirigeants des deux pays se sont posés comme objectif de porter le volume des investissements chinois dans l’économie chinoise jusqu’à 12 milliards de dollars. En 2013, les données statistiques pour 2014 étant manquantes, la Chine a investi dans l'économie russe environ 5 milliards de dollars. Selon nos informations, les investissements russes au cours de cette année sont estimés à 1,7 milliard de dollars. En outre, les entreprises russes sont intéressées dans les investissements en Chine.
Pour renforcer cette composante de la coopération économique, une décision a été prise en mai 2014 dans le cadre de la rencontre des chefs des deux Etats de créer une commission sur la coopération d'investissement au niveau des vice-premiers ministres. Igor Chouvalov dirige cette commission du côté russe. Et du côté chinois, ce sera le vice-premier ministre Zhang Gaoli. Une première session de la Commission a eu lieu en septembre 2014, et les participants se sont déjà intéressés aux objectifs que se fixe cette commission. Dans ce cadre, 32 projets d’investissement ont été sélectionnés dans des secteurs différents. Il s’agit notamment de projets de mise en valeur des ressources minières, la création de l’infrastructure et la livraison de l’équipement à haute technologie.
Certains projets, notamment le développement de l’infrastructure portuaire (notamment la construction du grand port de Zaroubino en eau profonde avec la participation des partenaires chinois), le développement des aéroports régionaux, et des projets dans l'agriculture. L’un des objectifs principaux de cette commission est la sélection des projets et l’octroi d’aide aux entrepreneurs pour franchir les barrières qui freinent le développement de leur activité économique.
Sputnik : Quelle influence a la dépréciation du rouble sur la coopération russo-chinoise ?
Alexeï Grouzdev : La question de l’utilisation des monnaies nationales dans les transactions entre les deux pays était discutée depuis plusieurs années. Récemment, les banques centrales des deux pays ont signé un accord sur les swaps en monnaies nationales pour un montant équivalant à 150 milliards de yuans.
La part des monnaies nationales dans les transactions bilatérales était en train de croître de manière stable jusqu’à présent, mais cette part n’est toujours pas très importante. Selon certaines estimations, cette part était évaluée entre 5% et 8% du volume commercial entre les deux pays. Dans la zone frontalière, cette part atteint 17-18%.
Les milieux d’affaires portent un intérêt croissant aux transactions en monnaies nationales. D’abord, lorsque le montant de la transaction n’est pas attaché à la monnaie d’un pays tiers, cela donne une certaine garantie de stabilité de la transaction, surtout dans le contexte des méthodes non-commerciales de la concurrence, comme les régimes de sanctions. Il y aura également des économies sur la conversion de la monnaie. Mais ce mécanisme doit être popularisé davantage. Pour ce faire, les banques devraient mener un travail d’information plus important. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
En ce qui concerne la dépréciation de la monnaie russe, ce processus peut avoir des interprétations différentes. Certains experts affirment que les partenaires chinois pourraient demander à revoir les contrats et insister sur des conditions plus favorables. À mon avis, on ne peut pas l’affirmer à coup sûr.
Surtout que selon les déclarations récentes des responsables chinois, la Chine confirme sa position de partenaire stratégique de la Russie, et il n’y aura pas de révision des accords conclus précédemment, en particulier en ce qui concerne les swaps en devises des deux pays.
En outre, la dévaluation de la monnaie dans un pays rend ses exportations moins chères de ce pays. Pendant une certaine période, on peut même s’attendre à la une hausse de la demande en produits russes de la part de nos partenaires chinois.