Les passions poutiniennes de l’Occident pour les nuls

Les passions poutiniennes de l’Occident pour les nuls
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La poutinophobie assez curieuse qui affecte ces dernières années les médias occidentaux et que l’on a vu se renforcer à vue d’oeil au moment de l’affaire criméenne n’est pas spécialement celle des élites politiques.

On voit bien des socialistes de l’ancienne mouvance tels que Jean-Pierre Chevènement ou Roland Dumas proposer un autre son de cloche. On voit bien l’UMP, Sarkozy le premier, déplorer le suivisme d’une équipe dont on sent les incertitudes et, en somme, l’immense faiblesse. D’où vient donc cette rupture si lancinante ?

Il est d’ores et déjà établi que tous les pays non-alignés, c’est-à-dire réticents à l’expansion de l’impérialisme anglo-saxon (la poussée américaine n’en est que l’expression primitive, l’idéologie se forgeant ailleurs) sont tous soit détruits, soit déstabilisés jusqu’à ce que chaos s’en suive, soit malmenés par des sanctions qui un peu comme des boomerangs frappent les économies et parfois même la réputation (Mistrals) de ceux qui sanctionnent.

Mais voilà le hic. Qu’entend-on pas « sanctions » ? S’il s’agit de punir dans une logique de cour de récréation, il paraît pour le peu étrange de punir un pays pour ce qu’il n’a pas fait. Une centaine d’observateurs internationaux ont reconnu le bon déroulement du référendum en Crimée. Mieux ! Ils l’ont unanimement qualifié d’ « exemplaire ». Le crash du MH17 n’est pas le fait de la Russie. Bien plus, une série d’expertises a démontré que ce n’était même pas le fait des séparatistes le Boeing ayant été abattu par un avion de chasse ukrainien. On avait longuement exhibé la présence de troupes russes régulières dans le Donbass sans présenter aucune preuve tangible de cette présence. Le commandant suprême de l’OTAN a fini par présenter un démenti qui n’a pourtant pas calmé les ardeurs. Coupable parce que coupable par definition – tel semble être la sentence définitive. Qu’en est-il en réalité ?

Trois tendances s’affrontent.

- L’une, périlleuse, jusqu’au-boutiste, consiste à appliquer la même stratégie de « chaos contrôlé » à tous les Etats rétifs. Certains sont visés directement, de plein fouet – Russie et Iran avec la spéculation pétrolière – d’autres indirectement, subissant des dommages collatéraux (Algérie et Venezuela si rien ne change d’ici peu). Le danger est éminent mais il l’est surtout pour l’Europe. Une certaine partie de ses élites est capable de sacrifier les intérêts des nations à l’Idée plus ou moins saugrenue d’une Europe unie universaliste vivant de valeurs surréalistes et d’esclaves. Certains semblent avoir compris leur erreur comme c’est le cas, manifestement, bien que des doutes persistent, de Sarkozy.

- Une autre tendance, sans être l’antinthèse de la précédente, consiste à consommer modérément le mode de pensée atlantiste en le soumettant autant que possible aux intérêts des puissances européennes. C’est un peu le procédé de la vieille école socialiste, favorable en son temps à Maastricht, toujours favorable à l’Europe fédérale et à l’euro, mais foncièrement hostile à la façon dont l’Europe bruxelloise tisse ses alliances et surtout à la façon dont elle les subit. Docilement. L’orientation de l’UMP dans son état de fissuration actuelle correspond plus ou moins à ce schéma.

- L’antithèse est incarnée par les partis nationalistes et/ou partiotiques, allant du FN (RBM) à l’UPR et en passant, sur le plan international, par le Front de gauche.

Voici donc une dialectique complexe qui de plus en plus effervescente envenime l’existence de la vieille Europe. Comme ce sont les deux premières catégories qui se partagent le pouvoir en s’alternant, il leur est très difficile de se mettre d’accord sur la politique à adopter vis-à-vis de la Russie.

Que constate-t-on ?

- La Russie, en ces temps de repli national, avait laissé tomber Kadhafi. Elle conçut très vite son erreur et se rattrapa et avec la Syrie et avec l’Iran. Deux points en moins pour elle.

- La Crimée d’abord, le Donbass ensuite, sont des territoires tellement savoureux que l’OTAN se préparait déjà à y installer ses bases et les grandes entreprises energétiques à y exploiter le schiste (Donbass). Or, la diplomatie russe fit des miracles. Comme par magie, avant même que l’Occident ne prenne le temps de réagir, la Crimée revient vers la Russie. Malgré toutes les provocations – persistantes et accrues – anglo-saxonnes ciblant la politique russe en Ukraine, le Kremlin ne se permit aucun dérapage. Encore un point en moins !

- Enfin, la Russie de Poutine incarne ce modèle souverainiste non-expansionniste conservateur qui est aux antipodes de la doctrine atlantiste. La Résistance de l’Idée à l’Idée par l’Idée est non moins dérangeante.

Se sentant impuissant, l’Empire anglo-américain se débat comme un beau diable en opposant au dialogue la violence, aux négociations une forte pression financière. L’Empire se débat. Il suffoque mais il persiste. Les BRICS, l’achèveront-ils dans son état actuel ? C’est précisément son cauchemar et le mobile qui le pousse à faire de Poutine un personnage comparable à Hitler, un peu dans l’esprit d’un BHL comparant le communisme soviétique au nazisme.

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