Le résultat du sondage réalisé en décembre pour l'association de défense des animaux L214 met de l’huile sur le feu. Il s’avère que presque 80 pour cent des personnes interrogés préfèreraient un foie gras obtenu sans gavage qui est, sans aucun doute, la pratique la plus cruelle d’élevage, tandis que près de la moitié des sondés réclament l'interdiction du gavage des canards et des oies. En même temps, une dynamique inverse s’observe en France dans la consommation globale de foie gras. Il s'agit de la troisième baisse annuelle consécutive indique l’association L214. En analysant tous ces chiffres, on peut s’imaginer que dans quelques années la France renoncera au gavage ce qui rendrait le produit de luxe encore plus luxueux aux prix stratosphériques. Les Français sont-ils prêts à une telle tournure des évènements ? La France peut-elle suivre l’exemple de l'Allemagne où la production de foie gras est interdite ? Et pour ce qui est des animaux, peut-on fermer les yeux sur la souffrance que provoque l’alimentation forcée ? Ce sont des questions philosophiques qui nécessitent quand même des réponses claires et précises. Dans une interview à la radio Sputnik, le porte-parole de l’association de défense des animaux L214 Brigitte Gothière livre sa vision de la situation.
Brigitte Gothière. С’est un sondage qu’on avait organisé déjà en 2009 et en 2013. On trouvait intéressant de voir comment la perception des Français évoluait dans un pays où, malheureusement, on continue un matraquage publicitaire par rapport au foie gras. Malgré qu’on soit en pleine période de promotion du foie gras, on se rend compte que les gens prennent conscience qu’on a un problème éthique vis-à-vis de cette production. On a ainsi 47 pour cent des personnes interrogées qui sont favorables à une interdiction du gavage et on a 29 pour cent des Français qui refusent aujourd’hui d’acheter du foie gras alors qu’on est dans le pays le plus consommateur et le plus producteur de foie gras.
Sputnik. Cette dynamique que le sondage a révélée, à quoi est-elle due, selon vous ?
B.G. Elle est due à la prise de conscience générale de la sensibilité des animaux. Elle est due aussi au fait que les conditions dans lesquelles s’effectue la production de foie gras, sont de plus en plus montrées dans les médias, alors qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour cacher le gavage. Les gens se rendent compte à quel point c’est une production qui ne s’intéresse pas du tout à ce que peuvent ressentir les animaux, qui ne tient pas du tout compte qu’elle provoque une maladie. Il y a des faits qui n’étaient pas connus et qui commencent à être connus. Les gens peuvent au moins décider, en toute connaissance de cause, de consommer ou non du foie gras et puis de poser une limite à ce qu’on inflige aux animaux sous prétexte de manger un de leurs organes.
Sputnik. Si on interdit le gavage en France, vous ne craignez pas que le foie gras produit dans d’autres pays européens, comme celui de Hongrie, par exemple, puisse envahir le marché français et du coup les Français en sortent perdants ?
B.G. Si par bonheur la France décide d’interdire le gavage, je pense que dans ce cas-là on a toutes les chances d’interdire le gavage au niveau européen et de faire comme pour la peau des phoques, c’est-à-dire interdire l’importation d’un produit qui serait issu d’une maltraitance et d’une cruauté sur les animaux. Aujourd’hui le pays qui bloque au niveau européen l’interdiction du gavage, c’est la France…
Aujourd’hui en France on trouve encore des cages individuelles alors qu’elles sont interdites au niveau européen depuis 2011 et les cages collectives qui ne respectent pas non plus les nouvelles normes.
Sputnik. Le foie gras est quand même une des richesses gastronomiques françaises. Est-ce qu’il est possible de la garder, en modifiant peut-être le principe de la fabrication ?
B.G. Modifier le principe de la fabrication ça voudrait dire arriver à reconstituer un foie gras qui ne soit pas issu de la souffrance des animaux, donc un foie gras 100 % végétal. C’est un défi face aux enjeux mondiaux de développer une gastronomie qui soit la moins préjudiciable possible aux animaux mais aussi à l’environnement… On sait très bien le rôle que joue l’élevage dans le dérèglement climatique aujourd’hui. C’est un vrai défi pour les chefs français. On est vraiment impatient qu’ils nous inventent des plats originaux à la française mais adaptés avec une nouvelle cuisine qui serait respectueuse de l’environnement, des animaux… »