Par petits groupes, ils passent en tenu de civils le poste de contrôle pour se rendre en ville. Quand on tente de les saluer, ils répondent de manière chaleureuse et courtoise. Même s'ils ont des consignes strictes de ne pas parler, certains répondent mais ils refusent d'évoquer la politique. Sauf un officier russe, qui nous a donné son point de vue avec une pointe d'humour. Ce sont des soldats, des marins, qui sont là pour obéir à des ordres, pas pour parler politique. Cependant le rapport humain est là. Les habitants de Saint-Nazaire trouvent que ça fait « ghetto » quand ils vont voir les Mistral. Les marins russes sont stationnés derrière des grilles et les gens viennent les voir et prendre des photos « comme si on était au zoo ». En circulant dans Saint-Nazaire, quelques jours avant Noël, on comprend que la guerre en Ukraine s'est transportée dans la ville portuaire. Mais des habitants souhaitent dans un geste de solidarité se réunir pour partager Noël avec les marins russes.
Ghetto. Un long grillage entoure les Marins russes. « Le grillage était déjà là pour protéger les marchandises sur le port», explique le service communication de la mairie qui ne souhaite plus communiquer sur la présence des marins russes. Pour le représentant du FN Jean Claude Blanchard, la mairie n'a pas voulu organiser une rencontre avec une délégation des marins afin de souhaiter leur bienvenue à Saint-Nazaire et parle de la manipulation faite par un groupe pro-Kiev avec un photographe dont les manifestants sont venus en cars de la région parisienne. « Le photographe expose à l'ambassade ukrainienne de Paris», peut-on apprendre. La commune de Saint-Nazaire ne dépense rien pour la présence des soldats russes et ces derniers se comportent comme des gentlemen.
Comme à l'époque de Napoléon. Nous avons rencontré des marins et trois officiers à Saint-Nazaire, dont un qui a donné un avis sur la situation. Les marins refusent de parler politique, « on a des ordres», dit l'officier russe, qui continue en riant : « les marins ne pensent pas». « Nous, nous sommes des officiers», rajoutant : « je blague». Jean Claude Blanchard, FN, explique que les marins russes ne parlent plus à cause de diverses tentatives de manipulation et provocations faite par les organisations pro-Kiev. Dans les rues de Saint-Nazaire, on croise donc des marins russes par petits groupes. Certains portent le ruban de Saint-George comme cet officier en civil qui a bien voulu nous parler et qui fait de l'humour. « Le Pen, Sarkozy sont bien ! Le général de Gaulle était une personne respectable ! François Hollande n'est pas un imbécile mais il fait son jeu. Demandez à Hollande et à Obama ce qui se passe. Dans trois ans on aura un président russe en France. Comme pour Napoléon, la France va se la faire mettre », dit l'officier en civil, en tapant du plat de sa main gauche sur sa main droite refermée en poing. Les trois officiers éclatent de rire et l'officier qui veut bien parler dit encore, « je blague», tout sourire, avant de continuer son chemin.
Commande russe, commande américaine. La même société qui produit les Mistral pour la Russie réalise aussi le plus gros paquebot du monde qui porte le nom d'Oasis et qui coûte plus d’un milliard à un armateur américain. STX France doit livrer au printemps 2016 le premier Oasis à l'armateur américain Royal Caribbean Cruise Line. Le second Oasis doit être livré au printemps 2018. A Saint-Nazaire, la Russie et les Etats-Unis s'affrontent commercialement avec la France en arbitre qui ne respecte pas les règles du jeu. Des ouvriers venus d'Ukraine participent à la construction d'Oasis. STX ne répond pas sur le nombre d’Ukrainiens sur le chantier. « On vient de la ville de Nikolaïev», dit l'ouvrier ukrainien qui porte un badge de couleur rouge et noire sur la poitrine côté cœur. Nous le rencontrons avec deux de ses collègues dans la galerie marchande de Saint-Nazaire, à côté des attractions et des manèges de Noël. « La France ne doit pas livrer les Mistral. Poutine est un fasciste. Pour la construction d'Oasis, les Etats-Unis ont fait venir des ouvriers d'Ukraine exprès pour ce contrat. Chez nous, avec la guerre, il n'y a plus de travail. Nous travaillons aussi partout en Russie sur des chantiers. En ce qui concerne l'Ukraine nous ne voulons pas appartenir à la Russie ni à l'Union européenne», disent les ouvriers antirusses qui évoquent des tensions entre les prorusses : « ici, des pro-Kiev se sont battus contre des pro-russes». Plus loin c'est un groupe de 3 ouvriers ukrainiens venant de Sébastopol pour travailler sur Oasis que nous rencontrons, « Les Russes et les Ukrainiens sont le même peuple. Les médias ukrainiens appartiennent aux Etats-Unis et ne font que de la propagande. Ceux qui ont participé à Maïdan réalisent qu'ils ont été manipulés mais c'est trop tard. Les Mistral c'est une histoire de business. En Ukraine tous les hommes de 45 ans à 50 ans doivent rejoindre l'armée ukrainienne. L'armée ukrainienne a des tanks qui sont en panne. C'est une armée qui ne vaut rien», disent-ils.
Marins pris en otage. Un couple de retraités s'arrête devant le Mistral : « on vient voir les bateaux et les mises à l'eau. De la pointe de Saint-Gildas on les voit passer. Tout nous intéresse. C'est impressionnant de les voir finis. Le Mistral est un bel engin. Mais c'est un peu décevant car c'est pour l'armement. Les marins n'ont pas de chance d'être là. Ils sont pris en otage. On a ce système de ghetto depuis mi-mai mais personne n'en parle dans les médias. On aimerait bien parler aux marins russes. Ça serait sympa de leur apporter des gâteaux et de boire le café avec eux. On est solidaire avec ces gars là et d'ailleurs si nous lancions l'idée de nous réunir à plusieurs pour fêter Noël avec eux? » /N
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