Le financement indirect de l'EI par les puissances occidentales - achat du pétrole syrien volé - ne fait qu'aggraver ce phénomène contre-nature la coexistence de l'islam et du christianisme dans les pays concernés étant un fait historique gommé par toute une série d'ingérences dites démocratiques. L'Ancien Continent, serait-il sur le point de payer la note salée d'une idéologie aussi obscurantiste que parasitaire?
Le rapport de Jürgen Todenhöfer, écrivain et homme politique allemand, n'est pas fait pour plaire. Cet homme a passé une dizaine de jours dans les territoires contrôlés par l'EI et a côtoyé autant ses représentants autoproclamés que ses combattants qu'il dépeint sous un jour contredisant les thèses véhiculées par les médias et nos représentations spontanées. Il s'agirait pour la plupart de jeunes gens convaincus du bien-fondé de leurs idées, ayant assez souvent fait des études supérieures et se disant prêts à forcer les portes de l'UE en y prêchant leur "Bonne Nouvelle". Leur détermination et leur sens du "sacrifice" semblent bien contagieux puisque leurs rangs enflent à raison d'une cinquantaine de nouveaux combattants par jour. Ces fous de Dieu, visiblement déjà moins instrumentalisés qu'on ne le croit, entendraient lancer le " plus grand nettoyage religieux de l'Histoire". Ils ne se contenteront pas de nettoyer au karcher le Moyen-Orient avec ses chiites et ses chrétiens. L'Europe est visée au même titre.
Entre-temps, les bisounours de Paris poursuivent leur chasse suicidaire au Bachar al-Assad. Le tribunal administratif de Paris vient de rejeter les requêtes déposées par sept Syriens victimes des agissements d'Al-Nosra qui pour M. Fabius aurait fait du "bon boulot". Comme il serait normal qu'un ministre des Affaires étrangères dise d'un Président légitime, en l'occurence de M. Assad, qu'il ne "mérite pas d'être sur la terre" (SIC), M. Fabius sort automatiquement sec de l’eau en rejetant la responsabilité de ses actes sur le dos de l’Etat. Il en résulte que non contente d’être dans le collimateur de radicaux soutenus comme de grands démocrates en Syrie, la France « relève désormais de la Cour internationale de Justice » (voir à ce sujet le rapport de Maître Damien Viguier, « La France, Etat terroriste sous Laurent Fabius ») ce qui, bien que n’étant pas l’objectif initialement poursuivi, disculpe cependant M. Fabius au détriment de l’Etat français dont la part d’implication dans le dossier syrien devrait être examinée par le Tribunal de la Haye. L’effet recherché a par conséquent été dépassé.
Enfin, on relèvera les incohérences des puissances européennes qui achètent le pétrole syrien volé par Daesh en prétendant le combattre avec les forces de la coalition. La posture de l’arroseur arrosé n’est pourtant pas des plus commodes, quand donc Bruxelles en prendra-t-il conscience en faisant fi du diktat washingtonien ? Ces djihadistes, seraient-ils finalement leurs meilleurs ennemis ou leurs amis jurés ? Faudrait savoir.
Islamologue de renom et géopoliticien, M. Bassam Tahhan est un vétéran de la question. Ses multiples interventions dont les plus percutantes remontent au début de la guerre qui a été importée en Syrie se fondent sur autant d’analyses que de pronostics ultérieurement confirmés.
La Voix de la Russie. « Un auteur et homme politique allemand du nom de Jürgen Todenhöfer a passé dix jours en compagnie des leaders et des combattants de l’EI. Il a tiré de cette « expérience » une conclusion aussi cinglante qu’en fait prévisible : Daesh est bien mieux organisé et bien plus dangereux qu’on ne le croyait ou qu’on voulait le faire croire. Personne n’échappe à son projet d’épuration religieuse, l’Europe occidentale y compris. Doit-on considérer qu’il s’agit d’un défi réel ou plutôt d’un Etat certes puissant mais surtout instrumentalisé par les USA pour mieux contrôler l’UE ?
Bassam Tahhan. On n’a pas attendu ce journaliste allemand pour le savoir. Si l’on se réfère que ce soit aux textes ou aux faits en Syrie, au Liban, en France et en Irak, toutes les conditions étaient réunies pour arriver aux mêmes conclusions. Pour ce qui est de la France, permettez-moi de remonter à l’année 1989. J’avais alors accordé au Monde un entretien qui portait sur l’enseignement de l’arabe en France. J’avais demandé au gouvernement de faire attention cet enseignement n’étant pas laïc ou laïcisé. Or, la majorité des petits de cette population d’immigrés apprenait l’arabe dans des associations et l’on ne pouvait pas contrôler leur orientation qui en fait était islamiste. Il ne faut pas oublier que dès les années 80 il y a eu une infiltration du royaume saoudite et de certains pays du Golfe en France ainsi que dans les mouvements intégristes radicaux. C’est à ce stade que la politique française n’a pas su, selon ses propres termes, juguler lesdits mouvements.
Pour ce qui est de « Daesh », permettez-moi de rectifier en disant « Etat islamique », cela non pas par esprit de contradiction mais parce que ce qu’il y a dans l’EI c’est bien le Califat qui a la prétention de couvrir le monde entier dans la mesure où ses aspirations revêtent une dimension universelle définissant l’expansion projetée de l’Etat islamique. Cette fausse polémique soulevée par les socialistes en France tenant au fait qu’il ne fallait pas dire « EI » mais utiliser l’acronyme arabe « Daesh » me semble pour ma part ridicule cet EI ne sévissant pas qu’en Irak – ce qui correpond au sens de l’acronyme – mais dans le monde entier.
Autre rappel. Dans une émission diffusée sur France Info, j’avais attiré l’attention du public sur le fait que la France aidait ces djihadistes soi-disant issus de l’ASL alors que c’était strictement faux. J’avais indiqué que ces armes qui leur étaient livrées pouvaient être retrouvées en Europe, en France notamment et dans nos banlieues, constat qui s’est traduit dans les faits à travers l’affaire Nemmouche ce dernier étant un djihadiste français qui s’est rendu directement d’Alep à Bruxelles pour y attaquer une synagogue. Les témoignages ne manquent pas, certains, plus anciens, sont restés sans réaction de la part du gouvernement français. Lorsqu’un chirurgien qui a été à Alep avait raconté que ceux qu’il avait soigné se targuaient d’avoir pour amis Mohammed Merah et qu’il fallait bien qu’un jour l’étendard du Califat musulman flotte sur la France, personne n’avait prêté l’oreille à son témoignage.
J’ai également soulevé toutes ces vidéos où l’on interpelle Hollande en annonçant qu’on allait le déboulonner, où l’on augure le débarquement des djihadistes au-delà de Poitiers, etc. Aucune réaction ne s’en est suivie. Au contraire ! En décembre 2012, M. Fabius a déclaré qu’Al-Nosra faisait « du bon boulot ». Quelques jours après, sur BFMTV, j’avais commenté le discours du Président Bachar al-Assad et j’avais dit qu’il fallait que le ministre des Affaires étrangères reprenne ce qu’il avait dit et redéfinisse sa position. On ne peut pas continuer à dire que ces islamistes font du bon boulot en faisant partie de l’opposition modérée.
Je ne vais donc pas passer en revue toutes mes interventions depuis le début de la crise syrienne qui avaient pour dénominateur commun le danger éventuel que représentent ces djihadistes venus de Tunisie (10.000 Tunisiens), d’Arabie Saoudite (6000 Saoudiens), de Tchétchénie, d’Angleterre, de Hollande, de Belgique, etc. Je décris ici une réalité concernant les faits en soi mais pas les textes. Si on se reporte à ces derniers en établissant un parallèle entre les discours d’al-Baghdadi proclamé Calife, le texte fondateur du wahhabisme d’une part et celui des Frères musulmans et d’al-Qaïda d’autre part, la position d’al-Baghdadi et au niveau des dogmes et au niveau pratique épouse exactement les thèses des trois références que j’ai citées avant. Par exemple, l’impératif prescrivant de frapper d’anathème et de traiter en apostats les chiites, les non-musulmans, les gens du Livre, etc. provient du wahhabisme mais également de Hassan el-Banna dans ses trois épîtres qui n’ont jamais été traduites de manière complète, à savoir l’épître des enseignements, l’épître du Djihad et l’épître aux jeunes. On y apprend qu’il convient d’abord de reconquérir les pays de l’époque médiévale de la grande expansion de l’Empire arabe allant de Poitiers jusqu’à l’Indus avec, pour phase finale, le monde dans son intégralité en donnant une fausse interprétation du Coran comme quoi une bonne guerre musulmane à l’échelle universelle serait requise au nom d’une paix musulmane qui en fin des fins devrait triompher. La lumière de Dieu couvrira à ce moment-là le monde. Il s’agit d’une fausse lecture ! Comment la lumière de Dieu couvrirait-elle le monde après cette bonne guerre ?
LVdlR. Trois attentats perpétrés (manifestement ?) par des radicaux endoctrinés ont eu lieu d’abord à Sydney ensuite dans deux villes de France – Dijon et dernièrement Nantes. Quelle est votre vision de ces attentats ? S’agit-il de provcocations visant à diaboliser l’islam ou de menaces réelles à prendre au grand sérieux ?
Bassam Tahhan. Je crois que ces trois attentats ne sont pas l’expression de l’EI. Je ne le pense pas dans la mesure où dans les trois cas on avait affaire à des forcenés soignés en psychiatrie. Ce point de vue relève donc un peu de l’islamophobie. Ceci dit, il existe un danger réel tenant au fait que l’EI a crée une sorte de label. N’importe quel loup solitaire fanatisé d’orientation islamiste peut commettre un attentat et revendiquer son appartenance à l’EI.
Mais il y a un aspect autrement plus grave. Ceux qui ont commis ces attentats n’étaient pas des « revenants » de l’Irak, de la Syrie ou du Liban. Cependant il faut s’attendre – et j’espère me tromper – à ce que ces gens-là rentrent en France et dans d’autres pays occidentaux et commettent des attentats. Je crois d’ailleurs que les services secrets de ces pays ont pleine conscience de cette éventualité et essayent même de faire passer des lois par le Parlement visant à empêcher le retour de ces gens-là à l’instar du phénomène des « Afghans ». Des Arabes du Maghreb rejoignaient par exemple Ben Laden en Afghanistan. Tous ces individus finissaient par porter l’étiquette d’ « Afghans ». Dieu sait combien ils ont commis d’attentats au nom de l’islam, de la révolution islamique, de l’Eveil islamique, de la Dawa, etc. Nos frontières sont certainement très mal gardées par conséquent la libre-circulation des armes est inévitable. Permettez-moi de rappeler que la France a commis des erreurs colossales en livrant en Syrie des armes létales. On a par exemple retrouvé des missiles Milan antichars et des caméras infrarouges qui peuvent viser un tank à deux ou trois km et en plus de nuit. Ce n’est pas anodin ! Verra-t-on un jour ces missiles faciliter les cambriolages ou braquages de fourgons blindés ou de banques, je l’ignore ! Peut-être seront-ils utilisés contre des écoles juives. J’espère que non ! Mais le problème est néanmoins flagrant. Que ce soit par le biais de Fabius ou de Valls dans une moindre mesure qui a dit qu’il ne pouvait empêcher les gens de partir en Syrie pour renverser une dictature, le gouvernement a incité une jeunesse musulmane radicalisée à partir se battre. Il faut se rendre à l’évidence : la politique occidentale s’est plantée concernant le dossier syrien en croyant que la chute de Bachar al-Assad allait être immédiate. Ils se sont plantés en encensant des islamistes pour découvrir quelques années plus tard qu’ils nourrissaient des vipères en leur sein ».
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